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Quelques jours avant les célébrations et le grand défilé de la Fierté gaie de Toronto, les femmes homosexuelles ontariennes organisaient leur propre défilé et boycottaient le défilé global de la Fierté. Pourquoi? Est-ce que finalement les femmes ne viendraient pas confirmer ce qui aura toujours été évident aux yeux de tous, la communauté gaie est divisée!
Il y a quelques années, alors que je prenais un pot avec une copine lesbienne française, jʼai été invité à aller rejoindre un groupe de femmes homosexuelles pour prendre le dessert. Seul homme présent, je me sentais privilégié dʼêtre avec un groupe si ouvert… Mon premier sentiment nʼaura jamais été aussi loin de la réalité…
Une fois dans le petit resto, autour dʼune table ronde regroupant environ 6 femmes lesbiennes et un seul homme, moi, jʼai dʼabord pensé quʼon mʼignorait par timidité, par gêne, je me disais que ça allait passer une fois les présentations faites. Faux.
Jʼai bien tenté de mʼintégrer à la discussion en plaçant quelques commentaires, en y allant de deux ou trois blagues pour détendre lʼatmosphère, rien à faire, on mʼignorait et cʼétait évident. Tellement évident que lorsque je venais pour ouvrir la bouche, deux des filles grimaçaient en roulant des yeux et en racontant leurs exploits contre les hommes. «Moi je ne voulais pas faire entrer le mec dʼHydro qui venait réparer quelque chose, jʼai exigé que ce soit une femme qui vienne, je suis bonne hein?», «Quand je vais à lʼurgence, jʼexige du personnel féminin uniquement sinon je refuse de me faire soigner»…
Premièrement, si elle avait encore la force dʼexiger des femmes uniquement pour la soigner, quʼest-ce quʼelle faisait à lʼurgence? me suis-je demandé. Bref, la soirée sʼest terminée au moment où jʼai décidé de me lever et de partir sans dire Adieu, ma copine venant avec moi par politesse et pour me dire aussi quʼelle était désagréablement surprise de lʼattitude de ses copines. Pour ces femmes, un homme, quʼil soit gai ou hétéro, reste une cible à atteindre, un ennemi à abattre. En 14 ans de journalisme gai, je nʼai jamais vraiment vu une intégration des femmes homosexuelles au reste de la communauté. Est-ce quʼil sʼagit dʼun constat négatif? Peut-être pas. Les femmes de Toronto, en annonçant leur propre défilé et surtout, en déclarant leur indépendance du reste de la communauté, ne font que confirmer ce que nous savions tous déjà, et elles ont raison. En quoi les besoins des femmes lesbiennes sont-ils similaires à ceux des hommes gais? Je vous pose la question. La maternité, la santé féminine, la situation économique? Elles nʼont rien en commun avec les hommes et il faut rendre hommage aux initiatrices du projet torontois qui ont le mérite dʼêtre des femmes honnêtes en quête dʼune affirmation nouvelle, le plus loin possible des hommes.
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