Daniel De Montigny
Les médicaments anti-VIH ont sauvé des millions de vies depuis leur introduction au milieu des années 90. L’espérance de vie moyenne des personnes infectées aurait augmenté de façon appréciable, mais reste toutefois en dessous de celle de la population générale, du moins pour les personnes infectées en Amérique du Nord et en Europe. Si, depuis les années 80, l’effort était concentré sur le contrôle des maladies opportunistes et les effets secondaires importants des monothérapies, l’accent est maintenant porté sur les maladies chroniques accessoires à l’infection au VIH et à la trithérapie. Selon une méta-analyse de 80 études, publiée en 2018 et portant sur 793,635 personnes infectées par le VIH de 1990 à 2015, la première cause de morbidité et de mortalité chez les personnes séropositives médicamentées serait due aux maladies cardiovasculaires (MCV), plus particulièrement dans les régions du monde où l’on retrouve les plus haut taux d’infection au VIH, notamment en Afrique sub saharienne et en Asie-Pacifique, territoires qui englobent plus de 60% des maladies cardiovasculaires associées au VIH mondialement, et en Europe de l’Est. L’incidence des MCV aurait triplé durant cette période.
En fait, le système cardiovasculaire n’est qu’un des systèmes métaboliques qui serait affecté par le VIH: le foie, les reins et les os, le système nerveux central et périphérique, ainsi que les poumons, peuvent aussi être affectés conjointement. S’ajoutent à ce scénario le syndrome métabolique (triglycérides, mauvais cholestérol et glycémie élevés, hypertension, embonpoint abdominal), dû principalement aux habitudes de vie, à la sédentarité mais aussi à la présence du VIH, des co-morbidités comme le virus de l’hépatite C et, dans certaines régions du monde, de la tuberculose. De plus, certains types de cancers, non reliés au SIDA, peuvent se développer
en présence d’infections chroniques et seraient fortement associés au degré d’immunodéficience causé par le VIH (compte CD4+). Plusieurs facteurs causent, indépendamment, un milieu inflammatoire, même avec une charge virale indétectable. Il est démontré que le système immunitaire d’une personne infectée se comporterait comme celui d’un individu très vieux, ce qu’on appelle l’immunosénescence, qui résulterait en une inflammation intensifiée de l’organisme, provoquant ainsi la dégénérescence de plusieurs systèmes, et conséquemment, un plus haut taux de maladies et de mortalité. Selon ce modèle, les personnes infectées par des maladies virales chroniques présenteraient un vieillissement prématuré et accéléré.
Certains facteurs prédisposeraient cette accélération: le VIH (traité ou non traité), le type de traitements et leur durée, la co-morbidité avec d’autres maladies chroniques ou métaboliques, un âge supérieur à 45 ans ou l’usage régulier de drogues injectables.
Un diagnostic et un début de traitement à un stade plus avancé de l’infection compliqueraient le pronostic. Un dépistage régulier et un traitement dans un bref délai peut réduire les complications métaboliques connexes et améliorer la qualité de vie. L’accumulation de facteurs inflammatoires accélère la dégénérescence et l’on doit gérer ce qui peut être contrôlé comme la qualité et la quantité des aliments, l’exercice régulier modéré (plus court et intense pour de meilleurs résultats), réduction de sa consommation d’alcool, amélioration du sommeil, réduction ou élimination du tabagisme. Un suivi régulier avec son médecin, au sein d’une équipe multidisciplinaire de préférence, permet d’assurer un dépistage plus rapide des maladies métaboliques et systémiques et de déterminer des traitements qui s’imposent.