
Maître Claude Chamberland (Image : Unsplash)
Retour après une absence et mise en contexte
Ça me fait plaisir de vous retrouver après quelques mois où des considérations personnelles m’ont privé du bonheur que me procure votre périodique préféré, en m’accordant le privilège de m’entretenir avec vous de sujets juridiques.
Aujourd’hui, je vous propose un pot-pourri de références juridiques liées aux problèmes causés par le tabagisme, une addiction reconnue par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Le recours collectif sur le tabac : une avancée attendue
Ça y est enfin ! Pour tous ceux qui ont connu la souffrance de perdre un proche du cancer ou d’autres maladies causées par la cigarette, il est temps de présenter votre réclamation au recours collectif CQTS/Blais.
Depuis une vingtaine d’années, des lois interdisent de fumer dans les lieux publics, notamment dans les espaces communs des immeubles de plus de six unités, des résidences pour personnes âgées, des garderies privées durant les heures d’accueil d’enfants et dans les automobiles transportant des enfants. Cette prohibition s’appuie sur les risques documentés de l’exposition à la fumée secondaire pour les non-fumeurs.
Les limites du droit de fumer dans les lieux privés
Qu’en est-il des lieux privés ? « Je suis chez moi et j’ai le droit de faire ce que je veux » est une réponse fréquente. Mais la réalité est plus nuancée. En théorie, aucune loi n’interdit formellement de fumer chez soi. Cependant, plusieurs contrats de bail prévoient une interdiction explicite de fumer, ce qui est légal.
En l’absence de clause au bail, le droit du fumeur à la vie privée peut se heurter au droit des autres occupants à jouir paisiblement de leur logement, ce qui inclut de ne pas subir les effets négatifs de la fumée.
Recours possibles pour le non-fumeur incommodé
Un jugement récent du Tribunal administratif du logement (TAL) de Trois-Rivières, dans l’affaire Verbeeck c. 9184-1056 Québec inc., apporte un élément de réponse important pour les locataires. S’appuyant sur l’article 1854 du Code civil du Québec (« le locateur est tenu de délivrer au locataire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouissance paisible pendant toute la durée du bail »), le TAL a ordonné une diminution de loyer de 120 $/mois tant que le locateur n’aura pas pris les mesures nécessaires pour faire cesser le trouble causé par la fumée.
Le tribunal a précisé :
« Pour réussir en la présente cause, le locateur doit démontrer que le fait pour le locataire de fumer ou de permettre à d’autres personnes de fumer dans le logement trouble la jouissance normale des lieux aux autres occupants de l’immeuble en raison des odeurs fortes, persistantes et désagréables. »
En l’instance, la preuve non contredite a démontré que le locataire nuisait à la jouissance des lieux par d’autres occupants.
Perspectives et enjeux pour l’avenir
Il reste maintenant à déterminer si un recours en injonction serait accepté par la Cour supérieure, notamment dans le cas d’un propriétaire occupant d’un petit immeuble contre son voisin également propriétaire, afin de faire cesser un trouble similaire.
Ce débat illustre parfaitement l’équilibre délicat entre le droit au logement et la protection contre les nuisances causées par le tabagisme, un enjeu juridique appelé à se développer.