Réseaux sociaux sous surveillance : la Chine et l’Australie montrent la voie

Presse

Roger-Luc Chayer (Image : Générée électroniquement / Gay Globe Média)

Le rôle traditionnel du journaliste

Les journalistes incarnent traditionnellement le droit à l’information, la surveillance des autorités publiques, les enquêtes d’intérêt pour les consommateurs ainsi que la liberté de presse, cette liberté fondamentale qui permet la circulation d’informations légitimes dans un cadre vérifié, corroboré et éthique.

L’impact d’Internet et des réseaux sociaux

Or, avec l’avènement d’Internet et surtout des réseaux sociaux, cette prérogative journalistique s’est graduellement diluée, voire parfois évaporée, au point de faire disparaître ce qui constituait auparavant « la » référence professionnelle en matière d’information.

Que sont exactement les réseaux sociaux?

À l’échelle mondiale, quelques plateformes dominent encore l’univers des réseaux sociaux et leur influence ne montre aucun signe de ralentissement. Facebook, YouTube, Instagram, WhatsApp et TikTok forment le premier cercle. Chacun occupe un territoire technologique précis : du réseau généraliste où tout circule aux plateformes centrées sur la vidéo, l’image ou la messagerie instantanée.

D’autres plateformes s’ajoutent à cet écosystème, leur importance variant selon les régions du globe. En Chine, WeChat occupe une place incontournable en regroupant messagerie, réseau social, paiements et services quotidiens. Telegram rallie une communauté engagée autour d’échanges structurés, souvent axés sur la confidentialité. Snapchat conserve son attrait auprès d’un public plus jeune grâce à ses contenus éphémères. Messenger se maintient comme complément naturel de Facebook. Quant à Reddit, il se distingue en offrant une organisation communautaire ouverte, structurée autour de forums thématiques où les utilisateurs participent directement à la production d’information et à la discussion.

Et les réseaux sociaux LGBT eux?

Dans l’univers numérique contemporain, la communauté LGBTQ+ dispose de plusieurs réseaux sociaux conçus spécifiquement pour favoriser les échanges, les rencontres et la visibilité. Grindr demeure le plus connu : une plateforme géolocalisée permettant aux personnes gays, bisexuelles, trans et queer d’entrer en contact. À ses côtés, Hornet se positionne comme un espace social structuré, alliant discussions, publications et mise en réseau internationale. ROMEO, autre acteur historique, prolonge cette dynamique en misant sur un environnement communautaire où les utilisateurs peuvent socialiser, partager des informations et organiser des rencontres.

De nouveaux venus ont affiné le modèle. Taimi adopte une approche plus large en proposant des outils de communication et des fonctions d’appartenance communautaire, tandis que Lex s’impose comme un réseau « queer social » axé sur les interactions, la création de liens et la participation à des événements, davantage que sur la rencontre strictement amoureuse. Blued, particulièrement implanté en Asie, s’est progressivement ouvert au reste du monde et constitue aujourd’hui un réseau d’ampleur, destiné en premier lieu aux utilisateurs gay ou queer.

Le problème découle de la démocratisation même de ces réseaux sociaux

Selon moi, en tant que journaliste-éditeur depuis 1993 et ancien président du chapitre montréalais de l’Association canadienne des journalistes, le problème lié à la circulation des nouvelles vient directement de la démocratisation des réseaux sociaux. Ceux-ci ont ouvert la porte à n’importe quel contenu, à n’importe quelle rumeur ou fausse nouvelle, souvent relayés par des personnes sans compétence, se contentant de répandre leurs préjugés aux quatre vents. On en compte des millions d’exemples chaque jour.

Autrefois, n’importe quel individu excentrique pouvait envoyer une lettre au courrier des lecteurs d’un média, contacter un journaliste ou passer un coup de fil à une rédaction pour transmettre un renseignement. C’est alors que ce dernier subissait un filtre journalistique qui, en fin de compte, décidait de le publier ou non.

Ces filtres journalistiques et médiatiques existent toujours, mais ils sont noyés dans une masse incalculable de faux médias qui poursuivent des desseins obscurs. Le public, logiquement, ne sait plus à quoi se fier et se fait souvent piéger par un contenu qui semble tout à fait légitime.

Comment filtrer les informations qui circulent sur les réseaux sociaux?

