La cour dʼappel de Bordeaux pourrait désavouer une nouvelle fois lʼacharnement du préfet de Gironde
contre ce lycéen scolarisé à Mérignac. Le 12 octobre dernier, le tribunal administratif de Bordeaux an-
nulait lʼarrêté de reconduite à la frontière de Karim, jeune Algérien homosexuel, scolarisé en BEP à
Mérignac.
Le juge estimait que « le pré-
fet avait commis une erreur
manifeste dʼappréciation quant
aux conséquences de la mesure
dʼéloignement sur la situation
personnelle de lʼintéressé » en
refusant de prendre en compte
les risques quʼencourait le jeune
homme en cas de retour en Al-
gérie.
Karim, à Tizi Ouzou, a – encore
des parents. Qui lʼont battu,
insulté, chassé. Comme ses
camarades de classe. Lʼhomo-
sexualité est punie de trois ans
de prison ferme en Algérie, sans
compter ce quʼelle suppose de
vexations, de discriminations,
voire de mise en danger si lʼon
tombe dans les mains des ex-
trémistes religieux, particuliè-
rement actifs dans cette région.
Le préfet débouté avait osé faire
valoir que lʼhomosexualité du
jeune homme était « alléguée »,
mais pas « prouvée », et quʼil
sʼen – servait comme argument
pour frauder lʼadministration
française et obtenir une auto-
risation de séjour. Le – témoi-
gnage du compagnon de Karim
ne lui ayant, visiblement, pas
suffi, le préfet ira-t-il jusquʼà ré-
clamer lʼinstallation de caméras
pour évaluer la réalité de la vie
privée du jeune homme ?
La victoire du bon sens nʼa pas
été du goût du fonctionnaire,
que la pression de son ministre
a donc conduit à faire appel.
Lʼavocat de Karim, maître Pier-
re Landete, remarque que, fina-
lement, lʼerreur dʼappréciation
du préfet relevée par les juges se
perpétue dans cet appel. Cʼest
pourquoi, ce matin à 9 heures,
les juges seront amenés à déci-
der sʼils déjugent leurs collègues
et cèdent au chantage ministé-
riel. Il est évident que la vali-
dation de lʼarrêté de reconduite
à la frontière fera une unité de
plus dans les statistiques du
ministre et un jeune à la vie
brisée de plus. Il est évident
aussi que lʼabsence de référence
aux orientations sexuelles dans
les lois sur lʼasile est un man-
que inadmissible, puisque la
liste des « pays sûrs » établie
par lʼUnion européenne et la
France comporte des nations où
lʼhomosexualité est considérée
comme un délit, voire un crime.
Ce qui a, dʼailleurs, justifié, lʼin-
tervention de Jack Lang auprès
du premier ministre.
Karim a, en effet, obtenu un
soutien dʼampleur qui sʼest
particulièrement manifesté, la
semaine dernière, lors de son
parrainage par la comédienne
Josiane Balasko et Matthieu
Rouveyre, conseiller municipal
PS de Bordeaux et président de
la Lesbienne et Gay Pride bor-
delaise. « Il a lʼâge de mon fils,
expliquait la comédienne qui,
étant venue travailler à Berge-
rac, en avait profité pour faire
un détour militant à Bordeaux.
Je suis donc bien placée pour
comprendre les peurs de ce gar-
çon qui est seul ici. Ces métho-
des dʼexpulsion sont indignes
de notre pays et, pourtant, le
gouvernement sʼen vante ! Ces
actions indignes ne vont pas ré-
gler les problèmes des Français
qui se demandent si leur usine
ne va pas être délocalisée, ou
aider la mère de famille qui ne
sait pas comment acheter de la
viande pour ses enfants ! Mais
cela fait plaisir au gouverne-
ment ! »
Pour Karim, que toute cette mé-
diatisation gêne, le seul espoir
est de vivre en paix, de finir ses
études calmement. « Je ne peux
pas retourner là-bas, je nʼy ai
plus personne, plus rien. Je ris-
querais ma vie… Pourquoi ? Au
nom de quoi ? »