Éditorial 138b: JUSTE POUR EXISTER…

Je me souviens d’une conversation, il y a plus de 10 ans, avec un lecteur du magazine qui était atteint du VIH depuis près de 25 ans et qui tenait mordicus à continuer à annoncer ses services de comptabilité dans notre média, même s’il se savait incapable de travailler. Il était atteint d’une forme secondaire de démence, causée par un VIH rendu au stade du SIDA, et savait que son temps était compté.

Alain Rhéaume annonçait dans nos pages depuis la première édition et même avant, dans un magazine gai maintenant fermé. Je lui disais souvent qu’il n’était pas obligé d’annoncer et que ces coûts ne devaient pas l’empêcher de vivre sa vie ou de se payer un peu de bon temps au pire de sa situation. Jusqu’au jour où j’ai finalement eu le courage de lui demander noir sur blanc: «Alain, est-ce que je me trompe si je dis que tu continues à acheter de la publicité dans le magazine non pas parce que tu as besoin des revenus de comptabilité qu’ils peuvent générer, mais uniquement pour te donner le sentiment que tu es encore vivant?»

Et il m’avait répondu, les larmes aux yeux, que sa pub était là uniquement pour ne pas que son nom soit oublié, ça lui donnait l’impression d’exister. À partir de ce jour, je ne lui ai plus jamais fait payer une seule publicité, car personne ne devrait payer pour exister. Il a continué ainsi pendant 3 ou 4 ans pour ensuite décéder.

C’est un peu le même sentiment que ressentent plusieurs annonceurs actuels du magazine, dans la tourmente causée par la crise de la COVID-19. Alors que tous les commerces non essentiels sont forcés de rester fermés, sur ordre du gouvernement, la pire angoisse, à part celle de l’inconnu et de l’avenir, est de donner l’impression de ne plus exister auprès de leurs clients et du public. C’est le cas pour les bars, les saunas, les commerces de proximité, les bijouteries ou les entrepreneurs en construction, et c’est la que j’interviens. Grâce aux éditions spéciales hors-séries de Gay Globe, nous permettons à de nombreuses entreprises et services de continuer à exister même si leurs portes sont closes. Ça c’est de la solidarité! Et on continuera le temps qu’il faudra…