Filtrer les informations qui circulent sur les réseaux sociaux est devenu un véritable défi dans un paysage saturé de contenus de toutes sortes. Il faut d’abord développer un esprit critique et ne jamais prendre pour acquis ce que l’on lit ou voit. Vérifier la source, son historique, et sa réputation est essentiel, tout comme recouper les informations avec plusieurs médias fiables. La rapidité avec laquelle les fausses nouvelles se propagent exige une vigilance constante. Sans ce filtre, le risque est grand de se laisser emporter par des récits biaisés ou trompeurs, qui alimentent la confusion plutôt que la compréhension.

L’exemple chinois

Depuis octobre 2025, les autorités chinoises ont institué une nouvelle règle selon laquelle les personnes qui commentent ou donnent des avis en ligne, sur les réseaux sociaux ou plateformes d’influence, ne peuvent plus s’exprimer librement sur des sujets sensibles — santé, droit, finances, éducation, etc. — si elles ne peuvent pas justifier de qualifications formelles, qu’il s’agisse d’un diplôme universitaire, d’une licence professionnelle ou d’une certification reconnue. Cette mesure a été adoptée par Cyberspace Administration of China (CAC), l’organisme de régulation d’Internet en Chine.

Cet exemple, à la fois très audacieux et nécessaire, vise à nettoyer le web et les réseaux sociaux de la pollution qui y circule.

Les grandes plateformes comme Douyin, Weibo ou Bilibili ont désormais l’obligation de vérifier les justificatifs des créateurs de contenu avant de publier leurs interventions sur ces matières qualifiées « sensibles ». Le non-respect de cette règle peut entraîner des sanctions pour le créateur (suspension ou suppression de compte) ou pour la plateforme, avec des amendes pouvant atteindre 100 000 yuans (13,800$ US).

L’exemple australien

Une approche proactive de la question des réseaux sociaux vient de franchir une étape décisive en Australie, alors qu’entre en vigueur aujourd’hui une nouvelle loi interdisant aux jeunes de moins de 16 ans d’avoir accès aux réseaux sociaux. Cette loi prévoit d’importantes amendes à l’égard de ces plateformes si elles ne mettent pas en place des mesures adéquates pour filtrer leurs abonnés et exclure les moins de 16 ans.

Quand les rumeurs tuent…

Les réseaux sociaux ont eu beaucoup d’effets négatifs sur une multitude de questions, allant jusqu’à nier la présence des humains sur la Lune, à présenter les traînées de condensation des avions comme l’épandage de substances chimiques, à prétendre que la Terre est plate ou encore à affirmer que les vaccins contre la COVID seraient un moyen de contrôler la population. Et je pourrais multiplier les exemples.

Les rumeurs les plus nocives visant les personnes LGBT se sont développées précisément parce que les réseaux sociaux permettent à des idées sans fondement de circuler comme si elles étaient légitimes. L’une des plus persistantes consiste à présenter l’orientation sexuelle ou l’identité de genre comme une maladie mentale ou une pathologie transmissible, théorie qui n’a aucun fondement scientifique et qui alimente un imaginaire de peur.

Une autre rumeur particulièrement malveillante associe les personnes LGBT à la prédation sur les enfants, parfois en insinuant une volonté de « recruter » ou de « convertir » les jeunes, un discours ancien réactivé aujourd’hui dans de nouvelles formes virales.

On retrouve aussi cette idée toxique selon laquelle les revendications pour l’égalité ne seraient qu’un instrument politique financé par des forces occultes cherchant à déstabiliser la société. Enfin, l’idée que la diversité sexuelle et de genre serait un phénomène « artificiel » imposé à la population, plutôt qu’une réalité humaine attestée dans toutes les sociétés et toutes les époques, a circulé intensément et a servi de justification à des appels à la censure et à la violence.

Si l’on devait tirer rapidement une conclusion sur ces rumeurs persistantes, on pourrait aisément affirmer que les réseaux sociaux propagent parfois une véritable folie. D’où l’importance, comme je le soulignais plus haut, de rétablir un filtre journalistique capable d’écarter le faux de la conversation globale.

Je crois que la plupart des démocraties sont globalement prêtes à adopter ce genre de mesures. La crainte demeure cependant que ces contrôles du contenu ne deviennent un prétexte pour censurer idées et opinions. Il faudra un peu de recul pour mieux juger des résultats de l’exemple chinois, car beaucoup confondent liberté d’expression et liberté de dire absolument n’importe quoi. Dans la majorité des démocraties, la liberté d’expression signifie avoir le droit de s’exprimer dans le cadre de la loi, pas sans aucune limite. C’est une nuance importante.

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Gayglobe.net

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