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En juin dernier, une association
de médecins catholiques
allemands proposait de
soigner l’homosexualité grâce
à un traitement homéopathique.
Leur argumentation se
voulait rassurante envers
les homosexuels qui souffriraient
de leur sexualité.
Michel Duponcelle de l’association
gay et lesbienne Tels
Quels réagit avec fougue à
cette conception : “Les homosexuels
ne souffrent pas
d’être homosexuels, ils souffrent
de l’homophobie et de
ce genre de considération
médicale, point !”.
Le médecin bavarois à l’origine
de cette “thérapie”,
Gero Winkelmann, précise
bien que “l’homosexualité
n’est pas une maladie”, mais
plutôt une “tendance”, qui
pourrait être soignée car
certaines personnes “qui se
sentent homosexuelles, se
trouvent dans une situation
de détresse spirituelle
et psychique, et souffrent
beaucoup”. À l’heure où le
mariage gay vient d’être
autorisé dans l’État de New-
York, d’aucun pensent encore
que l’homosexualité est
une pathologie. Le terme apparaît pour la
première fois dans le livre
“Psychopathtia sexualis” du
psychiatre austro-hongrois
Richard von Krafft-Ebing
paru en 1886. Cette étude,
qui est l’une des premières
monographies de la sexualité,
devint un best-seller à
l’époque. Le docteur y établit
un lien entre l’homosexualité
et la dégénérescence.
Sa thèse s’appuie sur le fait
que l’homosexualité serait
acquise dès la naissance.
Une théorie selon laquelle
les maladies mentales se
transmettraient génétiquement.
A travers ce livre,
l’homosexualité n’est plus
considérée comme un vice
par la communauté, mais
comme une maladie. C’était
sans compter l’apparition de
la psychanalyse.
Freud quant à lui s’intéresse
particulièrement au thème
de l’homosexualité. Il rejette
immédiatement la thèse de
la dégénérescence parce que
pour lui, tout est acquis (ou
presque). S’il ne la voit pas
comme une maladie, il affirme
qu’il s’agit d’un comportement
pervers, au sens de
sexualité déviée, en dehors
de la norme. Dans sa thèse
sur la dépsychiatrisation de l’homosexualité, le psychiatre
Malick Briki affirme :
“Mais si les travaux de Freud
visaient aussi à dépsychiatriser
l’homosexualité, ses
successeurs ont transformé
les théories du maître et leur
ont donné une connotation
moralisatrice et rigide”, remarque-
t-il. “L’homosexualité
va donc continuer à être
définie comme une maladie
mentale” malgré l’avènement
de la psychanalyse.
Jusque dans les années 70,
on utilise nombre de méthodes
radicales pour “purifier”
les homosexuels et tenter de
les “remettre dans le droit
chemin”. Aux Etats-Unis
notamment, outre la lecture
de la Bible fortement
recommandée, on préconise
la castration chimique ou
chirurgicale, la lobotomie
ou encore les électrochocs.
C’est ce qu’on a appelé la
thérapie par aversion.
Dans la foulée du courant de
l’antipsychiatrie, on assiste
à partir des années 1970 à
une remise en question de la
part des psychiatres américains.
Ce qui les incite à établir
une nouvelle classification
des maladies mentales.
Suite à la page 12
Au même moment, le lobbying
gay américain se développe
considérablement
et tente de faire réagir l’Association
des Psychiatres
Américains (APA). Un débat
a lieu à l’APA en 1973 sur le
thème “L’homosexualité estelle
un diagnostic ?”.
Pro et anti psychiatrisation
s’affrontent alors dans un
débat acharné qui ne se fonde
sur aucune théorie tangible
: “Il n’y avait pas de théorie
scientifiquement valable
pour classer l’homosexualité
au rang de pathologie:
quelques cas cliniques isolés
et des théories qui n’avaient
rien d’empirique avaient servi
de paradigme scientifique
aux psychiatres pendant
plus d’un siècle”, précise le
Docteur Briki.
