L’évolution de l’acronyme LGBT : Significations, histoire et débats

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Roger-Luc Chayer (Image : Meta IA / Gay Globe)

Un mouvement international pour repenser l’acronyme LGBT

Il existe depuis quelques mois un mouvement international qui propose une réflexion sur une possible « cure minceur » des diverses variantes de l’acronyme LGBT — LGBTQ+, LGBTQ2SA+, etc. Le plus long jamais enregistré pour représenter nos communautés est LGBTQQIAAP2S+, qui signifie :

  • L – Lesbienne
  • G – Gai (ou Gay)
  • B – Bisexuel·le
  • T – Transgenre / Transsexuel·le
  • Q – Queer
  • Q – En questionnement (Questioning)
  • I – Intersexe
  • A – Asexuel·le
  • A – Allié·e (ou parfois aromantique, selon les versions)
  • P – Pansexuel·le
  • 2S – Two-Spirit (ou « bispirituel·le », terme des cultures autochtones d’Amérique du Nord)
  • + – Inclusivité d’autres identités non mentionnées

Ça commence à faire long et avouons-le, peu de gens connaissent exactement la signification de chaque lettre de l’acronyme. Le problème selon les groupes qui souhaitent ouvrir le débat sur la pertinence de certaines de ces associations est qu’on a voulu ratisser un peu trop large sans que personne ne sache vraiment qui a eu l’idée d’en ajouter autant, mêlant les orientations sexuelles, à des questions psychologiques ou spirituelles, des concepts que les hommes gays au début du mouvement pour la reconnaissance de leurs droits dans les années 70 ont tout fait pour justement s’en écarter.


L’homosexualité dans les dictionnaires médicaux avant les années 1980

Avant les années 1980, l’homosexualité était considérée comme une maladie dans les dictionnaires et manuels médicaux parce qu’elle était interprétée à travers le prisme de la psychiatrie et de la morale de l’époque. Les sciences médicales du XIXᵉ et du XXᵉ siècle s’appuyaient sur des modèles pathologiques du comportement humain, influencés par les valeurs sociales dominantes, notamment religieuses et patriarcales.

Les psychiatres voyaient les relations entre personnes du même sexe comme une déviation de la norme reproductive et sociale, et les classaient parmi les « perversions sexuelles » ou « troubles de la personnalité ». Cette approche a été renforcée par la psychanalyse freudienne et par des institutions médicales cherchant à catégoriser les comportements selon des critères de normalité.

Il a fallu l’activisme des mouvements gais et lesbiens dans les années 1960 et 1970, la recherche scientifique et la pression sociale pour que cette vision change. L’Association américaine de psychiatrie a retiré l’homosexualité de son Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM) en 1973, suivie par d’autres institutions dans les années suivantes. Mais les dictionnaires médicaux, souvent mis à jour plus lentement, ont continué à refléter l’ancienne conception jusque dans les années 1980.


Au Canada, en France et en Grande-Bretagne

Canada

Au Canada, l’évolution a suivi celle des États-Unis, car les manuels médicaux nord-américains étaient largement les mêmes. Après le retrait de l’homosexualité du DSM en 1973, les associations psychiatriques canadiennes ont progressivement adopté la même position dans les années 1970-1980.
Toutefois, plusieurs dictionnaires médicaux et guides cliniques canadiens ont continué à la mentionner comme « déviation sexuelle » jusqu’au début des années 1980, simplement par inertie éditoriale.
Sur le plan légal, la décriminalisation de l’homosexualité avait déjà eu lieu en 1969, à la suite de la réforme menée par Pierre Elliott Trudeau, mais la perception médicale et sociale a pris une dizaine d’années de plus à se transformer.

France

La psychiatrie française a longtemps maintenu la classification de l’homosexualité comme maladie.
Elle figurait dans les manuels de médecine et les dictionnaires jusqu’à son retrait officiel en 1981, après une décision du ministère de la Santé suivant la pression d’associations comme le Groupe de Libération Homosexuelle (GLH) et l’Association d’Aide aux Malades Homosexuels (AAMH).

Le 12 juin 1981, le ministère a officiellement annoncé que l’homosexualité ne serait plus considérée comme une maladie mentale en France. Cette date marque une rupture symbolique importante, d’autant qu’elle coïncide avec l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand et un climat plus ouvert sur les libertés individuelles.

Royaume-Uni

Le Royaume-Uni a évolué de manière plus graduelle. L’homosexualité masculine y avait été partiellement décriminalisée en 1967 (en Angleterre et au pays de Galles), mais les institutions médicales britanniques ont conservé la classification psychiatrique plus longtemps.

Le British Medical Association et les principales revues médicales ont cessé d’utiliser le terme « disorder » (trouble) pour l’homosexualité à la fin des années 1970, après le changement du DSM américain. Cependant, le National Health Service (NHS) a continué à proposer des « thérapies correctrices » jusque dans les années 1990, surtout sous influence religieuse ou psychiatrique conservatrice.


Et quelques années plus tard le festival des ajouts s’est enclenché !

L’ajout des lettres B (bisexuel·le) et T (transgenre / transsexuel·le) à l’acronyme LGBT s’est fait progressivement entre la fin des années 1980 et le début des années 1990, selon les régions et les milieux. Personne ne sait vraiment par quels mécanismes on a ajouté, lettre après lettre, à un acronyme qui, à l’origine, désignait une orientation sexuelle. L’amour et la culture de personnes du même sexe.

