Roger-Luc Chayer
Le jour du lancement de la Fierté gaie montréalaise, le mois dernier, Jasmin Roy, porte-parole de l’événement, est allé s’exprimer à Radio-Canada en s’interrogeant sur l’ajout de la lettre Q à LGBT, et a déclaré: «Moi je pense que c’est un peu trop, honnêtement. Je pense qu’il faut s’arrêter à LGBT. «Q», c’est queer, pis moi j’ai toujours eu un malaise avec ce mot-là parce qu’il est empreint de préjugés. Je ne pense pas qu’on va pouvoir s’identifier avec des mots obscènes comme «queer» parce que ça veut dire «étrange», «weird», pis moi j’ai toujours eu un malaise avec ce mot-là.»
Il n’en fallait pas plus pour que trois vierges offensées s’étouffent sur les réseaux sociaux et ouvrent un débat qui a forcé M. Roy à s’excuser, le faisant paraître un peu nono. Des excuses n’étaient certainement pas nécessaires puisqu’il ne livrait que son opinion sur le sens et l’histoire du mot «queer», et il n’avait certainement pas tort, selon moi. Ce qu’il disait essentiellement, c’est qu’il faut arrêter d’inclure tout et n’importe quoi dans l’identitaire gai.
La communauté LGBT ne doit pas être le rassemblement de tout ce qui est «différent», anormal, ou trop loin de ce qu’elle est. La communauté est plutôt un concept rassembleur de la culture gaie en général, pas des martiens et encore moins un ramassis de «sans catégories sociales».
Pourquoi de nombreuses voix se font-elles entendre pour retirer le Q du LGBTQ? Il faut en connaître les origines pour mieux comprendre le sens du mot. Selon Wikipédia, le terme «queer» est apparu à partir des années 1980, selon le même phénomène d’appropriation du stigmate et d’insulte que lors de la création du mot «négritude», pour regrouper les identités non-straight (LGBT mais aussi BDSM, asexuelles et fétichistes, soit les personnes non-hétéronormées) sous un même terme.
La question qui se pose est la suivante: quel est le lien entre les queers et les homosexuels? Les queers se caractérisent généralement par leur refus d’être associés à la culture homosexuelle ou à ses racines «de même sexe». Les homosexuels, quant à eux, définissent essentiellement leur culture via leur préférence pour des personnes de même sexe, autant dans leurs relations culturelles, amoureuses que sexuelles. Il y a aussi la composante «insulte» et péjorative du mot «queer», contrairement aux mots lesbienne, gai ou bisexuel, qui eux sont positifs.
La question que soulevait Jasmin Roy est donc légitime et, même si le débat a porté sur la lettre Q, il était déjà fortement enclenché sur la lettre T, pour «trans». Dans ce cas-ci, il s’agit, selon certaines philosophies, d’associer des personnes atteintes d’une aberration médicale, qui peut donc être corrigée par des médicaments et des chirurgies, à des personnes dont l’orientation n’a rien de médical depuis le retrait de l’homosexualité des compendiums.
On se demande souvent qui est à l’origine de ces ajouts de lettres et à qui ou à quoi ils servent. Il serait peut-être temps d’organiser un colloque national regroupant les associations homosexuelles, les médias gais et le public en général, pour décider enfin de l’identitaire de la communauté gaie, de son logo quoi… Je serais partant pour y participer, c’est évident, car à vouloir mettre trop de lettres dans la soupe, il ne reste plus de place pour le bouillon!