Suite à ce débat, l’homosexualité
est retirée de la
classification des maladies
mentales aux États-Unis.
58% des psychiatres ont voté
pour et 39% contre au cours
d’un scrutin qui réunissait
plus de 10 000 psychiatres.
L’homosexualité n’est toujours
pas vue comme une
sexualité normale à ce stade, mais elle est diagnostiquée
au même titre que le fétichisme,
l’exhibitionnisme
et le sadomasochisme. Ces
paraphilies sont considérées
comme une pathologie
seulement lorsque la personne
en souffre et cherche
à changer sa sexualité.
“Mais qu’est-ce qui faisait
souffrir les homosexuels qui
consultaient?”, s’interroge
Malick Briki. “Leur homosexualité
ou les préjugés qui
l’entouraient, renforcés par
le diagnostic d’homosexualité?
En fait, ces personnes
souffraient surtout de l’opprobre
jeté sur eux par la
société et les autorités médicales”.
Il faudra attendre le 17 mai
1990, pour que l’Organisation
Mondiale de la Santé
retire l’homosexualité des
maladies mentales dans sa
Classification Internationale
des Maladies. David Paternotte
est chargé de recherches
au FNRS (Fond de la
Recherche Scientifique) de
l’ULB, il précise que l’association
américaine de psychiatrie,
qui produit cette
liste des maladies, avait déjà
démédicalisé l’homosexualité
en 1973. “En ce qui
concerne l’OMS, il ne faut
pas oublier qu’il s’agit d’une organisation de l’ONU. À ce
titre, elle comprend des pays
très différents. En général,
toutes les questions relatives
à l’homosexualité s’y
heurtent au Vatican, qui
influence le comportement
de plusieurs pays, et à plusieurs
pays musulmans,
qui s’allient aux pays fondamentalistes
chrétiens. La
décision de 1990 couronne
une campagne assez longue
de l’ILGA (International Lesbian
and Gay Association)”.
Le 17 mai est d’ailleurs devenu
depuis 2005 la journée
mondiale contre l’homophobie.
“Par ailleurs, il ne
faut pas oublier que la sortie
de l’homosexualité de ce
genre de liste s’est traduite
par l’entrée d’autres troubles
relatifs au genre ou à
la sexualité, tout particulièrement
dans le domaine de
la transsexualité… toujours
considérée comme un trouble
mental !”, ajoute-t-il.
Sous l’influence des débats
français, à partir de 1965,
un député socialiste belge
propose un amendement
à la loi sur la protection de
la jeunesse: l’article 372 bis
du Code pénal. Celui-ci est
accepté et prévoit un âge
de consentement plus élevé
pour les relations homoC’est la seule fois que la loi
cite l’homosexualité en Belgique,
la majorité sexuelle
est de 15 ans pour les hétérosexuels
et de 18 ans pour
les homosexuels. Mais le
chercheur précise: “En fait,
ce n’est pas la loi de la majorité
sexuelle qui est importante
et la situation n’était
pas très différente de celle
de la France. Il faut savoir
que la Belgique a dépénalisé
l’homosexualité lors de
la conquête française qui a
suivi la révolution française,
comme la moitié de l’Europe.
À partir de ce moment et
jusqu’en 1965, il n’y a plus
eu de pénalisation en tant
que telle”.
En France, c’est sous la
présidence de François Mitterrand
en 1982, que prendra
fin la pénalisation des
relations homosexuelles
avec les mineurs de plus de
quinze ans. Dans le reste
du monde, 88 États pénalisent
encore aujourd’hui les
homosexuels, en les emprisonnant
ou les torturant.
Parmi ces pays, au moins
sept (l’Iran, l’Arabie Saoudite,
le Yémen, les Émirats
Arabes Unis, le Soudan, le
Nigeria et la Mauritanie)
appliquent la peine capitale
aux personnes “coupables
d’homosexualité”.