Un après-midi au hammam me donne lʼimpression dʼêtre partie pour de courtes vacances, sourit Vanessa. Cʼest dépaysant, embellissant et reposant. Bref, cʼest tout bénéfice !
Un enthousiasme partagé par de plus en plus de clients qui découvrent aujourdʼhui lʼagrément de ces soins millénaires. Aux quatre coins du monde, lʼhomme a pratiqué les bains de vapeur dans un but hygiénique ou curatif, avec un raffinement plus ou moins poussé. En Asie Mineure, en Perse et en Afrique du Nord, ils existent dans toutes les villes importantes sous le nom de bains turcs, (“hammam” ou “source de chaleur” en arabe) ou de bains maures. Il est vrai que, dans la religion musulmane, la purification du corps est un élément essentiel du culte. Compter le nombre de hammams dans une cité permettait autrefois dʼen évaluer la richesse. Bagdad, la ville des “Mille et Une Nuits”, aurait ainsi possédé quelque 30 000 établissements de bains ! LʼEurope nʼétait pas en reste et de nombreux écrits témoignent de lʼutilisation du sauna, que ce soit en Europe centrale, en Russie ou en Angleterre.
Lʼénergie du sauna
En Finlande, sa pratique nʼa guère évolué depuis deux mille ans. Elle est devenue une véritable institution nationale : On y dénombre plus de
1 400 000 saunas pour une population de 5 millions dʼhabitants, soit près dʼun sauna pour quatre personnes. Et un dicton local affirme : « Dʼabord, construis ton sauna, ensuite ta maison ! » Il existe même un Ordre du sauna pouvant être décerné à lʼétranger qui subit avec succès une température de 115 °C et accepte ensuite le rite de lʼimmersion dans une eau glacée… ou celui de la friction du corps avec de la neige ! Inutile de se laisser impressionner par de tels excès. En temps normal, la température de cette belle chambre de bois blond doit être de 80 °C.
Second élément important : la sécheresse de lʼair. Pour rendre de telles températures supportables, lʼhygrométrie est inférieure à 10 %. La tradition finlandaise veut quʼil y ait un jour hebdomadaire réservé au sauna, ce “sauna day” étant en général le samedi. Une séance bien menée dure environ une heure et demie, toujours avant de manger, le plus souvent en fin de journée. Son déroulement, très précis mais souvent méconnu, permet dʼen tirer le maximum de bénéfices et dʼécarter tout risque pour la santé. La séance débute impérativement par une douche assez chaude et un séchage minutieux. Pour des raisons dʼhygiène bien sûr mais, surtout, pour réchauffer le corps et stimuler ses terminaisons nerveuses. Le premier passage dans le sauna ne dure pas plus de huit à quinze minutes, chacun respectant ses limites. Assis sur une serviette, les pieds à la même hauteur que les fessiers, on évite de parler, de bouger ou de lire.
En sortant, il est indispensable de se rincer sous une douche tiède. Après dix à quinze minutes de repos, on commence une deuxième séance qui nʼexcédera toujours pas le quart dʼheure. La douche sera plus fraîche et le repos plus profond. Avant dʼenvisager un éventuel troisième passage dʼune durée identique, on doit sʼassurer que lʼon a bien récupéré. La dernière douche devra impérativement être froide : la température interne sʼétant élevée de 1 à 2 °C, le corps doit retrouver sa température initiale. Par ailleurs, en augmentant lʼactivité métabolique, cette eau froide stimule lʼénergie vitale.
« Au début, jʼavais une légère appréhension, confie Henri, qui a découvert le sauna au cours de vacances en Finlande. Puis, jʼai découvert cette sensation surprenante dʼêtre nettoyé et rénové en profondeur. Aujourdʼhui, jʼai du mal à mʼen passer. » Une personne habituée peut facilement perdre 1 litre de sueur par séance, soit trois fois plus quʼau cours dʼune journée normale, ce qui constitue un moyen idéal de détoxifier son organisme.
