VIH: QUI DOIT-ON ACCUSER?

Roger-Luc Chayer

Avec la forte augmentation récente au Québec des arrestations et
des accusations portées contre des personnes séropositives qui
ont des relations sexuelles non protégées et qui n’informent pas
leurs partenaires de leur statut sérologique, qu’elles soient indétectables
ou pas, il est certainement temps de commencer à parler
de la responsabilité des pseudo victimes qui, elles, acceptent
d’avoir des relations sexuelles sans se protéger. Il s’agit de la déresponsabilisation
sexuelle.
Seulement depuis le début de l’année 2017, 3 personnes ont été
condamnées au Québec à des peines de prison parce qu’elles
n’avaient pas divulgué leur séropositivité à leurs partenaires, alors
qu’il n’y a eu aucune transmission de la maladie. La loi prévoit en
effet que c’est le fait de ne pas mentionner le statut qui constitue
une agression sexuelle grave et non le fait de transmettre le VIH.
Pire, dans le cas de Chad Clarke, qui a plaidé coupable sur les
conseils de son avocat pour susciter la clémence de la Cour alors
qu’il avait certainement une défense à produire puisqu’au moment
des relations sexuelles il ne se savait pas séropositif (le premier
test positif est apparu après les relations avec ses partenaires) et
qu’aucune personne n’a été infectée malgré tout, il s’est retrouvé
avec une peine de 4 ans de prison et surtout, une mention à vie
au registre canadien des délinquants sexuels, comme n’importe
quel pédophile ou viol avec violence physique! Mais qu’en est-il
de la responsabilité morale et criminelle des personnes qui acceptent
d’avoir des relations sexuelles sans protection, ne sachant
pas si leurs partenaires sont potentiellement infectés par le VIH ou
d’autres maladies sexuellement transmissibles? Malgré toutes les
campagnes de prévention, les publications visant à toujours mieux
faire connaître les modes de transmission du VIH et les méthodes
de prévention faciles et efficaces comme le condom ou la PrEP, il
existe encore dans notre société des milliers de personnes qui acceptent
d’avoir des relations sexuelles sans protection, ne se souciant
pas des conséquences. Et quelles sont ces conséquences?
Nonobstant les effets sur la vie personnelle des personnes nouvellement
infectées, qui peuvent parfois causer des drames importants
avec les conjoints, les familles et qui peuvent détruire des
vies, il faut parler des conséquences économiques très graves que
le comportement de ces personnes cause.
Selon la Société canadienne du SIDA, on estime que le coût direct
pour chaque personne nouvellement atteinte en frais médicaux, incluant
les rendez-vous médicaux, les examens, les médicaments,
en aides-soignants et services à domicile, pour la perte de productivité
au travail et la perte de qualité de vie est de 1,3 million$
pour la durée de vie du patient. C’est énorme! Et ces coûts sont
absorbés et supportés par l’ensemble de la population québécoise.
Les budgets de la santé sont directement affectés par la déresponsabilisation
de ces personnes et c’est là qu’il faudrait commencer
à parler de judiciarisation et possiblement d’accusation de négligence
criminelle contre ces comportements.
Si on souhaite vraiment, du côté des autorités, combattre les comportements
irresponsables causant des conséquences graves, je
suis de ceux qui seraient pour qu’on commence à responsabiliser
ceux qui, par insouciance ou déresponsabilisation, font en sorte de
contracter la maladie, de même que ceux qui, sciemment, la transmettent.
Peut-être commencerions-nous à en voir des effets positifs!

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