
Roger-Luc Chayer (Image: IA / Gay Globe)
Nous assistons, bien impuissants depuis six mois, à une forte montée de mouvements conservateurs anti-LGBTQ+ et opposés à tout ce que nous représentons, y compris à tout ce à quoi nous aspirons.
Il est évident que les actes du président des États-Unis, Donald Trump, ne sont pas insignifiants, mais le fait que cette situation se manifeste un peu partout dans le monde, en même temps et de façon si agressive, doit soulever certaines questions dans nos propres rangs.
Est-ce que certains éléments des communautés LGBTQ+ seraient allés trop loin ?
Je me souviens toujours de cette émission de télévision qui devait aborder la place des hommes dans certains médias et sur certains plateaux. Lorsque l’animateur a présenté ses quatre invités, l’un d’eux a réagi de façon très agressive en remettant en question le fait qu’il avait été présenté comme un homme, affirmant qu’il n’avait aucune identité de genre ni expression de genre, qu’il était non-binaire et non genré. Même chose quand il a été question de sa race d’origine. L’animateur, embarrassé, lui a demandé comment il aurait pu le présenter autrement puisqu’il portait une barbe, un t-shirt et affichait clairement les caractéristiques physiques d’un homme. Ce dernier a répondu : « Ah non, ce n’est pas parce que j’ai une barbe et le physique d’un homme que je suis obligatoirement un homme », ce qui a semé tout un malaise sur le plateau.
Cette personne, entre autres, est l’exemple parfait d’une philosophie qui ne représente pas la communauté gaie et lesbienne. En ajoutant tous les acronymes possibles de l’alphabet et même des symboles mathématiques, on crée une grande incompréhension dans la population en général, qui ne sait plus exactement ce que nous représentons ou, du moins, ce que ces acronymes signifient et pourquoi ces amalgames existent avec ce qui était, à l’origine, une simple orientation sexuelle. Voir l’extrait vidéo de l’émission “Arrêt sur Image” plus bas.
Qui décide de l’ajout de tous ces acronymes ?
Ça, personne ne le sait, et on a beau questionner les groupes communautaires, les activistes, les entreprises qui les utilisent, les politiciens ou les simples personnes dans la rue, personne ne sait d’où viennent ces acronymes — BTQ2AA+, etc. — mais on constate bien que leur longueur ne cesse d’augmenter au fil des années. On peut toutefois en connaître la signification, mais en général, peu de gens sont capables d’en donner la signification complète. Beaucoup confondent certaines lettres avec certains mots et, bref, la définition de l’un n’est pas nécessairement celle de l’autre.
Selon moi, ces acronymes ne sont décidés par personne en particulier, mais plutôt façonnés par une dynamique collective, souvent informelle et parfois chaotique. Ils naissent dans les milieux militants, universitaires ou communautaires où l’on cherche à nommer des réalités nouvelles ou longtemps invisibles : identités de genre, orientations sexuelles, expressions diverses. Chaque ajout part généralement d’une volonté d’inclure des groupes qui se sentent oubliés ou mal représentés.
Mais comme il n’existe pas d’autorité centrale qui tranche ce qui doit rester ou être retiré, chaque mouvance, chaque organisation, chaque personne parfois, peut proposer une variante. Le résultat, c’est une inflation de lettres et de symboles qui reflète un désir d’inclusivité extrême, mais qui finit par perdre beaucoup de gens en route.
Au fond, ces acronymes traduisent une tension : vouloir tout nommer pour ne laisser personne de côté, mais risquer de devenir illisible pour le grand public. C’est un débat qui traverse la communauté elle-même et qui n’est pas près de se régler, parce qu’il touche à la fois au langage, à la politique et à l’identité.
Le simple graphique ci-dessous, qui retrace l’historique des modifications du drapeau gai, en est un exemple éloquent !

(Image: Britannica)
Réactions agressives des autorités quant à cette situation
Et c’est là qu’arrivent les Donald Trump, les prédicateurs chrétiens américains, les chefs d’État de droite ou d’extrême droite, ainsi que monsieur et madame Tout-le-Monde, qui ne s’y retrouvent plus et finissent par décider que ça suffit. Devant cette désorganisation communautaire autour de l’expression — ou de la non-expression — des genres, l’orientation sexuelle ne semble même plus être la raison d’être de ces appellations que l’on ne sait plus vraiment nommer. Et c’est justement le cas de celles et ceux qui entretiennent constamment la confusion entre la question trans et le travestisme, deux réalités pourtant bien distinctes.
La différence tient surtout à la nature de l’identité et à la démarche personnelle. Une personne trans affirme appartenir à un genre différent de celui qui lui a été assigné à la naissance ; cette identité est profonde, intime, et souvent durable. Beaucoup entament une transition sociale, médicale ou légale pour vivre pleinement dans le genre auquel elles s’identifient.
Le travestissement, lui, relève plutôt de l’expression, souvent ponctuelle : se vêtir et parfois se comporter comme le sexe opposé, sans nécessairement remettre en question son identité de genre. Certains le font pour la scène, pour explorer un rôle, pour le plaisir ou pour la provocation, mais restent liés à leur genre d’origine dans leur vie quotidienne.
Autrement dit, être trans est une identité, être travesti est un choix d’apparence ou de performance, qui ne dit pas forcément quelque chose de l’identité profonde.
Où en sont les gais et lesbiennes dans tout ça ?
La question soulevée par cette réflexion n’est nullement celle d’exclure qui que ce soit de ce que l’on appelait autrefois la communauté gaie et lesbienne. Il s’agit plutôt de mieux faire comprendre, au grand public, le mouvement que nous représentons et les valeurs qui le portent.
Pour certains, il ne s’agit plus seulement d’une question d’orientation sexuelle, mais d’un ensemble de différences sociales qui rassemblent, sous une même bannière, des groupes parfois très éloignés les uns des autres. D’autres estiment au contraire qu’il est peut-être temps de revenir aux fondements : replacer l’orientation sexuelle au cœur de cette identité commune et permettre aux autres réalités de se structurer autour de leurs propres enjeux, sans les confondre avec ceux des homosexuels au sens strict.
Qui a raison ? Seul l’avenir, et sans doute aussi notre capacité à débattre sereinement, le dira.
PUBLICITÉ