Roger-Luc Chayer
Il est temps de parler franchement, mesdames et messieurs de la bonne société québécoise. Depuis quelque temps, nous apprenons qu’Edgar Fruitier, acteur, mélomane et monument de la culture québécoise, fait l’objet d’une accusation d’attentat à la pudeur concernant des faits qui remontent à 44 ans (1974).
Depuis les affaires Weinstein et Rozon, des accusations émergent de toutes parts, souvent pour des événements prétendument survenus il y a plusieurs décennies, voire plus. Cela coïncide avec un changement récent de la législation, permettant de porter plainte pour des crimes datant de très longtemps. Ce cadre juridique facilite aussi l’accès à des compensations de l’IVAC (Indemnisation des Victimes d’Actes Criminels) pour les plaignants. Or, il suffit parfois d’un simple témoignage accompagné d’un rapport médical pour obtenir une aide financière ou des soins psychologiques, sans qu’une enquête policière approfondie ne soit nécessaire.
Dans cette affaire, un homme aujourd’hui âgé de 59 ans accuse Edgar Fruitier de l’avoir touché sexuellement. Les faits allégués relèvent d’un attentat à la pudeur, une infraction qui n’existe plus dans le Code criminel actuel. Edgar Fruitier devra donc se défendre selon une loi abrogée, avec des moyens juridiques bien différents de ceux d’aujourd’hui. Cette accusation soulève de nombreuses interrogations, notamment en raison de son âge avancé, 88 ans, et du délai de 44 ans avant que l’accusation ne soit portée.
Le public exprime sa colère face à cette décision du procureur de la Couronne. Pourquoi soumettre un homme de cet âge à une telle épreuve pour un seul chef d’accusation mineur, et datant d’une époque si éloignée? Pourquoi le plaignant est-il resté silencieux aussi longtemps?
Il est important de rappeler que la présomption d’innocence est un pilier fondamental de notre système judiciaire. Tant qu’Edgar Fruitier plaide non coupable et qu’aucune preuve irréfutable n’est présentée, il a droit à cette présomption. Par ailleurs, de nombreux cas récents d’accusations similaires ont mené à des acquittements, soulignant la difficulté de prouver hors de tout doute des événements survenus il y a plusieurs décennies.
Je recommande donc au public québécois de ne pas se précipiter pour juger Edgar Fruitier. Les dommages causés par des accusations non fondées, même en cas d’acquittement, sont souvent irréparables.
Pour rappel, Edgar Fruitier, né à Montréal le 8 mai 1930, est un acteur, mélomane, animateur de radio et de télévision bien connu. À la télévision, il a marqué des générations en incarnant des personnages comme M. Burns dans la version québécoise des Simpson et Loup-Garou dans Le Pirate Maboule. Il a également participé à des émissions cultes comme Les Belles Histoires des pays d’en haut et La Boîte à surprises. Au théâtre, il a brillé dans des pièces de Molière, Michel Tremblay et Shakespeare.