Le sida, transformé et inactivé, a été utilisé comme «cheval de Troie». Grâce à la thérapie génique, les médecins ont réussi à freiner l’évolution, en général inéluctable, de l’adrénoleucodystrophie.
Le professeur Patrick Aubourg, directeur d’une unité de recherche à l’Inserm et médecin à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul, à Paris, dans le service du Pr Pierre Bougnères, a voué une grande partie de sa vie à une maladie génétique rare, l’adrénoleucodystrophie. Il peut aujourd’hui avoir toutes les raisons d’être heureux. Et, avec lui, les familles concernées par cette affection grave du cerveau qui peut transformer rapidement de jeunes enfants, apparemment en bonne santé, en grabataires.
Il vient en effet, avec le Dr Nathalie Cartier-Lacave qui travaille avec lui à l’unité 745 de l’Inserm et bien d’autres collaborateurs, d’obtenir des résultats très encourageants pour trois enfants malades soignés avec succès par une thérapie génique leur transférant le gène normal qui leur manquait.
“Le pire fléau des gais peut aussi être la seule source de survie pour certains enfants”
Aujourd’hui, la prestigieuse revue américaine Science publie le détail précis des résultats obtenus pour les deux premiers patients ainsi traités. Ses travaux ouvrent la voie de la guérison pour tous les enfants affectés par ce mal terrible, pour peu qu’ils soient pris en charge précocement. Au-delà, d’autres pathologies pourraient bénéficier de cette thérapie originale utilisant comme support rien moins que le virus du sida totalement désactivé. Bien sûr, pour conjurer le sort, Patrick Aubourg estime qu’il faudra encore plus de recul, suivre encore très longtemps ces enfants pour s’assurer qu’ils n’auront pas de complications à long terme. Mais c’est déjà un début de victoire contre l’adversité qu’il vient de remporter avec son équipe et ceux qui lui ont fait confiance.
Pendant des années, les médecins vont chercher, tester, tâtonner, se tromper parfois, avant de trouver le moyen sûr et efficace de faire pénétrer au cœur de certaines cellules du malade, le gène normal qui bloquera les lésions cérébrales. C’est le virus du sida transformé et inactivé qui jouera ce rôle de «cheval de Troie» ! À la fin des années 1990, des chercheurs du Salk Lake Institute aux États-Unis et des scientifiques français élaborent, de manière expérimentale, un vecteur à partir du VIH expurgé de ses gènes de virulence, capable d’intégrer le gène normal et de le transférer dans le noyau des cellules du malade.
Au total, trois jeunes malades, tous d’origine espagnole, ont reçu le gène salvateur. Le premier a été traité le 11 septembre 2006, le second il y deux ans et demi et le troisième un an plus tard. «Toute la difficulté est de prendre en charge les enfants assez tôt, avant qu’ils ne souffrent de troubles graves, car les lésions, une fois installées, sont irréversibles, explique le Pr Aubourg. Il faut savoir aussi que, comme avec les greffes de moelle osseuse, l’effet thérapeutique n’apparaît qu’environ 14 mois plus tard et que pendant ce temps, les effets pervers de la maladie progressent.» Aujourd’hui, les deux premiers malades traités vont bien, leur état de santé et notamment leurs compétences cérébrales, qui se dégradaient progressivement, se sont stabilisées.