Par Le National |
La Net-économie européenne veut se renflouer dans le pornoLONDRES (Reuters) – Les sociétés internet européennes, en plein crise financière, ne se contentent plus du commerce électronique « respectable » – livres, musique, voyages – et misent désormais ouvertement sur le secteur plus lucratif de la pornographie. « Ce qui entraîne ce mouvement vers (le contenu pour adultes), c’est le flux régulier de revenu qu’il assure », explique Scott Smith, directeur des stratégies internet en Europe de la société d’études The Yankee Group. « Le sexe fait vendre. »
Mi-août, le deuxième fournisseur d’accès à internet (FAI) en Allemagne, Freenet.de, lancera Fundorado.de, un site proposant des vidéos « hard-core », des galeries de photographies pornographiques et des groupes de discussion, accessibles pour un abonnement mensuel de 9,95 euros. Ce nouvel entrant sur un marché déjà bien animé par les acteurs traditionnels bénéficiera de partenariats avec les sociétés Orion Holding International GmbH, un des premiers producteurs et distributeurs allemands de films et de livres érotiques, et Audiofon GmbH, un opérateur de messageries roses téléphoniques. Il sera bientôt rejoint par son principal concurrent, T-Online, premier FAI allemand, qui a annoncé lundi un partenariat avec le groupe Private Media Group. Le service allemand de courrier électronique gratuit GMX.de a également annoncé la mise sur pied d’une activité de contenu pour adultes. En Grande-Bretagne, le site de commerce électronique Lastminute.com a inauguré la semaine dernière la vente aux enchères de gadgets érotiques. Ce n’est pas un hasard si l’Allemagne, qui bénéficie d’une des législations les plus libérales à l’égard de la pornographie, s’affirme comme le laboratoire du développement du porno dans la Net-économie. Le groupe Beate Uhse est l’une des chaînes les plus prospères de sex-shops en Europe, et la TV commerciale RTL, partiellement détenue par les groupes Bertelsmann et Pearson, a fondé sa prospérité sur un mélange de « soft porn » et de jeux populaires. Un secteur rentable. Etranglées par la chute des revenus générés par la publicité en ligne et le commerce électronique, la plupart des sociétés internet n’ont pas d’autre choix que de rechercher de nouvelles sources de financement et se tournent tout naturellement vers le seul secteur réputé rentable. Le marché de la pornographie en ligne bénéficie d’une clientèle de plus en plus large, prête à payer pour des produits disponibles et bon marché. Dans une étude de 1998, la société britannique d’études Datamonitor prédisait que le marché du porno sur internet atteindrait 3,1 milliards de dollars en 2003. Un récent sondage réalisé par la société d’études Netvalue montre qu’un tiers des internautes allemands visite régulièrement des sites pour adultes. Avant d’être touchées par la crise, les jeunes sociétés internet s’étaient tenues à l’écart de la pornographie, craignant pour leur image. Elles n’ont plus les mêmes réticences aujourd’hui: le portail Yahoo s’est ainsi décidé à vendre des cassettes vidéo pornographiques malgré l’opposition de groupes d’internautes. Les autres fournisseurs d’accès et portails pourraient rejoindre le mouvement si le domaine d’activité du porno prouve sa capacité à rapporter en Europe comme aux Etats-Unis, estime Kai Kaufmann, analyste chez Dresdner Kleinwort Wasserstein à Londres. Les FAI sont naturellement appelés à entrer dans cette nouvelle sphère économique par leurs capacités à suivre les habitudes de navigation de leurs abonnés. Eckhard Spoerr, le directeur général de Freenet.de, a pu ainsi facilement déterminer que sa société avait 2,1 millions d’abonnés masculins et que 10% d’entre eux seraient prêts à payer l’abonnement à Fundorado.de. Spoerr s’attend même à ce que Fundorado.de soit rentable dès la première année, soit avant même l’activité principale de FAI de Freenet. Certaines entreprises refusent toutefois de franchir le pas: c’est le cas notamment du groupe Lycos Europe, pourtant en perte financière, financé par Bertelsmann et le FAI espagnol Terra Lycos. |