
Roger-Luc Chayer (Image : Meta IA / Gay Globe) (Photos : SDC Village : Gay Globe / SDC Prom Masson : Nightlife.ca / SDC Promenade Ontario : Archives Métro, Gracieuseté Camille Gladu-Drouin / SDC Avenue du Mont-Royal : Josie Desmarais/Journal Métro)
Analyse des SDC de Montréal et du Village gai
Pour faire suite à notre reportage d’hier sur l’état économique et social du Village gai de Montréal, plusieurs commentaires nous sont parvenus, pointant du doigt, d’une part, la Société de développement commercial du Village (SDC) comme co-responsable de la situation, et d’autre part, nous invitant à vérifier d’autres SDC de Montréal afin de constater que la situation y est probablement similaire.
Cette suggestion étant fort pertinente, j’ai donc décidé d’examiner la situation auprès des SDC de la Promenade Masson, de la Promenade Ontario et de l’Avenue du Mont-Royal, dont les populations présentent des caractéristiques sensiblement comparables.
La SDC du Village à Montréal

La Société de développement commercial du Village, à Montréal, couvre principalement les commerces situés sur la rue Sainte-Catherine Est, entre les rues Berri et Cartier, ainsi que sur la rue Atateken, entre René-Lévesque Est et Robin. Ce territoire rassemble entre 250 et 300 entreprises, selon les données compilées par plusieurs sources, dont MaCommunauté, l’OCPM et le Grenier aux nouvelles.
Le Village gai, reconnu comme un haut lieu de la vie 2SLGBTQ+ et du tourisme à Montréal, attire chaque été un impressionnant volume de visiteurs. En 2025, la SDC a enregistré plus de huit millions de passages sur la portion piétonne de la rue Sainte-Catherine Est (on ne sait pas comment ce chiffre a été compilé, il convient de le noter).
L’économie locale repose surtout sur les bars, restaurants, terrasses, commerces de détail, hôtels et services professionnels. Toutefois, une étude ethnographique commandée par la SDC a mis en lumière certaines fragilités structurelles, notamment une forte dépendance au tourisme et à l’art public, un manque de diversification économique, la hausse continue des loyers commerciaux et une concurrence croissante entre commerces de proximité.
Malgré tout, les commerçants demeurent globalement optimistes. Un sondage mené auprès des membres de la SDC a montré que, même après les baisses marquées de ventes et d’achalandage observées pendant la pandémie, environ 72 % des entreprises ayant rapporté un recul de leurs ventes et 71,5 % une diminution de leur clientèle, plus de 80 % des répondants souhaitent poursuivre leurs activités dans le Village pour au moins six ans encore.
Le tissu social du secteur reflète une population qui vieillit lentement et un certain manque de relève générationnelle, mais aussi une évolution vers davantage d’inclusivité et de mixité sociale.
La Promenade Masson : exemple de SDC dynamique

La Promenade Masson, ou “La Prom” comme l’appellent les locaux, est un exemple d’association commerciale à tous les niveaux. Lors de la pandémie, elle a mis en place des programmes de soutien pour ses membres afin de maintenir une économie active malgré les confinements et autres problématiques liées à la COVID. Depuis de nombreuses années, elle montre la voie dans plusieurs domaines, avec des animations populaires et une gestion de la question sociale concernant les personnes itinérantes qui pourrait servir d’exemple au Village gai de Montréal.
La Promenade Masson s’étend sur environ un kilomètre, entre la rue D’Iberville et la 12e Avenue, dans l’arrondissement Rosemont–La Petite‑Patrie. L’organisme qui la représente mentionne regrouper environ 140 commerçants et professionnels, tandis que d’autres sources évoquent plus de 150 commerces et services variés. La Ville de Montréal recense 102 bâtiments sur le tronçon, avec un taux de vacance de seulement 2 %. Le secteur dessert un bassin résidentiel d’environ 90 000 habitants.
La Promenade Masson organise des événements d’envergure, tels que la foire commerciale « AZIMUT », qui se tient sur plusieurs jours en juin et transforme la rue en espace piétonnier.
Sur le plan économique, l’artère accueille surtout des boutiques de proximité, des restaurants, des cafés, des bars et des services professionnels. Selon l’étude « Gentrification et droit au logement dans Rosemont » (UQAM), la Promenade Masson connaît des transformations importantes dans le commerce de détail et les services. Parmi les enjeux identifiés, on note l’évolution rapide du quartier, l’arrivée de nouveaux résidents, une pression immobilière et commerciale accrue, ainsi que la nécessité de diversifier l’offre commerciale au‑delà de la restauration et des terrasses.
La Promenade Ontario : SDC et fréquentation

