Roger-Luc Chayer
C’est la crise au Village et plus que jamais, tant les commerçants, les résidants que les visiteurs exigent de la part de la Ville de Montréal non plus des idées, mais des actions! Elles tardent encore et toujours.
Je me suis placé récemment les pieds dans les souliers des décideurs en me demandant, à moi-même, qu’est-ce que je ferais pour sauver la vitalité économique et sociale du Village gai de Montréal?
Pour commencer, je suis allé passer quelques heures dans une institution montréalaise qui s’occupe des besoins de première ligne des itinérants ayant des problèmes majeurs de consommation de drogues. Car c’est là le principal problème du Village, s’il fallait commencer quelque part…
Anonyme, calmement assis dans la salle d’accueil, on m’a immédiatement offert un bon café de bienvenue, on m’a traité comme un être humain dès les premières minutes. Ce que j’ai observé, à l’organisme Cactus-Montréal, c’est l’état dans lequel se présentent les usagers. Ils sont au pire. En sevrage de drogues, sales, sous-alimentés, désespérés, malades, il y en avait de toutes les sortes.
Pendant qu’un usager criait agressivement parce qu’il ne trouvait pas son briquet, qu’il pensait s’être fait voler à son hébergement de nuit, un autre dormait assis à une table, lui qui venait de s’injecter sa dose de drogue, car Cactus, c’est aussi un centre d’injection supervisé, c’est-à-dire qu’on ne laisse pas les gens seuls pendant qu’ils consomment, c’est une question de vie ou de mort. Ils peuvent même faire analyser de façon très précise leur drogue avant de la consommer, un autre service gratuit et anonyme de Cactus.
Pendant mon court séjour, j’ai constaté les besoins les plus criants de la clientèle du centre. Peu importe la raison de leur visite, ils peuvent à tout moment prendre une douche, laver leur linge ou parler à un intervenant qui pourra les aider à travers les dédales de la société tant pour cesser les drogues, pour s’héberger, pour obtenir une carte d’Assurance-Maladie du Québec sans adresse ou même pour les accompagner à l’hôpital en cas de problèmes de santé. Tout cela se fait avec une véritable générosité de la part du personnel et j’en étais très ému au point de le souligner à mon départ, semant quelques sourires au passage.
J’ai été tellement bouleversé par ma visite de quelques heures, que pour le reste de la journée, j’ai dû prendre congé pour me remettre les idées en place.
Imaginez travailler à cet endroit ou pour des organisations similaires, imaginez les travailleurs de rue qui interviennent auprès de ces clientèles à l’année et imaginez un seul instant si les élus nationaux, provinciaux ou municipaux allaient faire comme moi et y passer quelques heures, juste pour voir, afin de trouver l’inspiration pour de nouvelles mesures permettant à la fois d’aider ces personnes dans la dignité et en même temps, de soulager le Village gai qui en a grandement besoin, plus que jamais…
Commençons avec quelques solutions qui me sont venues en tête après mon séjour à Cactus-Montréal et avec mon expérience des 30 dernières années à fréquenter et à communiquer avec le Village!
Désintox: Avant toute chose et avant de pouvoir physiquement et mentalement prendre quelque décision que ce soit, le client dépendant et déstructuré, depuis peu ou depuis longtemps, a besoin d’un répit des drogues ou d’une diminution de sa consommation pour pouvoir prendre les décisions éclairées qui pourront l’aider à court ou long terme. Il faut bien commencer quelque part et il est inutile de se poser quelque question que ce soit si la personne n’a pas ses capacités mentales minimales.
Il y a quelques exceptions toutefois, et ce sont les cas les plus lourds, ceux qui sont irrémédiablement atteints neurologique-ment par les drogues et les poisons qu’elles contiennent. La solution n’est pas de les laisser dans la rue à crever comme des chiens, et, du coup, à nuire à tout un quartier par défaut, mais de les ramener à un hébergement médical afin d’essayer d’améliorer leur confort. Ces moyens médicaux et ces hébergements existent actuellement. Décision SVP!
Hébergement: Une des raisons premières de la présence dans les rues du Village de cette clientèle est le manque d’hébergement de jour d’abord, de nuit ensuite, car il comporte des impératifs difficiles à suivre pour ces gens qui, parfois, ne veulent pas se retrouver avec des gens qui ont les mêmes problématiques. Je les comprends et c’est ce qui explique que ces personnes décident de vivre dehors, au gré des saisons, pour le malheur du Village. Solution?
Utiliser les locaux vacants de Montréal, sur décret de la Ville, y aménager des installations individuelles pour chaque résidant et procurer à ces gens une stabilité à long terme, accompagnée d’une thérapie de désintoxication qu’ils décideraient tous ou presque de suivre, vu la possibilité de reprendre une place plus normale dans la société. Le fait de retourner dans la société des gens aptes à un certain travail, dans un contexte de pénurie d’emplois extrême à Montréal et au Québec, rend encore plus logique cette stratégie et rendrait service, du coup, au Village! Décision SVP!
Suivi médical non contingenté: Même si la personne ne désire pas commencer une éventuelle thérapie de désintoxication, elle pourrait être aidée par une aide médicale, comme cela se fait par l’entremise de certaines associations. Cet accès pourrait être élargi et pourrait favoriser une remise en santé de ces personnes de manière à leur permettre indirectement de prendre de meilleures décisions. Cet aspect de la solution relève du Ministère de la santé du Gouvernement du Québec et pourrait peut-être faire l’objet d’un programme fédéral qui intervient déjà avec la santé mentale des Canadiens. Décision SVP!
Re-criminalisation du Village: Depuis plusieurs années, dans l’arrondissement de Ville-Marie à Montréal, notamment dans le Village gai, il existe une forme de décriminalisation qui permet aux autorités de ne pas engager des poursuites pénales pour certaines infractions, incluant les désordres en général, l’itinérance, les drogues, les méfaits, la prostitution, le vagabondage, etc.
Cela a clairement contribué directement à l’état et à la situation sociale du Village. Il serait temps maintenant de songer à re-criminaliser l’arrondissement, comme c’est déjà le cas partout à Montréal d’ailleurs. Cela permettrait aux autorités de mieux intervenir selon la loi plutôt que de laisser aller selon le goût du jour. Décision SVP!
Il faudra bien commencer coûte que coûte à décider de ce qui sera fait pour sauver le Village, et ce, dès maintenant, pas demain, pas l’an prochain. Il faut interpeller nos élus pour que ça commence, GO!