La dépense calorique dʼune séance est dʼenviron 580 calories, auxquelles sʼajoute la déperdition, dans le bain froid, dʼune centaine de calories en plus. Le sauna protège efficacement contre les maladies hivernales et les pathologies arthritiques, et limite les risques de contractures et de courbatures après le sport.
Ses contre-indications ? Les maladies cardiaques, les maladies aiguës fébriles ou infectieuses. On lʼévitera aussi pendant le premier trimestre dʼune grossesse, après avoir consommé de lʼalcool ou en cas dʼhypertension artérielle.
La magie du hammam
Autres lieux, autres moeurs : en entrant dans un hammam, il faut se laisser aller, oublier son quotidien au vestiaire. Avoir du temps devant soi. Se laisser gagner par la beauté intemporelle des lieux. Les murs sont couverts de mosaïques colorées, les fontaines bruissent doucement, la lumière tamisée embellit les corps, des effluves embaument lʼeucalyptus ou le thé à la menthe. Les hammams possèdent tous ou presque la même configuration : deux ou trois salles à température différente, dans lesquelles on avance progressivement. La salle fraîche sert à se reposer, la salle tiède et la salle de sudation, bien plus chaude et appelée “lʼétuve”, constituent le hammam proprement dit.
Hommes et femmes disposent dʼinstallations séparées. Soit lʼétablissement est divisé en deux parties, soit il fonctionne à mi-temps, avec des jours ou des heures réservés pour chacun. En Occident, certains établissements proposent des créneaux mixtes. Pour les femmes du Maghreb, le hammam a longtemps joué un rôle comparable à celui des cafés pour les hommes.
Aujourdʼhui, la tradition se perpétue. « Le hammam, cʼest comme un salon de thé, on nʼa pas envie de sʼy rendre seule », sourit Oleen, qui a lʼhabitude dʼy retrouver ses amies parisiennes.
Et si le jeu social a pris le pas sur les nécessités dʼhygiène, détente et soins de beauté font toujours bon ménage avec confidences et stratégies de séduction… Nu ou la taille entourée dʼun paréo, mieux vaut commencer par se détendre une demi-heure sur les bancs de pierre de la salle tiède pour sʼhabituer à la chaleur. En Afrique du Nord, les femmes profitent de ce moment pour sʼépiler ou se teindre les cheveux. Puis, on avance vers la salle la plus chaude : de 38 à 45 °C pour 90 % dʼhumidité. Pour que le corps sʼhabitue, il est recommandé de nʼy rester que cinq minutes la première fois, puis un peu plus longtemps à chaque passage.
Seule contre-indication : les problèmes de circulation sanguine. Ici, le mieux est de cesser les bavardages. Lʼhumidité et la chaleur fatiguent. « Cʼest un instant hors du temps. Il fait chaud, on ne pense quʼà soi, concentrée, à lʼécoute de son coeur et de son corps », témoigne Amélie. Lorsque la peau est suffisamment attendrie par la transpiration et les pores bien dilatés par la chaleur, la “gommeuse” (la “harza”) élimine ses impuretés à lʼaide du gant de crêpe marocain granuleux (la “kassa”). Le corps pèle comme un oignon.
Tonique, ce ponçage oxygène le coeur et active la circulation sanguine. Ensuite, le corps est enduit de savon noir – une pâte végétale naturelle, obtenue par la macération de sels dans de lʼhuile et le pressage dʼolives noires – avant dʼêtre aspergé à lʼaide de seaux dʼeau. Propre et douce, la peau se fait lisse comme celle dʼun bébé.
En purifiant le corps, le hammam apaise lʼesprit : « Jʼen sors avec un grand sentiment de paix », rapporte Clara. Tout comme Théophile Gautier qui écrivit au cours dʼun été à Constantinople : « Quand je sortis, jʼétais si léger, si dispos, si souple, si remis de ma fatigue quʼil me semblait que les anges du ciel étaient avec moi…