
Par: Carle Jasmin
Photo: Wikipédia
Dans l’imaginaire collectif, la cave est cet endroit mystérieux où dorment les vieux bocaux de confiture de grand-maman, où la chaudière tousse l’hiver venu, et où, bien sûr, résident ces locataires discrets qu’on appelle les araignées de cave. Ces demoiselles aux longues pattes filiformes, aussi appelées pholques pour les plus intimes, incarnent à elles seules toute l’ambiance feutrée d’un sous-sol un peu humide. Elles vivent là, accrochées dans un coin sombre, suspendues à leur toile chaotique qui ressemble plus à un réseau de câbles mal installés qu’à une œuvre d’art. Pourtant, elles y voient une véritable forteresse.
Si vous avez déjà surpris une de ces créatures lors d’une descente pour chercher une bouteille de vin ou une boîte de clous rouillés, vous avez sans doute eu droit à ce ballet maladroit qu’elles exécutent quand on les dérange. Elles tremblent sur place, oscillent comme un mobile pris dans un courant d’air et donnent l’impression qu’elles vont s’envoler alors qu’en réalité, elles espèrent surtout qu’on les confondra avec une brindille agitée par le vent. Malgré leur look de pantin désarticulé, elles ne sont pas là pour vous effrayer — même si elles réussissent souvent leur coup — mais pour assurer un service qu’aucune entreprise de désinsectisation ne pourrait vous offrir gratuitement : elles mangent moustiques, moucherons et même parfois leurs cousines araignées. Sans carte de fidélité, sans facturation, sans vacances. Leur présence dans les maisons est presque une tradition. Elles s’installent dans les recoins humides, les greniers, les remises et parfois derrière un meuble du salon si elles ont envie d’un peu de changement de décor. On les repère souvent au plafond, où elles patientent sans bouger pendant des heures, guettant la moindre vibration qui signalera qu’un moustique imprudent s’est aventuré trop près. En prime, elles n’ont aucune velléité de vous grimper dessus pendant la nuit pour vous dévorer les orteils, contrairement aux légendes urbaines qui aiment tant exagérer leurs talents de prédatrices.
Côté danger, rassurez-vous tout de suite : malgré leur allure de créature tout droit sortie d’un film de science-fiction, les pholques sont absolument inoffensifs pour l’être humain. Leur morsure est techniquement possible, mais leur appareil buccal est si minuscule qu’il aurait bien du mal à franchir notre peau. Autrement dit, à moins de vous rétrécir à la taille d’un moustique, vous ne risquez pas grand-chose à partager votre cave avec elles.
Reste la grande question : comment faire pour s’en débarrasser si, malgré tout, leur présence vous donne l’impression de vivre dans un décor de manoir hanté ? Il existe mille et une méthodes plus ou moins radicales, mais la plus efficace reste souvent la plus simple : l’aspirateur. Un petit coup de tuyau dans la toile, un transfert délicat si vous avez le cœur tendre, ou un exil forcé dans le jardin. Bien sûr, si vous voulez éviter qu’elles reviennent poser leurs valises à huit pattes, pensez à réduire l’humidité, reboucher les fissures et faire le ménage dans les recoins oubliés. Mais sachez que, malgré tous vos efforts, il y aura toujours un pholque quelque part, suspendu dans l’ombre, prêt à dégainer ses pattes interminables pour se balancer mollement dès que vous allumerez la lumière. Après tout, que serait une cave sans son araignée de cave ?