Me voici donc devant la porte de l’Institut fédéral de Formation à Laval. Le pénitencier à sécurité minimum où habite notre invité d’aujourd’hui. J’entre dans le bâtiment avec ma grosse valise de clichés sur les lieux et les gens qui y vivent. A l’entrée, un gardien me demande ce qui m’amène? Un rendez-vous avec Daniel Benson dis-je! Oh, mais c’est qu’il n’a pas d’autorisation pour ce soir, de répondre le bon gardien. Coup de fil à mon invité et en moins de deux, tout est réglé. C’est qu’il a du pouvoir ce Daniel Benson. Le pouvoir de ceux qui sont aimés de tous. Après plus de 13 années passées en prison, il sait comment tirer les bonnes ficelles.
A 32 ans, Daniel est sur la fin d’une longue sentence qui le libérera à 35 ans: meurtre d’un beau père abuseur et violent. Pendant toutes ces années, Daniel est passé de l’adolescent timide et renfermé à l’adulte impliqué dans la vie de tous les jours des détenus.
Après une période de 4 ans où il dut s’adapter à la captivité, Daniel commence quelque temps plus tard à participer à la vie culturelle de sa prison. Il part en grande avec la télévision communautaire. On le retrouve dans d’aussi diverses fonctions qu’animateur, commentateur, éditeur, journaliste, monteur, technicien, preneur de son, nommez-les toutes…
En plus de contribuer à la vie culturelle en produisant de nombreuses émissions portant sur les divers services du pénitencier, (Programme STOP pour les toxicomanes, les AA, et plusieurs autres) Daniel affirme ouvertement son homosexualité depuis maintenant près de 7 ans. C’est que la vie à l’intérieur des murs est propice à l’épanouissement de la vie gaie. Aucunes contraintes familiales ni de voisinage ne viennent empêcher l’expression de cette forme d’amour. Les détenus se sentent plus libres de vivre des relations entre hommes et le milieu y est propice:<< …On trouve toujours un endroit pour vivre notre amour. Pendant toutes ces années à l’intérieur, j’ai toujours trouvé de l’affection voir même l’amour…>>
Il faut comprendre que dans les pénitenciers, il est interdit de faire l’amour. Par contre la distribution de condoms y est gratuite. Un drôle de paradoxe que notre ami s’amuse à m’expliquer. Daniel Benson a d’ailleurs été un des pionniers dans la lutte pour le droit à l’obtention de condoms dans les prisons.
Aujourd’hui, Daniel est passé à autre chose et préside le Comité des Détenus. Un travail de longue haleine qui ne lui laisse plus tellement le temps de faire autre chose. C’est avec nostalgie qu’il regarde les appareils du studio de télé en se disant à voix basse qu’au jour de sa liberté, Radio-Canada n’aura qu’à bien se tenir!
Daniel est maintenant prêt à la vie civile. Il se promet quelques jours d’intenses festivités dès sa sortie et ne souhaite finalement que finir ses jours avec son copain, dans sa maison avec son chien. La liberté lui amènera sans doute la réalité d’une vie gaie fort difficile. Avec sa détermination, sa grande culture générale et sa facilité d’expression, Benson commence avec une longueur d’avance sur bien des gens libres.