Peu à peu, on a commencé à tout mélanger : les cultures, les croyances, et même les pathologies. On a associé aux gais et aux lesbiennes des conditions médicales ou psychologiques, sans jamais — bien sûr — leur demander leur avis.


Que penser de tout cela en 2025 ?

La réflexion ayant été lancée aux États-Unis, il nous apparaissait important, à Gay Globe, de nous interroger sur la véritable signification de nos communautés d’orientations sexuelles. Premier constat, à titre d’éditeur d’un groupe média directement concerné par la question : certains ajustements pourraient — et devraient — être envisagés.

Le B – Bisexualité nous semble logique puisqu’il s’agit ici d’une orientation sexuelle bien définie et documentée.

Nous avons d’ailleurs déjà commencé, depuis environ deux mois, à réduire l’utilisation du terme LGBTQ+, en retirant la lettre Q et le signe +, parce qu’en réalité, ils ne signifient pas grand-chose.

La lettre Q désigne le mot Queer et/ou Questionnement, ce qui englobe déjà les communautés gays et lesbiennes avec Queer et quant au terme Questionnement, que personne ne connaissait jusqu’ici, laissons les gens se faire leur identuté avant de les englober dans nos communauté, c’est la moindre des choses.

Quant au signe +, qui signifie l’inclusivité d’autres identités non mentionnées, là ça va franchement trop loin et n’est d’aucune utilité ou pertinence avec ce que nous représentons.


D’autres ajustements pourraient être faits avec les lettres T, I, A, A, A, P et 2S

La lettre I – Intersex (intersexe en français) désigne une variété de conditions biologiques dans lesquelles une personne naît avec des caractéristiques sexuelles (chromosomes, gonades, hormones ou organes génitaux) qui ne correspondent pas strictement aux définitions médicales typiques de « masculin » ou « féminin ».

La lettre A – Asexuel, désigne une personne qui ne ressent pas, ou ressent très peu, d’attirance sexuelle envers d’autres personnes.

L’autre A – Aromantique désigne une personne qui ne ressent pas, ou ressent très peu, d’attirance romantique envers autrui. Cela signifie que l’aromantisme concerne l’absence ou la faible présence de désir de relation amoureuse, et non l’attirance sexuelle. Sur ce point, il ne semble pas y avoir concensus.

Le A pour Alliés aurait une certaine pertinence pour désigner des personnes sympathisantes des communautés gaies et lesbiennes, mais là encore, il ne s’agit pas nécessairement de l’orientation sexuelle de ces personnes.

Le P – Pansexuel désigne une personne dont l’attirance sexuelle ou romantique ne dépend pas du genre ou du sexe de l’autre. Donc on ne parle effectivement pas d’orientation sexuelle ici…

2S – Two-Spirit est un terme utilisé principalement par certaines communautés autochtones d’Amérique du Nord pour désigner des personnes qui incarnent à la fois des rôles masculins et féminins, ou qui ont une identité de genre et/ou une orientation sexuelle différentes de la norme binaire. Two-Spirit ne se limite pas à une orientation sexuelle ou une identité de genre spécifique — c’est une identité culturelle et spirituelle qui englobe ces aspects. Dans les faits, rien à voir à nouveau avec les gays et lesbiennes.

Enfin la question du T, qui désigne Transgenre — et parfois aussi Transsexuel·le. L’identité transgenre (T) n’est pas considérée comme une maladie dans la médecine moderne, mais dans le DSM‑5 (2013), le terme utilisé est « dysphorie de genre », qui ne désigne pas l’identité elle‑même, mais la détresse ou la souffrance que certaines personnes transgenres peuvent ressentir face à la discordance entre leur identité de genre et leur corps ou leur environnement social.

Ce qui me surprend beaucoup en y pensant bien, c’est que le T est utilisé pour désigner un groupe de personnes plus ou moins éloignées des orientations gays et lesbiennes alors que ce même T pourrait servir à rendre hommage aux Travestis qui ont souvent à l’origine été les premiers à se battre pour le respect des droits des gays et lesbiennes. Leur absence dans quelque version d’acronymes que ce soit est, selon moi, une erreur historique.


Un débat ouvert

Le débat se poursuit et ne trouvera probablement jamais de dénouement, mais c’est en expliquant plus clairement la signification de cet amalgame de lettres que chacun pourra décider à quel groupe — ou à quels groupes — il souhaite s’identifier.

Vous pouvez partager votre opinion sur la question dans les commentaires au bas de cet article, sous la publicité. Qu’en pensez-vous ?

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Gayglobe.net

2 comments to “L’évolution de l’acronyme LGBT : Significations, histoire et débats”
  1. Bravo pour votre article !
    Votre dissection de cet acronyme est juste et les questions que vous soulevez sont très pertinentes.
    Il est grand temps de corriger ces erreurs commises au fil des ans en amalgamant toutes ces différentes communautés ou différences d’identités de genres aux gais et lesbiennes. Le dérapage à débuté lorsqu’on a ajouté le T à LGB, puisqu’il ne s’agit pas d’une orientation sexuelle. Toutefois la mention de Travestis pour représenter la lettre T semble être une option envisageable et mérite d’en débattre.

    • Merci Réal pour votre commentaire qui complète très bien notre dossier. Lors de notre rencontre en personne aujourd’hui, vous m’avez donné une excellente idée pour un suivi qui devrait survenir bientôt sur la question de la transformation du drapeau gai.

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