
Roger-Luc Chayer (Photo : Ville de Nice par Pixabay)
L’itinérance, l’incivilité, la toxicomanie, la prostitution et d’autres troubles sociaux sont malheureusement des problèmes communs à de nombreuses grandes villes à travers le monde. Montréal n’y échappe pas. Et malgré la prolifération de tables de concertation, d’analyses et de recherches en tout genre, la Ville semble incapable de trouver la moindre solution susceptible d’atténuer les effets de ces problématiques sur la société, les résidents et les commerçants. La Ville souhaite-t-elle réellement s’attaquer au problème? Plusieurs en doutent.
Ailleurs, toutefois — tant aux États-Unis que dans le Canada anglais et en Europe — des solutions sont proposées et mises en œuvre. Dans certains cas, elles donnent des résultats, comme en Finlande, où une approche universelle a été adoptée pour traiter la question. Nous en parlions d’ailleurs dans notre article : L’itinérance – Le modèle finlandais.
Quel est le protocole mis en place à Nice sur cette question ?
La Ville de Nice, importante métropole du sud de la France, est considérée comme la capitale de la Côte d’Azur — une région traditionnellement bien développée, dotée d’une richesse culturelle et historique unique, et reconnue pour sa volonté d’agir directement sur ses problèmes sociaux.
Le 19 mai dernier, son maire, Christian Estrosi, dévoilait une nouvelle approche en matière de nuisances et de délinquance, fondée sur une idée simple : intervenir avant que la situation ne se détériore, et empêcher que ces troubles ne s’enracinent dès leur apparition.
Pour concrétiser cette vision, la Ville de Nice a défini quatre grands axes d’intervention :
1- Renforcer la visibilité et la proximité de la Police Municipale : Pour la Ville de Nice, « renforcer la visibilité et la proximité de la Police Municipale » signifie accroître la présence des agents sur le terrain, de manière à rendre leur action plus dissuasive et rassurante. Il s’agit de rapprocher la police des citoyens, en favorisant une relation de confiance fondée sur la présence régulière, l’écoute et l’intervention rapide. Cette approche vise à prévenir les troubles dès leur apparition et à montrer que la sécurité est une priorité concrète et visible dans la vie quotidienne des Niçois.
Le concept n’est pas difficile à mettre en œuvre, mais encore faut-il qu’il soit appliqué. À Montréal, hormis quelques annonces politiques, cette présence policière sur le terrain demeure largement invisible. L’exemple d’hier soir dans le Village gai est révélateur : des centaines de personnes en situation d’itinérance ou manifestement aux prises avec des troubles mentaux se mêlaient à la foule, sans qu’aucune intervention policière visible ne soit observée. Plus préoccupant encore, aucune présence rassurante des forces de l’ordre n’était perceptible, alors que des milliers de citoyens profitaient du beau temps sur les terrasses enfin ouvertes.
2- Renforcer le lien avec les commerçants : Ça signifie établir et entretenir une relation étroite et collaborative entre la municipalité, notamment ses services de sécurité, et les acteurs économiques locaux. Il s’agit d’impliquer les commerçants dans la prévention des troubles et la gestion des nuisances en les associant aux actions de la Police Municipale, en recueillant leurs témoignages et besoins, et en leur fournissant un soutien adapté. Cette démarche vise à créer un climat de confiance, à mieux comprendre les problématiques spécifiques de chaque quartier commercial, et à coordonner les efforts pour assurer un environnement sûr et propice à l’activité économique.
Concrètement dans le Village, à l’exception des discours politiques, aucun effort réel n’est fait par les forces de l’ordre pour communiquer directement avec les commerçants du Village. On ignore quelles consignes sont données aux policiers, mais ceux-ci ne pénètrent jamais dans les commerces pour échanger avec les propriétaires ou les clients, ni pour se présenter et fournir des informations sur la gestion de l’incivilité.
3- Coordonner le travail autour des nuisances induites par les populations errantes : Il s’agit ici d’un mécanisme concret qui vise à coordonner la réponse de toutes les agences et départements de la ville autour d’un groupement municipal de traitement (GMTD) des doléances.
Le Groupement Municipal de Traitement des Doléances (GMTD) à Nice fonctionne comme un dispositif centralisé dédié à la réception, à l’analyse et au suivi des plaintes et préoccupations des citoyens concernant les problèmes de sécurité, de nuisances ou d’autres troubles de l’ordre public.
Concrètement, ce groupement sert de point de contact unique où les habitants et commerçants peuvent faire remonter leurs doléances. Ces dernières sont ensuite examinées rapidement par une équipe spécialisée qui coordonne les réponses adaptées, en lien avec les différents services municipaux et la Police Municipale.
L’objectif est d’assurer un traitement plus efficace, transparent et réactif des plaintes, en évitant la dispersion des informations et en facilitant le suivi des actions menées. Ce système permet aussi de mieux prioriser les interventions sur le terrain et de renforcer la confiance entre la population et les autorités municipales.
Et c’est là tout le problème à Montréal, en particulier dans le Village gai et le centre-ville. Un numéro de téléphone existe bien pour signaler les incidents, mais lorsque les commerçants appellent, on leur conseille souvent de contacter tel organisme ou tel autre service, ou on leur répond qu’aucune action n’est possible, ce qui est une véritable aberration.
En 2024, un commerçant du Village faisait face à un problème récurrent : des itinérants et des consommateurs de drogues utilisaient l’espace situé dans la ruelle juste à l’extérieur de son commerce pour abandonner leurs seringues usagées ou satisfaire leurs besoins, empêchant parfois le personnel d’accéder à la porte arrière servant à l’approvisionnement. Lorsqu’il a contacté le service téléphonique recommandé par sa Société de Développement Commercial, on lui a répondu que, puisqu’il s’agissait d’une zone appartenant au commerce, même si elle se trouvait à l’extérieur, aucune intervention ne pouvait être envisagée.
C’est pourquoi à Montréal rien ne se règle, alors qu’ailleurs, des moyens sont mis en œuvre pour traiter cette grave problématique sociale et économique, en protégeant à la fois les commerçants et les consommateurs, afin que l’économie profite à tous. Ce que la Ville de Montréal semble incapable — ou refuse — de faire.
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