
Arnaud Pontin (Image: Gay Globe)
Le terme « bispirituel » occupe une place importante dans le contexte de la communauté LGBT, en particulier parmi les cultures autochtones nord-américaines. C’est une identité nuancée et spécifique sur le plan culturel qui croise le genre, la sexualité et la spiritualité de manière distincte par rapport aux conceptions LGBT plus larges de l’Occident. Ce concept enrichit non seulement la diversité de la communauté LGBT, mais met également en lumière l’importance du contexte culturel dans les discussions sur le genre et la sexualité.
Le concept de bispiritualité est profondément enraciné dans les traditions et l’histoire de diverses tribus autochtones à travers l’Amérique du Nord. Historiquement, de nombreuses cultures autochtones reconnaissaient plus de deux genres et attribuaient des rôles et des statuts spécifiques aux individus qui incarnaient à la fois des traits masculins et féminins. Ces personnes occupaient souvent des positions respectées au sein de leurs communautés, telles que guérisseurs, chamans ou médiateurs.
Le terme « bispirituel » lui-même est relativement moderne, ayant été adopté en 1990 lors de la Troisième Conférence annuelle intertribale américaine et canadienne sur les Amérindiens, les Premières Nations, les gays et les lesbiennes à Winnipeg. Il a été choisi pour servir de terme unificateur afin de combler le fossé entre les identités de genre autochtones traditionnelles et les identités LGBT contemporaines. Le terme est une traduction du mot ojibwé « niizh manidoowag », qui signifie « deux esprits ».
Les personnes bispirituelles vivent souvent leur identité comme une fusion des esprits masculin et féminin, ce qui peut se manifester de différentes manières, y compris dans leurs rôles au sein de leurs communautés, leurs relations personnelles et leurs pratiques spirituelles. Contrairement à la vision binaire occidentale du genre, les identités bispirituelles sont plus fluides et peuvent englober une gamme d’expressions de genre et d’orientations sexuelles.
Dans de nombreuses tribus, les personnes bispirituelles étaient considérées comme ayant des pouvoirs spirituels spéciaux et étaient souvent impliquées dans des cérémonies religieuses et des pratiques de guérison. Elles étaient perçues comme des médiateurs entre le monde physique et spirituel, ainsi qu’entre les genres. Leur position unique leur permettait de jouer une variété de rôles, allant de gardiens et d’enseignants à des leaders et des conseillers.
L’arrivée des colons européens a eu un impact profond sur la vie des peuples autochtones, y compris sur les personnes bispirituelles. La colonisation a apporté avec elle des normes de genre européennes et des croyances religieuses, qui entraient souvent en conflit avec les façons autochtones de comprendre le genre et la sexualité. Les missionnaires chrétiens et les colons européens ont imposé leur propre système binaire de genre et leurs valeurs hétéronormatives, entraînant la suppression des traditions bispirituelles.
De nombreuses personnes bispirituelles ont fait face à la discrimination et à la persécution en raison de ces valeurs imposées. Leurs rôles au sein de leurs communautés ont été diminués, et beaucoup ont été forcés de se conformer au binaire de genre occidental. Ce traumatisme historique a eu des effets durables, contribuant à la marginalisation et à l’effacement des identités bispirituelles.
Au cours des dernières décennies, il y a eu un regain d’intérêt pour les identités bispirituelles, alimenté par des militants et des universitaires autochtones et non autochtones. Ce regain fait partie d’un mouvement plus large visant à récupérer et à revitaliser les cultures et traditions autochtones. Au sein de la communauté LGBT, reconnaître et honorer les identités bispirituelles est considéré comme une étape importante vers l’inclusivité et la diversité.
Les personnes bispirituelles font face à des défis uniques qui diffèrent de ceux des autres membres de la communauté LGBT. Ces défis comprennent la navigation dans l’intersection de leurs identités culturelles et sexuelles, la lutte contre l’homophobie et la transphobie au sein de leurs communautés, et l’adressage du traumatisme historique résultant de la colonisation. Les efforts pour soutenir les personnes bispirituelles se concentrent souvent sur la création d’espaces sûrs où elles peuvent exprimer librement leurs identités et accéder à des services de santé mentale et de santé culturellement compétents.
Comprendre les identités bispirituelles nécessite une appréciation du concept d’intersectionnalité, qui reconnaît que les individus peuvent subir simultanément plusieurs formes de discrimination. Les personnes bispirituelles naviguent souvent entre plusieurs identités, y compris leur héritage autochtone, leur identité de genre et leur orientation sexuelle. Cette intersectionnalité peut influencer leurs expériences d’oppression et de résilience.
Par exemple, une personne bispirituelle peut être confrontée au racisme et à la discrimination en raison de son origine autochtone, ainsi qu’à l’homophobie et à la transphobie liées à son identité de genre et à son orientation sexuelle. Aborder ces formes intersectionnelles de discrimination nécessite une approche holistique qui prend en compte les contextes culturels, sociaux et historiques des identités bispirituelles.
Les alliés jouent un rôle crucial dans le soutien aux personnes bispirituelles et dans la défense de leurs droits. Ce soutien peut prendre de nombreuses formes, notamment s’informer sur les identités bispirituelles, remettre en question les stéréotypes et les idées fausses, et plaider en faveur de politiques et de pratiques inclusives. Les alliés au sein de la communauté LGBT et de la société en général peuvent contribuer à amplifier les voix des personnes bispirituelles et à garantir que leurs perspectives uniques soient reconnues et valorisées.
La récupération des identités bispirituelles est un processus continu qui implique des efforts individuels et collectifs. Pour de nombreuses personnes bispirituelles, la récupération de leur identité est un voyage profondément personnel qui implique de renouer avec leur héritage culturel et de trouver un sentiment d’appartenance au sein de leurs communautés. Dans le même temps, des efforts collectifs sont nécessaires pour aborder les problèmes systémiques qui affectent les personnes bispirituelles