Vaccin anti-VIH : il ne sera pas la seule arme pour lutter contre le sida

Nouvel Obs

Un vaccin anti-VIH efficace pendant près d’un an, c’est ce à quoi a abouti un essai clinique espagnol. S’agit-il d’une véritable avancée scientifique dans la recherche sur le sida ? Réponse avec le professeur Jean-Daniel Lelièvre, expert en recherche vaccinale sur le VIH et membre du comité scientifique et médical de Sidaction.

Édité par Sébastien Billard

Des silhouettes en carton installées au Parc de la Vilette à Paris, en hommage aux personnes disparues et vivant avec le SIDA (REVELLI-BEAUMONT/SIPA).

Des silhouettes en carton installées à la Vilette à Paris, en hommage aux personnes disparues et vivant avec le SIDA (REVELLI-BEAUMONT/SIPA).

 

Faire de la publicité autour de ces vaccins anti-VIH a du bon : cela montre au public que la recherche avance, même si elle progresse par palier. Mais pour l’instant, ces essais cliniques ne sont pas suffisamment concluants pour que les vaccins soient mis en vente. Et, surtout, la principale prise en charge des personnes séropositives reste le traitement antirétroviral.

 

Vaccin thérapeutique pour éradiquer le virus

 

Aujourd’hui, les équipes de recherche se tournent de plus en plus vers une éradication du virus, qui passe par une augmentation des réponses immunitaires au VIH, ce qui peut être atteint par un vaccin anti-VIH.

 

Car il existe plusieurs types de vaccination : les vaccinations classiques, prophylactiques, qui visent à protéger les personnes saines ; les vaccinations dits thérapeutiques, qui visent les personnes déjà infectées.

 

Le vaccin thérapeutique anti-VIH a pour but de renforcer les défenses immunitaires, afin de leur permettre de contrôler la réplication du virus et ainsi d’éviter de poursuivre tous les jours le traitement antirétroviral, dont les effets secondaires sont souvent lourds et indésirables.

 

En effet, lorsque l’on arrête le traitement d’une personne séropositive, la maladie, qui avait été mise au repos, repart de plus belle : le virus se réplique et les défenses immunitaires de l’individu chutent.

 

Rebooster la réponse immunitaire in vitro

 

La dernière stratégie vaccinale thérapeutique en date, développée par l’institut de recherche biomédical de Barcelone, consiste à cibler les cellules dendritiques, qui sont des cellules centrales dans la réponse immunitaire face au VIH.

 

Pour cela, les chercheurs récupèrent des cellules macrophages, qui sont des cellules précurseurs de ces cellules dendritiques, les font maturer artificiellement en laboratoire et les « éduquent » en les mettant en contact soit avec des protéines du virus soit avec le virus en entier, qui a été au préalable désactivé par la chaleur.

 

Ainsi, on rend les cellules dendritiques plus actives qu’elles ne le sont naturellement. En effet, lorsque la personne séropositive suit depuis longtemps un traitement antirétroviral, la charge virale diminue et les cellules dendritiques ne stimulent plus la réponse immunitaire, qui a tendance à disparaître. Il s’agit donc de la rebooster in vitro.

 

Reproduire les « elite controllers »

 

On réinjecte donc ensuite les cellules dendritiques actives et on regarde si la réplication du virus repart ou si la charge virale est contrôlée. Ce que l’on constate dans cette étude, c’est que, malgré le vaccin thérapeutique, le contrôle est imparfait : le virus se réplique moins – la réplication est de 100.000 copies / mL lorsque la personne arrête son traitement antirétroviral, avec le vaccin la réplication est de 10 à 15.000 copies –, mais il continue de se répliquer.

 

Cela signifie donc que l’efficacité de ce vaccin est incomplète et que l’on doit poursuivre le traitement antirétroviral. Mais cela montre l’intérêt des recherches sur le vaccin anti-VIH, dont l’objectif est de reproduire ce que l’on observe chez les « elite controllers » (contrôleurs d’élite), ces patients infectés qui ont naturellement contrôlé la réplication du VIH et ont mis en place une réponse immunitaire empêchant le sida.

 

Fort heureusement, les recherches sur le sujet sont nombreuses : certaines vont utiliser le virus du patient en question (et donc devoir interrompre pendant un temps le traitement antirétroviral pour que la charge virale reprenne et pouvoir récupérer le virus) et l’injecter pour éduquer les cellules dendritiques, d’autres utiliser des fragments du virus « consensuels », que l’on retrouve chez de nombreux individus séropositifs.

 

Une autre piste, que l’on développe avec le Vaccine Research Institute, c’est de cibler les cellules dendritiques in vivo. Mais l’objectif reste le même : moduler la réponse immunitaire en stimulant les cellules dendritiques. Contrairement à ce que l’on pensait jusqu’à présent, face au sida, un vaccin anti-VIH ne sera pas la seule arme. Il devra être accompagné de traitements antirétroviraux complémentaires. L’étude espagnole n’est donc pas une avancée spectaculaire mais s’inscrit dans ce contexte de recherche.

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