LOI: LE RETRAIT DU CONDOM

Photo de condom

Maître Claude Chamberland

Dans une décision de 187 pages rendue cet été (R. c. Kirkpatrick), la Cour Suprême du Canada est venue clarifier l’état du droit criminel canadien sur la question du furtivage (stealthing) — le retrait du condom à l’insu du partenaire lors d’un rapport sexuel — en précisant de quelle manière cette pratique vient invalider le consentement à l’acte sexuel donné de façon conditionnelle au port du condom.

Au sens des juges majoritaires, « l’arrêt Hutchinson ne régit pas une cause comme la présente affaire où le consentement repose sur l’utilisation d’un condom et qu’aucun condom n’a été utilisé, et il y a donc lieu d’établir une distinction. L’arrêt Hutchinson a simplement statué que les affaires intéressant le sabotage d’un condom et la tromperie devraient être analysées en application de la disposition relative à la fraude, plutôt qu’en intégrant la question du port du condom à l’activité sexuelle visée à l’art. 273.1 (…) Si la personne plaignante s’aperçoit pendant l’acte sexuel que le condom a été saboté, elle peut alors révoquer son consentement subjectif, l’actus reus de l’agression sexuelle est établi, et il est inutile de procéder à l’analyse relative à la fraude. »

Autrement dit, l’utilisation du condom, lorsqu’elle est une condition du consentement de la personne plaignante, fait partie intégrante de l’activité sexuelle visée à l’art. 273.1 du Code criminel. Contrairement à ce que prétendait l’accusé, la Couronne n’a pas à faire la preuve d’une « fraude » viciant le consentement donné, comme l’exigeait auparavant la jurisprudence. Il suffit pour la poursuite de démontrer que la victime avait assujetti son consentement à la condition expresse du port du condom pour que le furtivage exercé par l’accusé puisse entraîner une condamnation criminelle d’agression sexuelle.

Un problème soulevé par certains chercheurs en sciences sociales, c’est que ce phénomène (que presque une personne sur quatre aurait vécu un jour) serait banalisé. Rappelons que les victimes souffrent de séquelles psychologiques importantes comme la crainte d’une ITTS, la peur d’une grossesse non-désirée et le sentiment d’avoir été trahi. L’attente des résultats des tests de dépistage dans le réseau de la santé constitue également un stress et une perte de temps majeur qui vient exacerber ces séquelles et les prolonger. Même auprès des autorités policières ou judiciaires dont le travail est de faire respecter le Code Criminel, les victimes font état de plusieurs difficultés souvent rencontrées tout au long du traitement de leur plainte. Elles ressentent parfois ces difficultés comme une banalisation du traumatisme qu’elles ont subi.

Quant aux travailleurs et travailleuses du sexe qui imposent à leur clients le port du condom, ils se font souvent dire oui … jusqu’à ce que le client ne change d’avis et commette cette agression sexuelle de furtivage ou stealthing. La santé et la sécurité de ces travailleurs(euses) sera maintenant mieux protégée au fur et à mesure que la clientèle comprendra la très lourde portée de cet arrêt de la Cour. 

De façon générale et dans tous les contextes de rapports sexuels, les partenaires devront dorénavant du début à la fin tenir compte et respecter toute condition accompagnant le consentement donné à un acte sexuel. C’était déjà le cas bien sûr, mais la preuve à faire pour obtenir la condamnation d’une violation de ce consentement est maintenant grandement facilitée par les précisions apportées par les juges majoritaires dans l’affaire Kirkpatrick.

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