Petite, discrète et potentiellement explosive : la glande de Zuckerkandl, ou l’art de vivre en retrait

Image de glande

Carle Jasmin et Arnaud Pontin (Image IA / Gay Globe)

Voici un petit bijou sur une glande dont personne ne parle au souper de famille : la glande de Zuckerkandl. Rien que le nom sonne comme un personnage secondaire dans un roman de Jules Verne. Et pourtant, elle est bien là, planquée quelque part entre tes reins et ton nombril, à l’endroit où l’aorte décide de se diviser pour aller nourrir les jambes. Une glande discrète, timide, presque fantomatique… mais avec un nom qui ferait un excellent mot compte triple au Scrabble.

La glande de Zuckerkandl, c’est un peu l’enfant oublié du corps humain. Elle est tellement rare qu’on pourrait croire que c’est une blague de biologiste pour piéger les étudiants : “Cherche la glande de Zuckerkandl, elle est quelque part près de l’aorte… ou pas. Bonne chance.” En réalité, cette glande existe bel et bien, même si elle n’est pas invitée à toutes les fêtes anatomiques.

D’ailleurs, il faut déjà commencer par admettre qu’elle n’est pas une “glande” au sens classique du terme. Ce n’est pas une usine à hormones comme la thyroïde ou les surrénales, non. C’est une accumulation de cellules neuroendocrines, une sorte de petite base secrète du système nerveux sympathique. Elle ne produit pas d’amour, ni d’intelligence, mais de la noradrénaline, ce qui est quand même utile pour ne pas s’évanouir en regardant sa facture d’électricité.

Elle porte le nom d’Emil Zuckerkandl, un anatomiste austro-hongrois du 19e siècle, qui semble avoir passé un bon moment à fouiller dans les cadavres à la recherche de structures mystérieuses. Il faut lui reconnaître un certain flair pour repérer les choses que personne d’autre n’avait vues (ou voulues voir). Il découvre donc ce petit amas de cellules chromaffines, situées à côté de l’aorte abdominale. Pas de pancarte, pas de gyrophare, rien pour signaler sa présence. Juste un tas de cellules tranquillement en train de faire leur job de régulation du système vasculaire.

À la naissance, la glande de Zuckerkandl est plutôt bien développée. Elle a du volume, une mission claire et un enthousiasme juvénile. Elle produit de la noradrénaline, qui aide le corps du nourrisson à réguler sa tension artérielle, surtout pendant les moments critiques comme l’accouchement ou les premières heures de vie. Mais en vieillissant, elle commence à se dire que tout cela est peut-être trop de pression (sans mauvais jeu de mots). Alors elle régresse. Chez l’adulte, il ne reste souvent qu’un petit vestige, comme une vieille station-service abandonnée sur la route 66 du système nerveux.

Mais attention, même réduite à une version miniature de son moi passé, la glande de Zuckerkandl peut se rebeller. Et c’est là que ça devient un peu moins drôle. Parfois, elle décide de faire pousser une tumeur neuroendocrine — un paragangliome, pour les intimes. Ce genre de tumeur peut sécréter des catécholamines (adrénaline, noradrénaline) de manière anarchique, ce qui provoque tout un festival de symptômes : sueurs, palpitations, migraines, hypertension digne d’un tuyau d’arrosage bouché… Autrement dit, quand elle s’énerve, elle ne fait pas semblant.

Le plus fourbe, c’est que les paragangliomes de la glande de Zuckerkandl peuvent passer complètement inaperçus pendant des années. Ils sont souvent découverts par hasard, lors d’un scanner abdominal pour autre chose. “Oh, vous avez des calculs rénaux… et une tumeur rare digne d’un épisode de Dr House, au passage.” Merci, la médecine moderne.

Mais revenons à des choses plus joyeuses. Ce qui rend la glande de Zuckerkandl encore plus attachante, c’est qu’elle appartient à cette grande famille des organes vestigiaux : des structures qui ont un rôle crucial à un moment donné de la vie (souvent dans l’enfance), mais qui deviennent ensuite un peu redondantes. Un peu comme les VHS, les bottes de ski au sous-sol, ou ton compte MySpace. Elle est là, au cas où. Elle a fait son temps. Elle regarde les autres organes faire le show, elle applaudit poliment, mais elle ne demande plus rien. Une glande à la retraite, en somme.

En fin de compte, la glande de Zuckerkandl est un petit monument à l’humilité biologique. Elle nous rappelle que même les structures les plus obscures ont leur moment de gloire, leur raison d’être, leur heure de service avant de retourner à l’ombre. Et puis, elle a ce petit côté “club secret” que seuls les anatomistes et les passionnés du détail connaissent. Tu peux même t’en servir pour briller en société : “Ah oui, c’est fascinant les systèmes neuroendocriniens. Vous saviez que la glande de Zuckerkandl sécrète de la noradrénaline fœtale ? Non ? Moi oui.”

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