Qu’est-ce que la Loi sur le Travail du Sexe au Canada?

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Chad G. Peters

La loi sur les travailleurs du sexe au Canada est un sujet complexe et controversé qui a connu des évolutions importantes au fil du temps. Pour comprendre cette loi et ses implications, il est essentiel d’examiner son histoire, ses dispositions clés, les débats qui l’entourent, et son impact sur les travailleurs du sexe et la société canadienne dans son ensemble.

Historique de la loi sur les travailleurs du sexe au Canada :

L’histoire de la réglementation de la prostitution au Canada remonte aux premières colonies européennes, où la prostitution était présente mais non réglementée. Au fil du temps, les attitudes envers la prostitution ont évolué, et les lois ont été adoptées pour encadrer cette profession. Voici quelques jalons importants de l’histoire de la réglementation de la prostitution au Canada :

Avant 1867 : Avant la Confédération en 1867, chaque colonie avait le pouvoir de réglementer la prostitution à sa manière. Certaines colonies, comme le Québec et l’Ontario, ont adopté des lois visant à encadrer la prostitution, mais sans l’interdire.

1867 – 1880 : Après la Confédération, chaque province a obtenu la compétence pour réglementer la prostitution. Le Québec a été l’une des premières provinces à promulguer une loi spécifique sur la prostitution en 1880.

Années 1970 : Les années 1970 ont été marquées par une période de libéralisation sociale au Canada. Les mouvements féministes ont commencé à remettre en question les lois sur la prostitution, les considérant comme discriminatoires envers les travailleuses du sexe.

2014 : En 2014, le Canada a adopté la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation (C-36), qui a radicalement changé l’approche légale envers la prostitution. Cette loi a rendu illégal l’achat de services sexuels, tout en permettant aux travailleurs du sexe de vendre leurs services. L’objectif était de cibler les clients pour dissuader la demande de prostitution.

Dispositions clés de la loi C-36 :

La Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation (C-36) comprend plusieurs dispositions clés qui ont un impact sur les travailleurs du sexe au Canada. Voici les principales caractéristiques de cette loi :

  1. Interdiction de l’achat de services sexuels : La loi C-36 rend illégal d’acheter des services sexuels, que ce soit dans un contexte public ou privé. Cette disposition vise à dissuader les clients et à réduire la demande de prostitution.
  2. Permission de la vente de services sexuels : Contrairement à l’interdiction d’achat, la loi permet aux travailleurs du sexe de vendre leurs services sexuels. Cependant, il y a des restrictions et des limites imposées à la manière dont cela peut être fait, notamment en interdisant la sollicitation dans des lieux publics où des mineurs pourraient se trouver.
  3. Interdiction des maisons closes : La loi C-36 interdit l’exploitation de maisons closes ou de bordels pour la prostitution. Cela signifie que les travailleurs du sexe ne peuvent pas exercer leur métier en groupe dans un lieu physique, sauf s’ils sont seuls.
  4. Interdiction de la publicité : La loi interdit également la promotion ou la publicité de services sexuels, à l’exception de certaines annonces dans des médias où il est légal de vendre des services sexuels.

Débats autour de la loi sur les travailleurs du sexe :

La loi C-36 a suscité des débats passionnés et des controverses depuis son adoption. Les arguments en faveur de la loi se concentrent généralement sur la réduction de la demande de prostitution, la protection des personnes vulnérables, notamment les victimes de traite des êtres humains, et la lutte contre l’exploitation sexuelle.

D’un autre côté, les critiques de la loi font valoir plusieurs préoccupations :

  1. Droit à la sécurité : Certains estiment que la loi C-36 met en danger la sécurité des travailleurs du sexe en les poussant à travailler dans la clandestinité, où elles ont moins de contrôle sur leurs conditions de travail.
  2. Stigmatisation : La loi peut contribuer à la stigmatisation des travailleurs du sexe, les rendant plus vulnérables aux abus et aux préjugés.
  3. Risques accrus : En décourageant les clients de chercher des services sexuels de manière légale, la loi pourrait pousser certains à s’engager dans des activités à risque plus élevé.
  4. Constitutionnalité : La constitutionnalité de la loi C-36 a été contestée devant les tribunaux, avec des arguments selon lesquels elle viole les droits des travailleurs du sexe.

Impact sur les travailleurs du sexe et la société :

L’impact de la loi C-36 sur les travailleurs du sexe et la société canadienne est complexe et nuancé. Certains travailleurs du sexe ont trouvé des moyens de continuer leur activité en dépit de la loi, tandis que d’autres ont rencontré des difficultés accrues pour exercer leur métier en toute sécurité. L’application de la loi varie d’une province à l’autre, ce qui crée des disparités dans la manière dont elle affecte les travailleurs du sexe.

La loi C-36 a également eu un impact sur la dynamique entre les travailleurs du sexe et les clients, ce qui a modifié les conditions de travail dans l’industrie du sexe. La précarité et le risque accru ont été des conséquences potentielles de la loi.

Évolutions récentes :

Depuis l’adoption de la loi C-36 en 2014, la réglementation de la prostitution au Canada est restée un sujet de débat politique et juridique. Certaines provinces ont envisagé des approches différentes pour réglementer ou décriminaliser la prostitution, tandis que d’autres ont maintenu une application stricte de la loi.

En 2013, la Cour suprême du Canada a rendu une décision historique dans l’affaire Bedford c. Canada, déclarant certaines dispositions du Code criminel du Canada relatives à la prostitution inconstitutionnelles. Cette décision a ouvert la voie à des discussions plus approfondies sur la réglementation de la prostitution à l’échelle nationale.