Les petites scènes gaies dans les films sont-elles un progrès?

Par Associated Press

Une étreinte, un clin d’oeil, une danse, un silence : des scènes gaies vues dans de récents films importants ont attiré les bravos et les dénigrements. Qu’il s’agisse de Sulu dans Star Trek : au-delà, de LeFou dans La Belle et la Bête ou de Trini dans Power Rangers, la plus récente trouvaille des producteurs hollywoodiens est de démontrer qu’un personnage, auparavant hétérosexuel, est ou a toujours été gai.

C’est souvent si subtil que si le réalisateur ou l’acteur n’en avait pas parlé, personne ne s’en serait aperçu. Sulu étreint un homme. LeFou fait un clin d’œil à Gaston et danse avec un homme. Trini hésite à dire si elle a des problèmes de couple avec un amoureux ou une amoureuse.
Qu’en conclure de ces moments instantanés, presque cachés, alors que Moonlight, un film qui explore ouvertement des sujets liés à l’homosexualité, triomphe aux Oscars? Peut-on parler de progrès? Pour certains observateurs, c’est le cas. Pour d’autres, c’est trop d’applaudissements pour si peu d’actions.

La critique Alison Willmore, de BuzzFeed, a écrit un article sur les « louanges démesurées » que reçoit Hollywood pour ses « vraiment courtes scènes d’inclusion LGBT », qui se rapportent au groupe constitué par les minorités sexuelles des lesbiennes, gais, bisexuels et transgenres. « Bien sûr, chaque progrès, même marginal, doit être célébré; tout progrès est mieux que rien. Il faut que la situation soit si incroyablement insatisfaisante pour qu’on y voie une percée pour l’inclusion », a-t-elle écrit au sujet de la scène ambiguë de Power Rangers.

Ce qui n’est pas ambigu est l’absence de personnages LGBT au cinéma. Selon une étude de l’Université de la Californie du Sud, 82 des 100 principaux films sortis en 2015 ne montraient aucun personnage LGBT. Selon une autre étude, réalisée celle-là par un groupe de défense des droits LGBT, le GLAAD, 17,5 % des films tournés par les grands studios en 2015 comptaient au moins un personnage LGBT, un pourcentage stable par rapport à celui de l’année précédente.
Le réalisateur de La Belle et la Bête, Bill Condon et plusieurs des comédiens du film se sont rétractés au sujet de leurs premiers commentaires sur la scène gaie du film, affirmant que la réaction avait été exagérée.

Selon la présidente et chef de la direction du GLAAD, Sarah Kate Ellis, ces petits moments sont « incroyablement importants », particulièrement pour des films hollywoodiens visant un public jeune. Elle rappelle que le film Moonlight est un film pour adultes qui a été produit et distribué par un indépendant. « Les jeunes LGBT ont droit de voir une belle fin, eux aussi », ajoute-t-elle.

Selon une récente étude exhaustive du GLAAD, un membre sur cinq de la génération Y se dit LGBT, une donnée qui a contribué à l’essor de campagnes sur les réseaux sociaux comme « GiveElsaAGirlfriend » [Trouvez une copine à Elsa] ou « GiveCaptainAmericaABoyfriend » [Trouvez un amoureux à Capitaine America].
Mme Ellis espère que ces scènes ne soient qu’une première étape. Elle aimerait bien voir des personnages LGBT dans les films destinés à toute la famille. Elle estime toutefois que cela démontre que les studios, souvent si frileux aux changements, font un effort pour tâter le terrain.

Depuis plusieurs années, des auteurs, des admirateurs et même des spécialistes universitaires s’amusent à spéculer sur l’appartenance sexuelle des personnages de Disney, qu’il s’agisse du célibataire et vilain Scar (Le Roi lion) ou de la princesse Mérida (Rebelle). Rien n’a été confirmé à ce sujet.
Les trois exemples donnés plus haut peuvent être considérés comme des hommages subtils. George Takei, un ardent militant des droits LGBT, a été le premier à interpréter le rôle de Sulu. Le parolier Howard Ashman, qui a écrit les paroles de la plupart des chansons du film de dessin animé La Belle et la Bête, est mort du sida bien avant la sortie du film. Quant à Power Rangers, David Yost, qui a été le premier à jouer le Ranger bleu, a quitté la série après avoir été harcelé à cause de son orientation sexuelle.
Autrefois, certains films avaient ces moments codés, mais aucun studio n’était assez audacieux pour le reconnaître. Si on faisait partie de la communauté LGBT ou si on était très observateur, on pouvait s’en rendre compte. Voir que les studios les reconnaissent maintenant et ne se rétractent pas représente un grand pas en avant pour nous.-Sarah Kate Ellis
D’un point de vue purement financier, certains ont pu croire que les studios pourraient s’en ressentir. Après tout, il y a une salle de cinéma en Alabama qui a choisi de ne pas présenter La Belle et la Bête et les autorités de certains pays à majorité musulmane veulent regarder le film avant de lui accorder un visa d’exploitation. Les recettes globales du film ont tout de même atteint 357,1 millions de dollars américains.

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