Flirts et meurtre à «Riverdale»

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Située dans cette fin d’été éternelle qui définit l’adolescence,Riverdale est la version modernisée d’un comics lancé dans les années 40 où l’on suivait les aventures trépidantes de quatre lycéens. Ces ados de plus de 70 ans renaissent dans une série ultra-référencée remixant au shaker autant la culture teen des cinquante dernières années que la pop culture en général, dans une ambiance visuelle très stylisée, souvent nocturne, qui se plaît à éclairer les peaux pubères au néon du diner local ou aux rayons du clair de lune.

Extra-lucidité

Un jeune homme a été assassiné pendant les vacances, et il s’agira d’élucider l’affaire entre deux crêpages de chignons et une poignée de baisers échangés à l’arrière des voitures. Avec, au passage, coups de griffe sociétaux pertinents, relatifs aux humiliations sexuelles ou racistes subies en écosystème lycéen.

Le joueur de foot, la bourgeoise déclassée, le nerd torturé, la jeune oie blanche et son meilleur ami gay : comme les «hôtes» westerniens de Westworld, les personnages sont programmés pour leur archétype et ne comptent que peu dévier du script de départ – étant entendu que, depuis les débuts de l’histoire du genre, ces typologies ont muté et qu’il est désormais dans le programme du sportif de se débattre avec sa fibre artistique, dans celui de la peste d’avoir des moments de grande humanité et dans celui de la girl next door blonde de ne pas renier son côté obscur. Le côté codifié de l’affaire participe de la jubilation de l’ensemble mais ce qui différencie ces personnages de ceux de Westworld, c’est leur extralucidité quant à leur statut et le commentaire permanent de leur généalogie fictionnelle. Aidés en cela par une flopée de références pop avec lesquelles ils jonglent joyeusement : Betty Draper de Mad Men saison 5 est invoquée pour décrire la prise de poids d’une copine, le Truman Capote de Diamants sur canapé est opposé à celui de De sang froid pour asseoir le clash des cultures intra-américaines, et le cadre théorique d’une «ère post-James Franco» permet à tous de se rêver en êtres multiples…

Film-bible

Les parents sont là, aussi, pour faire figure de garants historiques déphasés : on reconnaîtra le Dylan de Beverly Hills en papa barbu et taciturne et la vulnérable Shelly de Twin Peaks devenue mère abusive. On l’aura compris, il faut aimer jouer au jeu des 7 familles du teen movie et de la teen série, sans quoi l’on passera un peu à côté de la chose. Les vrais ados adoreront sans doute, et les vieux ados se réjouiront de goûter l’écriture virevoltante et méta qui rappelle Clueless et Mean Girls, le mélange d’enquête policière et de lutte des castes initié par Veronica Mars, l’ironie distanciée dispensée en voix off comme dans Gossip Girl ou Desperate Housewives, les montagnes enserrant le mystère empruntées àTwin Peaks. Sans oublier la dimension parodico-sentimentale, telle qu’elle fut livrée à la postérité dans le film-bible Not Another Teen Movie (Sex Academy, en VF…) en 2001.

Il faudra que le tout s’humanise un peu pour échapper au seul plaisir du cliquetis méta, mais quand on voit deux pom-pom girls se réconcilier délicatement sous la pluie fine d’un terrain de foot, ça paraît possible. Qui a aimé un jour ne serait-ce que cinq minutes des titres sus-cités se doit d’y jeter un œil. D’autant qu’est annoncée l’apparition de Molly Ringwald, égérie de John Hughes, le pape eighties et poète jamais égalé du genre (Breakfast Club, Seize Bougies pour Sam). On attend beaucoup de la rencontre entre la rousse gracieuse de Breakfast Club et le bad boy de Beverly Hills, c’est peu de le dire.