Désinformation autour du VIH : démêler le vrai du faux sur les réseaux sociaux

Image médicale

Roger-Luc Chayer (Photo : NIBSC/Science Source)

Encore une fois, un groupe Facebook pseudo-scientifique — comme il en existe des milliers sur cette plateforme — annonçait avant-hier que le VIH/SIDA avait été vaincu. Selon eux, grâce à une technologie médicale appelée CRISPR, on serait parvenu à détruire 100 % de toute trace du virus, constituant ainsi une première mondiale qui réglerait définitivement le cas du VIH dans le monde. Un traitement curatif, donc, pour les personnes atteintes, peu importe leur niveau d’infection.

Malheureusement, comme c’est souvent le cas dans ces groupes qui se donnent des allures scientifiques, la nouvelle est fausse. Elle repose sur des informations fragmentaires et des recherches préliminaires qui, bien souvent, ne débouchent sur aucune application concrète.

En quoi consiste la technologie CRISPR ?

Selon l’Institut américain de la santé (NIH), La technologie CRISPR est une méthode révolutionnaire de modification génétique qui permet de cibler avec précision une séquence d’ADN et d’y apporter des changements. Découverte à partir d’un mécanisme de défense naturel utilisé par certaines bactéries pour se protéger des virus, elle repose sur une protéine appelée Cas9, capable de couper l’ADN à un endroit précis. Les chercheurs peuvent ainsi supprimer, modifier ou remplacer des gènes défectueux.

CRISPR suscite un immense espoir dans le traitement de nombreuses maladies génétiques, certains cancers et même des infections virales comme le VIH. Son efficacité et son coût relativement bas en font une avancée majeure dans le domaine de la biotechnologie. Cependant, malgré ses promesses, cette technologie est encore en phase expérimentale pour la plupart des applications humaines et soulève d’importants débats éthiques quant à son utilisation, notamment lorsqu’il est question de modifier des embryons ou d’intervenir sur le génome humain de façon héréditaire.

CRISPR et VIH : où en sont les recherches ?

Plusieurs recherches ont été menées dans le passé sur l’utilisation de la technologie CRISPR pour contrer le VIH. Toutefois, contrairement à ce qui a été affirmé sur la page d’un groupe — que je ne nommerai pas afin de ne pas lui offrir une publicité non méritée —, si les résultats sont effectivement prometteurs, ils ne permettent pas, pour l’instant, de déboucher sur un traitement efficace contre le virus de l’immunodéficience humaine, en raison de limitations techniques.

Em 2024, la BBC publiait un article “Scientists say they can cut HIV out of cells” qui affirmait : Des scientifiques affirment avoir réussi à éliminer le VIH de cellules infectées en utilisant la technologie d’édition génétique CRISPR, récompensée par un prix Nobel. Agissant comme des ciseaux, mais à l’échelle moléculaire, cette technologie coupe l’ADN afin d’en retirer ou d’inactiver les segments « défectueux ».

L’équipe de l’Université d’Amsterdam, qui présentera bientôt un résumé de ses premières découvertes lors d’un congrès médical appelé ECCMID 2024, souligne que ses travaux ne constituent pour l’instant qu’une simple « preuve de concept » et qu’ils ne mèneront pas à un traitement contre le VIH dans un avenir proche.

Le 12 mars dernier, le site scientifique Interestingengineering.com publiait un article intitulé : « Découverte majeure : des scientifiques parviennent à éliminer le virus responsable du sida de cellules infectées ». Malheureusement, ce titre est trompeur et largement exagéré. C’est ce type de titre, si l’on ne lit pas le reste du texte plus nuancé, qui induit les lecteurs en erreur et favorise la diffusion de fausses rumeurs.

NON, LE VIH N’A PAS ÉTÉ VAINCU !

