La résilience est plus facile à gérer que la combativité

Par Stéphane G.
Photo : Alonios

(Selon Wikipédia) La résilience est un phénomène psychologique  qui consiste, pour un individu affecté par un traumatisme, à prendre acte de l’événement traumatique pour ne plus vivre dans la dépression. La résilience serait rendue possible grâce à la réflexion, à la parole, et à l’encadrement médical d’une thérapie, d’une analyse.

Dernièrement, je recevais quelques courriels et lettres de lecteurs me félicitant pour cette chronique et exprimant beaucoup de sympathie à mon égard. Je tiens d’abord à vous remercier pour ce support et si ma chronique peut aider à mieux faire comprendre la réalité carcérale d’un détenu, j’en suis extrêmement flatté. On me demande comment je fais pour passer à travers tout ça?

Il faut du courage et une force de caractère à toute épreuve pour survivre à cet environnement mais il faut parfois simplement s’y résigner, arrêter de se battre et accepter les choses telles qu’elles se présentent.

J’ai vite compris ici ce qu’était que l’absence de choix. Je n’ai pas le choix de ce qui sera servi aux repas, ni de l’heure à laquelle je pourrai manger. Je n’ai pas le choix de me lever à 7h le matin, de me vêtir et de faire mon lit sauf si je souhaite me retrouver avec un rapport disciplinaire. Je n’ai pas le choix d’allumer ou d’éteindre le néon de ma cellule puisque l’éclairage est contrôlé par les gardiens. Avec le manque de choix vient inévitablement le manque de contrôle.

Puisque je n’ai plus le choix face aux événements qui régissent ma vie et ma condition de détenu, je n’ai donc pas de contrôle sur ces événements et les conditions qui s’y rattachent. La seule chose sur laquelle j’ai un choix mais pas toujours le contrôle c’est la façon que je réagis à ce manque de choix.

Mon niveau d’acceptation de ce qui, auparavant, m’apparaissait insupportable s’est considérablement élevé au cours des dernières années. Il ne s’agit pas ici de résignation, comme certains pourraient le penser. Il s’agit plutôt de la compréhension qu’une situation aussi difficile qu’elle puisse être n’est que temporaire, aussi interminable qu’elle puisse paraître dans son “impermanence” et son intolérabilité.

Après tout, la perception que nous avons de contrôler tous les éléments de notre vie est peut-être fausse. Même dans la libre société, il y a des gens qui sont encore plus emprisonnés que les détenus. Ils ne contrôlent pas leurs problèmes ou leur façon de réagir à la vie.

Pour ma part, en acceptant de réagir de manière à ne pas me sentir frustré ou injustement traité a eu pour effet d’augmenter mon niveau de tolérance en général et je suis maintenant plus flexible face à ma condition de détenu et à ce qui s’y rattache.

Plutôt que de me concentrer sur mes horribles conditions de détention, je porte mon attention sur la façon de les alléger.

Ce n’est pas toujours évident et je suis souvent testé dans ma théorie. Si parfois je me sens démoralisé ou impuissant devant l’ampleur de la tâche, je me concentre alors sur les paroles d’un ami qui se reconnaîtra sûrement ici et qui disent à peu près ceci: “ Il ne peut pas pleuvoir à tous les jours. Tôt ou tard, il fera soleil”. Après tout, ne suis-je pas en Floride, The Sunshine State?

On peut écrire à Stéphane G. à info@gayglobe.us

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