
Roger-Luc Chayer (Image : Trojan)
Un important recours collectif a été intenté récemment à l’échelle internationale contre la marque de condoms Trojan et les compagnies Church & Dwight Co. ainsi que Church & Dwight Canada Corp., en lien avec l’un des ingrédients utilisés dans la fabrication de leurs préservatifs, les PFAS, que l’on prétend toxiques.
Que sont les PFAS ?
Les PFAS, ou substances per- et polyfluoroalkylées, sont une vaste famille de composés chimiques synthétiques utilisés depuis les années 1940 pour leurs propriétés imperméables, antiadhésives et résistantes à la chaleur. On les retrouve dans une multitude de produits industriels et de consommation, et leur stabilité extrême les rend pratiquement indestructibles dans l’environnement. Cette persistance leur a valu le surnom de « produits chimiques éternels ».
Les PFAS s’accumulent dans les sols, l’eau, la faune et même dans le corps humain, ce qui soulève d’importantes préoccupations sanitaires. Des études ont établi un lien entre l’exposition prolongée à certaines formes de PFAS et divers problèmes de santé, allant de troubles hormonaux à certains cancers. Aujourd’hui, plusieurs pays, dont le Canada et ceux de l’Union européenne, tentent d’en limiter l’usage et d’en surveiller la présence dans l’eau potable.
Pourquoi un recours collectif ?
Dans son action collective canadienne, les avocats requérants, le Groupe de droit Actis, affirmait : “GROUPE DE DROIT ACTIS est le conseil principal dans l’action collective à l’échelle du Canada contre Church & Dwight Canada Corp. et Church & Dwight Co., Inc. pour avoir prétendument fabriqué et vendu des condoms de marque Trojan contenant des produits chimiques toxiques « produits chimiques éternels », qui ont été liés à de nombreux problèmes de santé, y compris le cancer. Ces produits chimiques sont des substances perfluoroalkyles et polyfluoroalkyles, également connues sous le nom de PFAS.
Les PFAS sont surnommés « produits chimiques éternels » parce qu’ils ne se décomposent pas facilement dans l’environnement ou dans l’organisme humain. Nombre de ces substances chimiques PFAS peuvent persister dans notre organisme pendant des années, voire des décennies.
Les PFAS ont été associés à des effets négatifs sur la santé, notamment une augmentation du cholestérol, un faible poids à la naissance, une réduction de la réponse des anticorps aux vaccins, des maladies cardiovasculaires, l’obésité, le diabète, la baisse de la fertilité et des problèmes de reproduction, des troubles de la thyroïde, des lésions du système immunitaire, des allergies, l’hypertension artérielle ainsi que certains types de cancers, notamment le cancer du rein et le cancer des testicules.
Le groupe de protection des consommateurs Mamavation a mené une étude auprès des consommateurs et a décidé de tester 25 condoms et 4 lubrifiants de 19 marques dans un laboratoire certifié par l’EPA pour y détecter des indicateurs de PFAS ou « produits chimiques éternels ». Les résultats ont révélé :
– 14 % de l’ensemble des condoms et lubrifiants testés présentaient des indications de PFAS « produits chimiques éternels ». 4 détections sur 29 produits de santé reproductive (condoms et lubrifiants) présentaient un taux de fluor organique supérieur à 10 parties par million (ppm) selon notre laboratoire.
– Ventilés par catégorie, 12 % des condoms testés présentaient des indications de PFAS « produits chimiques éternels ». Plus précisément, 3 condoms sur 25 présentaient des niveaux détectables de fluor organique supérieurs à 10 ppm.
– 25 % des lubrifiants présentaient des indications de PFAS « produits chimiques éternels ». Plus précisément, 1 lubrifiant sur 4 présentait des niveaux détectables de fluor organique supérieurs à 10 ppm.
– Les fourchettes de fluor organique, un marqueur des PFAS, allaient de 13 ppm à 68 ppm.
Il s’agit d’un problème majeur, car les condoms entrent en contact avec les zones les plus sensibles du corps humain, tant pour les hommes que pour les femmes. Cette situation exigera donc l’élimination immédiate de ces produits chimiques.
Les tests ont révélé que les condoms Trojan Ultra Minces pour Ultra Sensibilité contenaient 13 parties par million (ppm) de fluor organique.“
Pourquoi alors un désistement ?
Les affirmations sont graves et manifestement préoccupantes pour la santé, selon les avocats responsables du recours. Pourquoi, dans ce contexte, se désister d’une telle procédure?
Un désistement judiciaire est l’acte par lequel une partie à un procès décide de renoncer volontairement à tout ou partie de sa demande devant le tribunal. Ce retrait peut survenir à tout moment de la procédure, souvent lorsqu’un règlement est conclu hors cour ou que la partie estime ne plus avoir d’intérêt à poursuivre. Le désistement met généralement fin au litige entre les parties sur les points concernés, sauf indication contraire. Il peut être conditionnel ou définitif, et selon les cas, il nécessite l’accord de la partie adverse. Une fois accepté, il a les effets d’un jugement mettant fin à l’action.
Dans leur avis de désistement publié le 23 juin 2025, les avocats sont avares de commentaires :
Le 21 octobre 2024, les Demandeurs
ont intenté une action collective devant la
Cour supérieure du Québec, district de
Montréal, sous le numéro de dossier 500-
06-001338-249, au nom du groupe
suivant :
- Toutes les personnes résidant au
Québec qui ont acheté ou utilisé
des condoms Trojan Ultra Mince
pour une sensibilité extrême (les «
condoms Trojan ») ou tout autre
groupe à déterminer par la Cour ;
Le présent avis a pour but de vous
informer qu’en date du 20 juin, 2025, la
Cour supérieure du Québec a autorisé les
Demandeurs à se désister de l’action
collective proposée, mettant ainsi fin à aux
procédures ;
SOYEZ AVISÉ que maintenant que la
Cour a autorisé le désistement, l’action
collective proposée est terminée. Les
délais de prescription ne sont plus
suspendus. Par conséquent, les
membres du groupe devront intenter leurs
propres poursuites judiciaires s’ils le
souhaitent.
Au Québec, le délai de prescription civile ordinaire est généralement de trois ans. Ce délai commence à courir à partir du moment où la personne concernée a connaissance du droit dont elle souhaite faire valoir, par exemple lorsqu’un préjudice est survenu ou découvert. Cela signifie que, sauf exceptions où la loi prévoit un autre délai, toute action pour faire reconnaître un droit personnel ou fondée sur un droit réel mobilier doit être intentée dans ce laps de temps, sous peine de perdre définitivement ce droit.
Gay Globe a communiqué avec les avocats responsables du recours au Québec et au Canada afin de connaître les raisons de ce désistement pour le moins surprenant. Voici leur réponse: “Nous avons décidé de désister de l’action collective pour plusieurs raisons, principalement parce que nous ne pensions plus qu’elle avait de bonnes chances de succès. Cela s’explique en partie par son abandon aux États-Unis, en partie par l’énorme tâche que représentait la collecte des dossiers médicaux et les frais associés, ainsi que par quelques autres facteurs.“
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