Sida: viser la rémission

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«Aujourd’hui, le traitement dure toute la vie, il est difficile à suivre», note Françoise Barré-Sinoussi, prix Nobel de médecine 2008. Sans compter qu’il est coûteux. «La seule voie réaliste serait l’élimination du virus et la guérison», glisse Peter Piot, ancien directeur de l’Onusida.

Mais il faut bien admettre, comme le dit Christine Rouzioux, professeur de virologie, qu’«on n’a pas les outils pour l’éradication du VIH», un rétrovirus qui s’attaque au système immunitaire. On peut à tout le moins envisager de parvenir à une «guérison fonctionnelle», ou rémission: le virus toujours présent dans des réservoirs -moelle osseuse, tissus lymphoïdes…- ne se manifesterait pas et ne se reproduirait pas, et le patient «guéri» n’aurait plus besoin de prendre un traitement. C’est déjà le cas pour ceux qu’on appelle les «contrôleurs d’élite» (moins de 1% des séropositifs) qui ne prennent pas de traitement.

Réunis à l’occasion de la conférence scientifique internationale de l’Association internationale du sida (IAS), des chercheurs ont lancé «la déclaration de Rome», qui demande une accélération de la recherche. «Les récents progrès scientifiques dans la recherche sur le VIH ont conduit à une résurgence de l’intérêt et de l’optimisme, dans la perspective d’au moins une guérison fonctionnelle», souligne la déclaration. «Ca se fera plus vite que le vaccin».

Réaliste?

Un groupe de travail s’est mis en place, co-présidé par le Pr Barré-Sinoussi et par le Pr Steve Deeks (Université de Californie), avec un conseil d’orientation incluant des représentants de l’IAS, de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), de l’Institut national de santé (NIH) américain, de l’ANRS (Agence française de recherche sur le sida). «C’est possible» d’induire une rémission, comme pour le cancer, dit la Prix Nobel. «Nous sommes très optimistes».

Elle cite le cas de cet Allemand séropositif à qui on a fait une greffe de moëlle osseuse d’un donneur aux caractéristiques génétiques l’empêchant de contracter le sida. Le virus ne s’est plus manifesté. Mieux encore, elle relève que «l’on est en train de comprendre le mécanisme» des contrôleurs d’élite, qui, dit-elle, disposent d’une réponse immunitaire «très forte». «C’est vraiment le moment», dit-elle, «de stimuler la recherche sur le sujet».

Les chercheurs comparent souvent cette infection au cancer, du fait du mécanisme de prolifération des cellules, similaire dans les deux types de maladies. Ils imaginent aussi qu’on pourrait, pour détruire peu à peu les cellules cachées dans les réservoirs, utiliser des molécules servant à contrôler le cancer en combinaison avec des antirétroviraux (ARV).

Le Pr Rouzioux cite le cas de 17 personnes, mises sous ARV rapidement après l’infection, qui ont interrompu leur traitement sans que le virus ne se manifeste. Pour la virologue, il faudrait aller chercher les cellules en dormance dans les réservoirs, les activer pour les rendre sensibles au traitement, et les détruire.

On essaiera sur des personnes ayant des réservoirs du virus bas, «parce qu’il sera plus facile d’essayer de les réduire», explique le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l’ANRS. Ce sera long «mais on y arrivera», affirme le Pr Rouzioux. «Ca se fera plus vite que le vaccin», estime-t-elle.