Roger-Luc Chayer
Pendant des années, on croyait avoir lentement repris le contrôle sur ce virus qui a réussi à tuer une proportion significative de la population. On parle de près de 30 % des personnes homosexuelles dans les pays occidentaux, y compris le Canada et le Québec, mais le virus ne semble pas avoir dit son dernier mot. Qu’est-ce qui explique cette remontée fulgurante des taux d’infection au Québec?
Dans le cadre des chroniques régulières du Dr Réjean Thomas, sommité mondiale sur la question et chroniqueur pour le Magazine Gay Globe, ce dernier nous explique régulièrement que plusieurs phénomènes peuvent expliquer le retour du VIH dans nos vies. Il y a évidemment le relâchement des mesures de protection et de prévention comme le port du condom, les tests de dépistage réguliers, l’augmentation de la consommation de drogues injectables. On sait tous ce qui se passe avec la crise du logement et l’itinérance dans nos villes, sans parler d’une sorte de fatigue face à la prévention. Les plus jeunes, qui n’ont pas connu les pires années du SIDA au Québec, avec ses milliers de décès sans le moindre espoir de guérison, se laissent aller au sexe « naturel » pensant qu’il existe un traitement curatif efficace. C’EST FAUX!
Bien que la recherche avance sur le front des traitements curatifs qui, actuellement, permettent une plus grande autonomie face aux médicaments, c’est sur le front de la prévention, avec un PrEP injectable de très longue durée, que les progrès sont les plus rapides. On peut actuellement injecter deux fois par an un médicament préventif qui est 100 % efficace. Fini les pilules, les effets secondaires gastro-intestinaux et le jugement des autres.
Alors, pourquoi ne pas systématiquement offrir ce traitement préventif à toutes les personnes susceptibles d’en bénéficier?
D’une part, du point de vue purement technique, il n’y a pas assez de médecins et de professionnels de la santé au Québec pour effectuer les tests, analyser les résultats positifs, entreprendre un plan de traitement et assurer le suivi approprié. Cela constitue déjà un frein à l’amélioration de la situation. Mais le plus grave reste le fait que, peu importe la catégorie de PrEP, elle n’est toujours pas couverte par la Régie de l’assurance maladie du Québec, contrairement aux autres traitements contre la gonorrhée, la syphilis ou la chlamydia, alors que ces ITSS sont considérées comme un risque pour la santé publique, au même titre que le VIH. Pourquoi cette discrimination dans la couverture médicale?
Il y a des patients dont les ressources financières sont très limitées, qui pourraient bénéficier de cette approche préventive, mais qui n’ont tout simplement pas l’argent pour payer la contribution de près de 100 $ que tous les Québécois doivent verser à la RAMQ chaque mois.
Ce ne sont pas des situations insurmontables. L’État, dans son rôle de gestionnaire de la santé publique, a la capacité de régler ces questions pour que le VIH ne soit plus qu’une nuisance plutôt qu’une épidémie. Entre capacité et volonté, c’est là que le fossé se creuse et, à la fin, tout est une question de sous…