Toujours selon l’article de Interestingengineering.com signé par Maria Bolevich, une journaliste scientifique pourtant reconnue, “Les auteurs expliquent que l’outil d’édition génomique CRISPR-Cas offre une nouvelle méthode pour cibler l’ADN du VIH. Ils visent à développer un protocole combiné CRISPR-Cas à la fois efficace et sûr, dans le but d’obtenir un « traitement contre le VIH pour tous » capable d’inactiver diverses souches du virus dans différents types cellulaires.

L’utilisation de la technique CRISPR-Cas leur a permis d’éliminer le VIH des cellules infectées. Cela revêt une importance particulière, car les médicaments actuels ne peuvent pas éliminer le virus, laissant entrevoir un avenir porteur d’espoir.

Le problème, c’est que la matière première manque cruellement !

C’est bien beau d’annoncer un traitement efficace contre le VIH, mais s’il n’est efficace que contre quelques cellules infectées en laboratoire, cela devient beaucoup moins intéressant. Dans le cas présent, pour utiliser la technologie CRISPR contre le virus du VIH à l’échelle humaine, il faudrait disposer d’une grande quantité de molécules spécifiques dans le corps humain, nécessaires pour venir à bout du virus.

Or, ces molécules sont extrêmement rares dans l’organisme et il est impossible de les fabriquer artificiellement.

En conclusion, la technologie a prouvé son potentiel, mais compte tenu de la rareté des matériaux nécessaires pour traiter un seul patient, aucun résultat supplémentaire depuis 2019 n’a confirmé son efficacité pour « guérir » les personnes atteintes du VIH.

Comment faire face à la désinformation et à la mésinformation sur Facebook ?

Faire face à la désinformation et à la mésinformation sur Facebook est devenu un vrai défi pour beaucoup d’internautes. Chaque jour, des milliers de contenus circulent sur cette plateforme, et il n’est pas toujours facile de distinguer ce qui est vrai de ce qui est faux ou trompeur. La désinformation, ce sont des informations volontairement fausses ou manipulées, souvent partagées pour influencer l’opinion publique ou provoquer une réaction. La mésinformation, elle, correspond à des erreurs ou des inexactitudes partagées sans mauvaise intention, simplement parce que les gens croient ce qu’ils lisent ou entendent. Ces deux phénomènes peuvent causer de gros dégâts, en alimentant les peurs, les rumeurs ou en déformant la réalité.

Pour se protéger, il faut avant tout adopter une attitude critique. Il est important de ne pas croire tout ce qu’on lit ou voit, même si cela semble venir d’une source fiable ou d’un ami. Prendre le temps de vérifier l’information en croisant différentes sources aide souvent à se faire une idée plus juste. Par exemple, si un article semble trop sensationnel ou incroyable, cela peut être un signal d’alerte. Chercher à comprendre qui est l’auteur, quelles sont ses motivations, et si d’autres médias sérieux en parlent, peut éviter de tomber dans le piège des fausses nouvelles.

Ensuite, il est utile de se rappeler que sur Facebook, comme sur d’autres réseaux sociaux, les algorithmes ont tendance à nous montrer des contenus qui correspondent à nos opinions ou à nos préférences. Cela peut renforcer nos croyances, même si elles sont erronées, car on est peu exposé à des points de vue différents. Pour limiter cet effet, il est bon de diversifier ses sources d’information et de suivre des pages ou des profils variés. Cela permet d’avoir une vision plus complète et nuancée des sujets d’actualité.

Par ailleurs, il est important de réfléchir avant de partager une information. Même si une publication nous semble intéressante ou choquante, la diffuser sans vérifier peut contribuer à propager la désinformation. En prenant quelques secondes pour s’assurer de la véracité du contenu, on évite d’alimenter involontairement des rumeurs ou des fausses nouvelles. Facebook propose aujourd’hui des outils pour signaler les contenus suspects, ce qui aide à limiter leur diffusion, même si je ne suis pas vraiment convaincu que Facebook donne réellement suite à ces signalements, souvent sponsorisés et donc trop rentables pour être supprimés !

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