
Roger-Luc Chayer (Image: IA / Gay Globe)
Le stress post-traumatique n’est pas uniquement un trouble qui touche les soldats, les premiers intervenants ou les témoins d’événements graves et inhabituels. Il affecte également un nombre croissant de personnes des communautés LGBT. Ces dernières, en plus de subir fréquemment des agressions physiques ou verbales, doivent vivre avec les traumatismes profonds qui en résultent.
Quelles sont les causes possibles de stress post-traumatique chez les personnes des communautés LGBT ?
Le stress post-traumatique chez les personnes LGBT peut être causé par des expériences profondément marquantes liées à des discriminations, des violences ou des rejets en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Ces expériences peuvent inclure des agressions physiques ou verbales, des traumatismes liés à l’homophobie ou à la transphobie, ainsi que des violences sexuelles, des sujets dont on parle encore trop peu.
Le rejet familial ou social, souvent lorsque des individus décident de faire leur coming out, peut également engendrer un sentiment d’abandon et de danger émotionnel. À cela s’ajoutent les microagressions quotidiennes, le stigmate persistant, et le stress des environnements où ils ne se sentent pas en sécurité ou acceptés.
Ces expériences, cumulées ou isolées, peuvent perturber le sentiment de sécurité de base, créant ainsi des symptômes durables de stress post-traumatique.
Quels en sont les symptômes?
Il est important de ne pas confondre le stress post-traumatique avec la dépression ou l’anxiété, bien que ces conditions soient souvent associées. Les symptômes du stress post-traumatique se manifestent souvent par des souvenirs intrusifs et répétitifs de l’événement traumatisant, des cauchemars vivides et une reviviscence intense, comme si la situation se produisait à nouveau.
Ils incluent souvent aussi un évitement des lieux, des personnes ou des situations qui rappellent le traumatisme, accompagné d’un engourdissement émotionnel et d’une difficulté à ressentir des émotions positives.
Une hypervigilance, caractérisée par une réaction exagérée face aux bruits ou aux mouvements soudains, est fréquente, tout comme l’irritabilité et la colère. Enfin, des troubles du sommeil, des difficultés de concentration et une détresse psychologique persistante en lien avec le souvenir du traumatisme sont aussi des symptômes invalidants.
Comment se traite le stress post-traumatique?
Il est essentiel de consulter rapidement son médecin traitant ou tout autre professionnel de la santé, comme une infirmière ou un travailleur social, dès l’apparition des premiers symptômes. En effet, il existe des traitements et des thérapies très efficaces pour ce syndrome, qui, s’il n’est pas pris en charge, peut entraîner une invalidité chronique.
En plus des traitements médicamenteux traditionnels, qui aident à gérer l’anxiété et les souvenirs récurrents, deux nouvelles approches méritent une attention particulière. La première, qui donne d’excellents résultats, est actuellement à l’étude et même en application à l’hôpital Douglas de Montréal. Elle implique l’utilisation du propranolol, un bêta-bloquant disponible sur le marché depuis des décennies.
Selon le site web du Centre de recherche Douglas, un souvenir ancien doit être re-consolidé afin de persiter. Il existe un médicament, le propranolol, qui bloque en partie le processus de reconsolidation. Puisque la personne traumatisée souffre de ‘réminiscences’, diminuer la force émotionnelle du souvenir traumatique sans pour autant oublier celui-ci semble une avenue thérapeutique idéale.
Dans les projets de recherches actuels, notre équipe de recherche évalue si le blocage de la reconsolidation de souvenirs traumatiques est efficace pour traiter le TSPT. Le propranolol est donné conjointement à une séance de réactivation du souvenir traumatique, de façon à réduire la force émotionnelle du souvenir. Les résultats préliminaires sont fort encourageants.
L’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing)
Selon l’Inserm (Institut français de recherche médicale), d’abord testée chez des personnes souffrant de souvenirs traumatiques, par exemple des vétérans de la guerre du Vietnam, cette psychothérapie par mouvement oculaires cible les mémoires traumatiques des individus. En d’autres termes, elle vise à traiter les conséquences psychologiques, physiques ou relationnelles liées à un traumatisme psychique.
Cette approche thérapeutique vise à traiter les conséquences d’un traumatisme psychique en combinant un rappel mental par le patient du souvenir traumatique et des stimulations sensorielles bilatérales alternées (avec des mouvements oculaires induits, par exemple en demandant au patient de suivre le mouvement des doigts du thérapeute ou encore des stimulations alternées tactiles sur les genoux, ou des stimulations auditives).
Les mouvements oculaires pratiqués de cette manière doivent permettre la remise en route d’une gestion naturelle des souvenirs douloureux et la restauration de l’estime de soi. Avant d’entamer une thérapie EMDR, des séances préliminaires permettront de construire une relation de confiance avec le praticien et d’établir les objectifs visés.
Petit point de langage : le terme « traumatisme psychique » est ici utilisé au sens de la définition retenue par le DSM-5, c’est-à-dire comme une confrontation à une situation violente, une crainte élevée pour sa propre vie ou celle d’un proche, une menace pour son intégrité ou celle d’un proche.
Si le protocole utilisé peut sembler un peu extravagant pour ceux qui ne seraient pas familiers de l’EMDR, de nombreuses études rigoureuses et méta-analyses ont été publiées au cours des 25 dernières années pour valider son efficacité dans le traitement des troubles de stress post-traumatique. Au point qu’en 2013, l’Organisation mondiale de la santé mentionnait l’EMDR comme une alternative valide aux thérapies comportementales et cognitives plus classiques.
Par où commencer?
Le point de départ d’un traitement efficace est la consultation avec un médecin, qui déterminera où référer le patient afin qu’il puisse accéder à des soins urgents. Il peut également, dans certains cas, prescrire un médicament pour gérer les crises immédiates et, occasionnellement, commencer lui-même un traitement au propranolol ou proposer une thérapie EMDR, s’il est formé et spécialisé dans ces approches.
L’élément le plus important est d’initier un traitement le plus rapidement possible après les premières manifestations des symptômes post-traumatiques, afin d’obtenir les meilleurs résultats.