
Carle Jasmin (Image : Meta IA / Gay Globe)
Il existe un phénomène méconnu du grand public qui cause malheureusement de graves problèmes chez les utilisateurs de drogues de rue : la perte des dents, ainsi que les troubles buccaux et alimentaires qui en découlent.
Qui n’a jamais croisé ou discuté avec une personne consommant régulièrement des drogues dures et à qui il manque plusieurs dents — voire qui n’en a plus du tout ? Ce phénomène est malheureusement une conséquence directe de l’usage de ces substances et constitue un problème majeur de santé buccale chez les consommateurs.
Les drogues les plus souvent impliquées dans ce type de dégradation sont des drogues dures, couramment présentes dans la rue, comme : héroïne, cocaïne (y compris la cocaïne en poudre), crack, méthamphétamine (meth), fentanyl et ses analogues, carfentanil, MDMA (ecstasy), PCP (phencyclidine), kétamine et les cannabinoïdes synthétiques (souvent vendus sous les noms K2/Spice).
Un exemple récent qui ouvre les yeux sur la dépendance et la santé buccale
Il y a deux ans, l’éditeur de Gay Globe, qui fréquente presque tous les jours le Village gai de Montréal, s’est retrouvé dans une situation aussi absurde qu’éclairante.
« Je sortais de la boulangerie La Mie Matinale, située entre les rues De Champlain et Papineau, dans le Village, avec mes deux baguettes fraîches comme toujours, lorsqu’une jeune femme dans un très mauvais état — visiblement consommatrice de ces drogues dures mentionnées plus haut — m’a gentiment demandé si je pouvais lui offrir quelque chose à manger, car elle n’avait rien eu à se mettre sous la dent depuis 24 heures », raconte Roger-Luc, qui ne s’attendait pas à la réaction qui allait suivre.
« Évidemment, j’avais deux baguettes dans les mains. Je ne pouvais tout de même pas lui répondre que je n’avais rien — je ne suis pas ce genre de personne — et comme elle me l’avait demandé si gentiment, je lui ai tendu une baguette en lui souhaitant une bonne journée malgré tout. »
Mais à peine avait-il tourné les talons pour rejoindre son véhicule que, sans voir venir le coup, Roger-Luc a reçu un violent coup de baguette derrière la tête, à la manière d’un bâton de baseball. Douleur et stupeur. Il s’est retourné, abasourdi, pour demander à la jeune femme ce qui lui prenait.
« Elle était furieuse. La baguette était cassée en deux, et elle me criait à tue-tête de bien la regarder : qu’elle n’avait plus une dent dans la gueule — comme elle le disait elle-même — et qu’elle ne pourrait jamais manger une baguette ! Ensuite, elle s’est mise à m’injurier, m’appelant par le nom de plusieurs saints de la Bible », raconte aujourd’hui Roger-Luc avec humour.
Comment les drogues dures provoquent la chute des dents
Certaines drogues dures provoquent la perte des dents par une combinaison de facteurs biologiques et comportementaux. D’abord, plusieurs substances assèchent la bouche en réduisant la production de salive, ce qui favorise la prolifération bactérienne et la formation de caries. L’acidité de certaines drogues de rue, ou celle des fumées inhalées, attaque directement l’émail et fragilise les gencives.
À cela s’ajoutent des effets vasoconstricteurs : les vaisseaux sanguins des gencives se rétrécissent, ce qui diminue l’apport d’oxygène et de nutriments, accélérant ainsi la nécrose des tissus buccaux. La négligence de l’hygiène, la malnutrition, le grincement des dents dû à la nervosité et les gestes compulsifs amplifient les dégâts. L’ensemble de ces mécanismes finit souvent par entraîner la perte progressive des dents et des troubles buccaux sévères chez les consommateurs.
La prévention est-elle possible face à ce fléau ?
Les dentistes et les médecins, particulièrement les spécialistes ORL (oto-rhino-laryngologiste, médecin spécialiste des maladies de l’oreille, du nez et de la gorge, ainsi que des structures voisines de la tête et du cou), ont beaucoup de mal à contrôler la situation, car ils se battent contre des produits chimiques dont les effets ne peuvent être neutralisés que par le sevrage et l’abstinence.
Parler de prévention dans de telles situations relève presque du défi, car la plupart des personnes concernées sont déjà prises dans un cycle de dépendance difficile à briser. La prévention, pour être efficace, doit intervenir bien avant que l’usage régulier ne s’installe — au moment où la consommation est encore perçue comme anodine. Une fois la dépendance établie, le discours préventif perd beaucoup de sa portée, remplacé par la nécessité d’un accompagnement médical, psychologique et social.
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