La Promenade Ontario, située dans l’arrondissement Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, s’étend sur environ un kilomètre, entre la rue Darling et le boulevard Pie-IX. Cette artère commerciale est gérée par la SDC Hochelaga-Maisonneuve, qui représente plus de 300 commerçants.
En termes de fréquentation, la rue Ontario a accueilli près de 4,5 millions de visiteurs uniques en 2019. Cependant, en 2022, ce chiffre a chuté à environ 60 % de celui de 2019, principalement en raison d’une baisse de visiteurs provenant de l’extérieur.
L’économie de la Promenade Ontario repose sur un mélange dynamique de commerces de proximité, restaurants, cafés, bars et services professionnels, typiques d’une rue commerciale de quartier. L’évolution rapide du quartier, l’arrivée de nouveaux résidents, la pression immobilière et commerciale, ainsi que la nécessité de diversifier l’offre commerciale au‑delà de la restauration et des terrasses représentent des défis importants pour la SDC.
Sur le plan social, le quartier traverse une phase de transition, avec l’arrivée progressive d’une population plus jeune ou aux moyens plus élevés, ce qui modifie la composition sociale et nécessite une adaptation continue des services et commerces.
L’Avenue du Mont-Royal : diversité et innovation sociale

La SDAMR couvre une artère commerciale emblématique du Plateau-Mont-Royal, regroupant environ 475 entreprises, incluant des commerces de détail, des services professionnels et des établissements de restauration. L’organisme gère également une filiale, Odace Événements, chargée d’organiser des activités culturelles et artistiques tout au long de l’année.
L’avenue attire une clientèle locale et touristique. En période estivale, notamment entre juin et septembre, l’avenue est piétonnalisée et enregistre des records d’affluence. En 2022, environ 75 000 personnes par jour ont fréquenté l’avenue.
L’économie de l’avenue est diversifiée, avec une forte concentration dans les secteurs de la restauration, des services professionnels, du commerce de détail et des loisirs. La SDAMR soutient ses membres en mettant en œuvre des initiatives pour promouvoir le commerce de proximité, la transition écologique et la vie de quartier, tout en aspirant à devenir un exemple de pratiques d’affaires durables et d’innovation sociale.
Conclusion : gouvernance et transparence des SDC
Selon toute vraisemblance, une seule conclusion s’impose quand on parle du développement commercial du Village vs celle des artères commerciales environnantes avec le même type de population. Il est exact de dire que le Village comporte toutefois une problématique en itinérance que les autres n’ont pas. Mais cette forme de crise sociale résulte d’un laisser-aller des autorités municipales qui ne fait pas honneur aux populations LBT et aux résidents locaux.
Hier, le groupe Facebook Gayquebec2025, en réponse à l’annonce de la fermeture prochaine de la succursale du Village de la Banque Scotia, déclarait:
“Il est normal qu’une société de développement commercial (SDC) cherche à maintenir des relations harmonieuses avec le conseil de l’arrondissement, peu importe le parti au pouvoir. C’est à l’avantage des commerçants qui en sont membres. Si la relation fait, par contre, de la SDC du Village une courroie de transmission de la propagande politique provenant de l’hôtel de ville, cela devient alors déplorable. Là où la SDC du Village peut, aux yeux de certains, apparaître douteuse, c’est dans son insistance pour la soi-disant politique controversée d’inclusion et du bien-vivre ensemble. À tort ou à raison, l’image qui s’en dégage est que la SDC soutient la philosophie de décisions à caractère politique prises par les dirigeants municipaux. C’est une ligne très délicate pour un organisme qui doit garder son indépendance, mais qui est aussi relié aux décisions prises par le pouvoir politique.
SVP prendre note que gayquebec2025 ne prend pas position dans l’actuelle campagne électorale et ne permet pas les commentaires partisans reliés à l’élection du 2 novembre. Nous avons voulu ici décrire les principes de base qui devraient diriger l’action de la SDC.”
Le Village gai de Montréal semble fonctionner dans sa propre bulle, loin de la transparence et de la participation qui caractérisent d’autres SDC exemplaires. La question se pose : les dirigeants de la SDC du Village ont-ils réellement la compétence ou la volonté de changer les choses ? Un commerçant m’interpellait hier, amer et exaspéré : « Pourquoi ne nous demande-t-on jamais notre avis ? Pourquoi ne pouvons-nous jamais voter sur les projets ? Pourquoi n’avons-nous aucun mot à dire sur l’élection des dirigeants ? Pourquoi ? Pourquoi ? » Ces questions, répétées et frustrantes, soulignent un déficit de gouvernance et d’inclusion que la SDC se doit d’affronter pour rester crédible aux yeux de ses membres.
Fait important : malgré de nombreuses tentatives au fil des ans, Gay Globe n’a pratiquement jamais obtenu de réponse de la SDC du Village. À peine un accusé de réception. Tout le reste est passé sous silence. Visiblement, la SDC préfère s’adresser à un compétiteur beaucoup plus complaisant pour annoncer ses activités, laissant ses communications officielles hors de portée des médias indépendants et de ceux qui cherchent à informer véritablement le public.
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