Roger-Luc Chayer (Image: Générée par IA – Gay Globe)
Depuis quelques mois, un nombre croissant d’entreprises à travers le monde, notamment aux États-Unis, en Europe et au Canada, abandonnent leurs politiques de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI), souvent sous des prétextes plus ou moins justifiés. Pourtant, depuis les années 1980, grâce aux efforts des communautés LGBTQ+ et de leurs représentants, de nombreuses avancées avaient été accomplies. Ces politiques DEI étaient alors adoptées par la majorité des grandes entreprises internationales, ainsi que par plusieurs gouvernements et autorités publiques.
Définition de DEI
Une définition précise est donnée par Deloitte Insights, qui souligne que les politiques DEI sont essentielles pour améliorer la performance organisationnelle, favoriser l’innovation et renforcer l’engagement des employés.
Les politiques de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) sont des stratégies et des initiatives adoptées par les entreprises et les organisations pour promouvoir un environnement de travail respectueux, inclusif et équitable. Elles visent à :
- Diversité : Représenter et intégrer des personnes de différents horizons (origines ethniques, genres, orientations sexuelles, capacités, âges, etc.).
- Équité : Garantir un traitement juste en identifiant et en éliminant les obstacles systémiques pour offrir à chacun des chances égales de réussite.
- Inclusion : Créer un environnement où chaque individu se sent accepté, valorisé et encouragé à contribuer pleinement.
Pourquoi des entreprises abandonnent leurs politiques DEI
Le cas de Walmart est le plus récent à ce jour. Selon la journaliste Anne D’innocenzio de l’Associated Press, les changements, confirmés par Walmart lundi, sont radicaux et vont du non-renouvellement d’un engagement de cinq ans pour un centre d’équité créé en 2020 après le meurtre de George Floyd par la police, au retrait d’un important index des droits des homosexuels. Et lorsqu’il s’agit d’ethnicité ou de genre, Walmart n’accordera pas de traitement prioritaire aux fournisseurs.
Les mesures prises par Walmart soulignent la pression croissante à laquelle sont confrontées les entreprises américaines alors qu’elles continuent de faire face aux retombées de la décision de la Cour suprême des États-Unis en juin 2023 mettant fin à la discrimination positive dans les admissions à l’université. Enhardis par cette décision, des groupes conservateurs ont intenté des poursuites en utilisant des arguments similaires contre les entreprises, ciblant des initiatives sur le lieu de travail, telles que des programmes de diversité et des pratiques d’embauche qui donnent la priorité aux groupes historiquement marginalisés.
Molson avait annoncé la même chose récemment. Dans un communiqué du 6 septembre dernier, publié à Montréal, Molson déclarait: La brasserie Molson Coors annonce qu’elle abandonne ses politiques de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) pour adopter une « vision plus large » dans laquelle tous les employés savent qu’ils sont les bienvenus.
Par ailleurs, la multinationale canado-américaine précise qu’elle ne participera plus au programme de classement de la Human Rights Campaign, un groupe de défense qui évalue les entreprises sur l’inclusivité de leurs pratiques envers la communauté LGBTQ+.
Revendications parfois radicales de la communauté LGBTQ+
Dans les années 1970 à 1990, les communautés gaie et lesbienne revendiquaient légitimement l’égalité devant la loi et l’État, le droit au mariage et à l’adoption, aux rentes de conjoint et aux traitements contre le VIH, qui dévastait à l’époque ce que l’on appelait la communauté gaie et lesbienne. Cependant, au fil des années, ces revendications ont évolué jusqu’à atteindre un niveau d’inclusivité que plusieurs critiquent, estimant qu’elle ne reflète pas fidèlement la réalité des minorités sexuelles. « Gais et lesbiennes », « gais, bisexuels et lesbiennes » et aujourd’hui en 2024, « LGBTTQ2QIAAPMS+ » pour « identité de genre, asexuel.le, bisexuel.le, pansexuel.le, polyamour, grissexuel, orientation romantique, cisgenre, transgenre, non-binaire, androgyne, queer, bispirituel.le, intersexe, genre fluide, agenre, allosexuel.le, demisexualité, morinom, mégenrer, allophobie, allié.es »
Et que penser de ce groupe de pédophiles dirigé par un Québécois accusé et condamné pour pédophilie, qui revendique l’inclusion des personnes pédophiles dans les communautés LGBTQ+ et leur reconnaissance comme une orientation sexuelle à part entière, afin qu’elles ne soient plus criminalisées pour ce qu’elles considèrent être une orientation et non une déviation ?
Il faut l’admettre, on ne s’y retrouve plus, et rares sont ceux qui s’identifient à cet acronyme, devenu un mélange hétéroclite d’orientations sexuelles, de genres variés et même de conditions médicales. Un véritable fourre-tout qui a perdu tout sens clair, résultat d’une volonté de regrouper tout ce qui n’est pas hétérosexuel et chrétien dans un ensemble incohérent.
En tant que gais et lesbiennes, nous devons partager la responsabilité de cette confusion avec ceux qui ne font pas partie de nos communautés, mais qui, au fil des années, ont cherché à donner l’impression d’inclure tout et n’importe quoi. Dans les faits, cela a souvent conduit à exclure sournoisement ce qui était réellement différent. Et pendant ce temps, les LGBTQ+ se félicitent de cette inclusivité qui, bien souvent, ne reste qu’une façade sur papier…
L’abandon des politiques DEI par certaines entreprises semble être la conséquence logique d’une exagération ou d’une caricature, qui suscite également des débats très houleux au sein même des communautés gaies et lesbiennes. Ces dernières se questionnent sur leur place réelle dans cet ensemble devenu si vaste et complexe.
Assistons-nous à un retour du balancier ?
Pendant des années, en tant qu’observateur privilégié de l’évolution de la question de l’orientation sexuelle dans le monde et en tant que journaliste, j’ai toujours craint que certaines de nos actions collectives ne provoquent un retour du balancier. Je redoutais que des groupes d’extrême droite, religieux et fascistes profitent de notre émancipation pour tenter d’y mettre un terme, croyant que la place que nous occupions dans nos sociétés se faisait à leurs dépens.
Et c’est ce qui se produit actuellement avec l’abandon des politiques de DEI à l’échelle mondiale. En 2023, rien qu’aux États-Unis, plus de 120 projets de loi restreignant les droits des communautés LGBTQ+ ont été introduits et ont été votés. Les personnes trans sont les principales visées par ces lois.
Selon NBC News, les législateurs des États américains ont proposé un nombre record de 238 projets de loi en 2022 visant à limiter les droits des Américains LGBTQ, soit plus de trois par jour, dont environ la moitié ciblent spécifiquement les personnes transgenres.
Depuis 2018, près de 670 projets de loi anti-LGBTQ ont été déposés, selon une analyse de NBC News des données de l’American Civil Liberties Union et du groupe de défense des droits LGBTQ Freedom for All Americans, avec près de 50 législatures des États-Unis ayant examiné au moins un de ces projets de loi.
Et dans le monde ?
Et tout cela n’est que le début. Le président élu Donald Trump a promis de démanteler la plupart des lois fédérales américaines protégeant les communautés LGBTQ+, et dans le monde, ce sont des milliers de lois et de mesures de protection qui s’effondrent, principalement en raison d’un retour du balancier tant craint, provoqué par des groupes extrémistes de droite.
Seul l’avenir nous dira si nous traversons une période plus sombre de notre existence communautaire, ou si un nouvel ordre mondial se dessine concernant un sujet pourtant si simple : la communauté gaie et lesbienne.