Le plus imposant chef d’orchestre au monde a tenu, pendant toute sa vie, à prouver que l’on pouvait aller au bout de ses opinions sans ne jamais faire un seul compromis. Il est mort en ne réussissant pas à intégrer une seule femme à l’Orchestre de Berlin, réputé comme le plus ferme et austère des ensembles symphoniques de l’histoire.
Demander à un corniste symphonique d’écrire et de raconter l’histoire d’Herbert Von Karajan, c’est comme demander à un évêque de parler de Dieu. Non pas qu’il puisse s’agir d’une commande qui relève du miracle ou du récit mystique, Von Karajan a vraiment existé, il s’agit plutôt de réaliser l’énormité du sujet et surtout, de prendre conscience que l’homme et son récit, bien qu’adulé et respecté en son temps, soulèverait probablement aujourd’hui l’ire des foules avec ses positions po- litiquement incorrectes, comme par exemple le fait d’avoir eu une carrière de plus de 50 ans à la tête du plus imposant orchestre symphonique au monde, d’avoir été membre du Parti nazi avant 1945, d’avoir dirigé l’Orchestre de Berlin à Paris sous l’occupation, d’avoir refusé d’intégrer des femmes à cet orchestre un certain temps et d’avoir réussi à prouver chaque jour qu’il avait raison.
Von Karajan (1908-1989) a un énorme parcours artistique et a laissé une trace indélébile dans l’his- toire musicale classique mondiale comme chef, cela est indéniable. Mais si nous souhaitons mieux connaître le personnage derrière le grand chef, l’étude de son passé et de ses valeurs ne peut que mener vers un respect de l’homme malgré les reproches que l’on pourrait faire sur certains de ses choix. En effet, toute sa vie, Von Karajan aura tenté, contre vents et marées, de vivre une vie quasi normale malgré ses débuts ouvertement nazis et le fait qu’il aura dirigé un ensemble symphonique de calibre mondiale sans qu’une seule femme n’y soit autorisée à jouer. Il ne faut toutefois pas se fier aux apparences : Von Karajan était un paradoxe vivant en détestant ouvertement les homosexuels tout en dirigeant un orchestre constitué que d’hommes et en ayant eu une carrière mondiale post seconde guerre mondiale alors qu’il avait été de longues années membre du Parti nazi allemand qui est lui-même responsable de la mise en place du plus terrible dictateur de l’histoire moderne.