MÉDIAS, QUAND ÇA DÉRAPE

Photo de Montréal

Roger-Luc Chayer

Un article et un reportage publiés vendredi le 27 mai dernier par Global News à Montréal faisait état d’affirmations plus que surprenantes sur le prétendu « épicentre » de la contagion à la Variole du Singe, et comme plusieurs personnes du public, même à titre d’expert en éthique journalistique, j’ai été surpris par le traitement de cette nouvelle.

Dans le reportage, autant vidéo qu’écrit, les trois journalistes responsables ont rapportés les propos de deux médecins montréalais qui disaient que deux de leurs patients avaient déclarés avoir fréquenté un sauna de Montréal, en le nommant spécifiquement dans l’article. Or, il y a eu un amalgame absolument inacceptable entre gais et saunas,  nouvelle écartant toute autre théorie, parce que visiblement c’est bien plus « punché » de parler de saunas gais que des autres possibilités.

Tout d’abord, la santé publique de Montréal n’avait jamais mentionné le nom d’un seul sauna comme lieu d’éclosion de la Variole du Singe, on avait simplement mentionné que la maladie se transmettait entre des hommes qui avaient des relations sexuelles ou des con-tacts rapprochés avec d’autres hommes, incluant les hommes bisexuels. Jusque-là, rien à redire!

L’article de Global News, qui déclarait que « ce sauna » était l’épicentre de la transmission de la maladie à Montréal était grossièrement exagéré. Au moment de publier leur article, il y avait 25 cas confirmés à Montréal et une trentaine d’autres cas sous enquête. Les deux médecins qui tirent la conclusion que « ce » sauna serait l’épicentre de la contagion basée sur deux patients ne sont pas tellement forts en statistiques. Qui nous dit que d’autres saunas ne sont pas impliqués? Il y en a au moins 5 dans la région de Montréal, et qui dit que les applications comme Gay411 ou Grindr, etc. ne sont pas aussi vecteurs de transmission de la Variole??? Impossible de le savoir pour le moment.

En agissant ainsi, ces deux médecins, avec la complicité du média, se substituaient à la santé publique de Montréal en y allant de déclarations et de conclusions avant même que la santé publique ne décide d’en parler. Ce n’était certainement pas la bonne façon de procéder. Ces médecins, probablement de bonne foi, auraient dû faire monter l’information à la santé publique et exiger de l’organisation qu’elle émette un communiqué pour inviter les clients des saunas à être prudents.

Pire, alors qu’on a ciblé les hommes gais et qu’on a volontairement refusé d’inclure les hommes bisexuels dans l’article, le média a détourné son attention d’une réalité pourtant connue dans la grande région de Montréal, soit l’existence de nombreux clubs échangistes hétéros qui comptent plusieurs milliers d’hommes bisexuels. Ces hommes bisexuels pouvaient certainement fréquenter des saunas gais. Ce ne sont pas les saunas qui sont responsables de l’éclosion actuelle, mais bien le comportement des clients qui vont et viennent entre saunas et clubs échangistes.

Pourquoi ne pas mentionner les clubs échangistes? Je dis ça comme ça, rien que pour parler, mais est-ce qu’il serait possible que certains journalistes les fréquentent et ne souhaitaient pas nuire à leurs loisirs?