À 60 kilomètres de la peur : un Montréalais gai raconte sa terreur face à l’Amérique de Trump

Image Montréal

Carle Jasmin (Photo : Google Earth)

Gay Globe a rencontré un jeune homme gai de la région de Montréal qui ne souhaite pas que son vrai nom soit utilisé. Nous l’appellerons donc Martin, afin de protéger son identité.

Martin a 28 ans et œuvre dans le domaine de la mode. Montréal est une capitale mondiale importante dans ce secteur : plusieurs institutions y forment des designers et autres spécialistes, et la métropole québécoise est également une grande productrice de vêtements.

Martin a contacté Gay Globe en mai dernier, souhaitant nous faire part de ses impressions sur les États-Unis et de ses inquiétudes face à la montée de l’extrême droite dans ce pays, alimentée par les discours haineux de son président, Donald Trump. Le sujet étant d’importance, et comme Martin avait beaucoup à dire sur les aspects humains des relations entre le Canada et les États-Unis, nous avons décidé de lui donner la parole, comme témoignage de ce que plusieurs pensent et ressentent.

Quelques chiffres sur les États-Unis et Montréal

La distance entre Montréal et la frontière des États-Unis au Québec est d’environ 60 kilomètres, soit moins d’une heure de route en direction sud, principalement par l’autoroute 15. Cette proximité fait de Montréal l’une des grandes villes canadiennes les plus proches du territoire américain, surtout de l’État de New York.

La frontière entre le Québec et les États-Unis s’étend sur près de 813 kilomètres, partageant une ligne avec quatre États américains : le Maine, le New Hampshire, le Vermont et New York. Cette frontière est à la fois une voie de passage pour les échanges commerciaux et un point de contrôle important en matière de sécurité.

Elle est traversée chaque année par des millions de voyageurs et de marchandises, faisant de certains postes douaniers, comme celui de Saint-Bernard-de-Lacolle, parmi les plus fréquentés au Canada.

Arrive Martin

J’ai peur. En fait, depuis l’élection de Donald Trump à la présidence du pays le plus puissant du monde, situé à quelques minutes de chez moi, je suis terrorisé. J’avais déjà des craintes, nourries par ce que j’entendais ou lisais dans les actualités, mais tout semble se confirmer lentement, jour après jour.

Notre voisin du Sud, autrefois perçu comme un exemple de démocratie — même si, pour être honnête, j’ai toujours considéré le Canada comme bien plus avancé sur ce plan —, ce voisin est devenu aujourd’hui, à mes yeux, le quatrième Reich. Tous les ingrédients qui ont mené au troisième sont là : la haine, le culte du chef, la division, la manipulation. Et on sait comment tout cela s’est terminé : une guerre mondiale sanglante, des millions de morts, et une humanité déchirée à jamais.

Évidemment, j’ai peur d’aller visiter mes amis ou d’assister à des événements de mode aux États-Unis. Je sais très bien que ce que je suis les dérange. Je fais partie de ceux qu’ils visent avec leur haine. Ils détestent ce que je suis et tout ce que je représente. Si j’allais là-bas, je deviendrais une cible, et il serait insensé de m’exposer à un tel danger.

Je suis un jeune homme gai. Voilà.

Il ne leur en faut pas plus pour vouloir m’arrêter, m’emprisonner, voire me condamner à mort — exactement comme dans les pires pays où l’homosexualité est brutalement réprimée, comme l’Iran, l’Afghanistan ou l’Arabie saoudite.

Ce qui me trouble le plus, en réalité, c’est de découvrir que ce pays avait en lui la capacité de devenir ainsi. Autrefois, les lois étaient bien davantage respectées, et les autorités politiques réprimaient ouvertement les comportements haineux. Mais sous le nouveau président, cette haine est devenue une vertu, un marqueur d’identité. Elle sert désormais à prouver qu’on est un “vrai Américain”, en désignant les plus faibles, les plus vulnérables et toutes les personnes différentes comme des obstacles à leur prétendue grandeur.

Les discours politiques, de plus en plus radicaux, visent ouvertement les personnes LGBTQ+. Des projets de loi sont proposés, adoptés même, pour interdire aux jeunes trans de recevoir des soins médicaux, pour exclure les contenus LGBTQ+ des écoles, pour censurer nos existences. On interdit des livres qui parlent de nous, on fait pression sur les enseignants pour qu’ils taisent nos réalités, comme si nous étions un danger pour les enfants simplement parce que nous existons. Tout ça dans un pays qui se dit libre.

Ce n’est pas seulement une question de politique ou de débat d’idées. C’est une chasse aux sorcières. Des drag queens sont attaquées. Des bibliothèques sont menacées. Des gens perdent leur emploi parce qu’ils ont osé s’afficher ou défendre la diversité. Dans certains États, on retire même les protections juridiques de base : le droit au logement, à l’emploi, à la sécurité, tout ça peut être remis en cause parce que vous êtes gai.

Les discours de haine ne sont plus marginaux. Ils sont relayés à la télévision, sur les grandes chaînes de droite. Ils se diffusent comme une vérité, normalisés. Et quand le président lui-même ou ses alliés politiques tiennent des propos ambigus, ou même ouvertement hostiles à notre égard, ils donnent le feu vert à une partie de la population pour passer à l’acte.

Il y a une montée claire de la violence. Des agressions dans les rues. Des lieux LGBTQ+ menacés ou attaqués. Des hommes poignardés parce qu’ils se tenaient la main. Des jeunes qui se suicident parce qu’ils sont harcelés, rejetés, criminalisés dans leur propre école. C’est ce climat-là qui règne chez nos voisins du sud.

Et c’est pourquoi je me sens en danger à moins de 60 km de la ligne de partage entre la lumière et les ténèbres, et pourquoi d’autres comme moi se sentent de plus en plus isolés, désespérés, ou en fuite. On ne se sent plus les bienvenus dans un pays qui se referme sur lui-même et qui cherche des coupables à tout. Et nous, les homosexuels, sommes devenus des cibles toutes désignées.

Un témoignage qui pourrait venir de millions d’américains

Comme journaliste et collaborateur de Gay Globe depuis de nombreuses années, j’avais l’habitude de parler à des gens vivant dans des pays en crise, en fuite ou réfugiés. Mais jamais je n’aurais cru qu’en 2025, je parlerais des États-Unis comme d’un État totalitaire, dirigé d’une main de fer par un dictateur fou.

Et pourtant, nous en sommes là. Des gens en souffrent, chaque jour.

Quelque chose à ajouter? N’hésitez pas à commenter ci-dessous si vous souhaitez, vous aussi, témoigner de votre expérience avec ce pays et son chef d’État.

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Gayglobe.net

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