Le Soleil
Les virus de la «famille» qui nous a donné le VIH seraient beaucoup, beaucoup plus anciens que ce qu’on croyait. Alors que plusieurs estimés comptaient jusqu’ici en dizaines de milliers d’années, deux biologistes de Seattle parlent maintenant d’«au moins 5 à 6 millions d’années».
Dans leur article qui vient tout juste d’être publié par la revue savante PLoS Pathogens, Alex A. Compton, de l’Université de l’État de Washington, et Michael Emerman, du Centre de recherche sur le cancer Fred Hutchinson, basent cette conclusion sur l’examen d’un gène très répandu chez les primates, qui leur confère une résistance au lentivirus — soit des virus à incubation longue qui sont capables d’infecter des cellules qui ne se divisent pas (contrairement aux autres virus) et dont le VIH fait partie. Les lentivirus peuvent infecter toutes sortes d’animaux, mais la «famille» du VIH serait ici composée des souches qui infectent les primates (une quarantaine d’espèces différentes).
Comme le génome des virus change très rapidement et de façon irrégulière, on ne peut s’en servir comme d’une «horloge». Cependant, puisque les espèces doivent se défendre contre ces virus, elles comptent souvent des «gènes protecteurs», et c’est un tel gène que les biologistes ont étudié — nommément le «A3G», qui code pour une protéine qui nuit à la transcription des gènes viraux en ADN (ce que les lentivirus doivent obligatoirement faire) et qui introduit des mutations dans le matériel génétique viral. Pour contourner cette défense, les lentirivus ont rapidement évolué une protéine nommée Vif, et le fait que tous les lentivirus qui ciblent des primates en sont dotés suggère que le gène A3G est un bon marqueur pour retracer l’histoire de ces virus.
MM. Compton et Emerman ont donc mis plusieurs variantes de Vif en présence de la protéine primate A3G, et ont trouvé que beaucoup de versions de ce gène permettent effectivement de neutraliser l’effet de la protéine virale. Et si certaines des mutations observées semblent être apparues plusieurs fois de manière indépendante au cours de l’évolution, d’autres sont clairement associées à certaines branches précises des primates, ce qui suggère qu’elles ont été acquises par un ancêtre commun. Et cela signifierait évidemment que ces lentivirus doivent être aussi anciens que cet ancêtre commun.
En recoupant ces données avec ce que l’on sait de l’évolution des primates, les chercheurs arrivent à un âge minimal de 5 millions d’années, âge qui pourrait atteindre jusqu’à 12 millions d’années.