SIDA : pourquoi certains séropositifs résistent au virus

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Une équipe française vient d’identifier le mécanisme naturellement utilisé par certains séropositifs pour stopper le développement du SIDA pendant plus de dix ans.

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Entre 0,5 et 1 % des personnes infectées par le VIH ne développent pas le SIDA : leur charge virale, c’est-à-dire le nombre de copies du virus dans leur sang, reste très faible pendant plus de dix ans et elles ne développent aucun symptôme. Elles seraient capables de contrôler spontanément l’infection du VIH dans leur corps.

Comment y parviennent-elles ? La réponse à cette question est primordiale pour mettre au point un vaccin, selon l’Agence Nationale de Recherche sur le SIDA (ANRS). Or des chercheurs français viennent d’apporter des éléments de réponse dans la revue Plos One.

Des lymphocytes originaux

CELLULES. « De précédents travaux ont montré que la capacité des personnes à contrôler le VIH est due à une catégorie de cellules appelées lymphocytes T CD8 (ndlr : lymphocytes T cytotoxiques) à forte fonctionnalité. Ils éliminent très efficacement les cellules infectées et limitent la prolifération des virus », explique Stéphane Hua, co-auteur des travaux.

Les chercheurs ont ainsi tenté de comprendre pourquoi ces lymphocytes sont plus efficaces chez certains séropositifs seulement. Pour y parvenir, ils ont comparé les lymphocytes T CD8 de patients qui contrôlent la propagation du virus et de patients traités par trithérapie.

La réponse se trouve sur la membrane des lymphocytes T CD8 : les individus qui arrivent à contrôler le VIH ont des lymphocytes présentant des marqueurs HLA-DR, mais pas de marqueurs CD38, contrairement aux autres séropositifs qui présentent ces deux types de marqueurs.

MARQUEURS. Or les marqueurs sont impliqués dans la reconnaissance des antigènes, les molécules étrangères à l’organisme capables de déclencher une réponse immunitaire. Lorsqu’un antigène (le VIH par exemple) entre en contact avec le marqueur d’un lymphocyte, ce dernier s’active.

« L’activation est une étape nécessaire pour qu’un lymphocyte soit en mesure d’éliminer un agent pathogène reconnu, décrit Stéphane Hua. Lors d’une infection par un virus, les lymphocytes sont activés, éliminent le virus, puis reviennent à un état quiescent. Chez les personnes infectées par le VIH, cette activation est très forte, mais elle ne permet pas d’éliminer le virus et elle persiste dans le temps. »

Chez ceux qui arrivent à contrôler l’infection, l’activation d’un lymphocyte est plus modérée, ce qui paradoxalement, est plus efficace pour survivre, se multiplier et tuer les cellules infectées.

Une origine génétique

DOSE. Selon les chercheurs, cette modération de l’activation vient du fait que la population de lymphocytes qui expriment seulement HLA-DR est déclenchée par une faible dose de virus. Une trop forte dose induit directement la formation de lymphocytes exprimant à la fois CD38 et HLA-DR, qui sont rapidement dépassés par l’infection. C’est probablement ce qui se passe chez les malades du SIDA.

A ce stade, une question cruciale demeure : pourquoi certains séropositifs sont d’emblée exposés à une plus faible dose de virus que les autres, permettant l’apparition de lymphocytes particuliers ? Pour les auteurs de l’étude, certains séropositifs possèdent une variante d’un gène qui leur permet de détecter des doses très faibles de virus. « Cela pourrait expliquer le déclenchement d’une meilleure réponse d’emblée, avec une baisse très rapide de la charge virale et un bon contrôle à long terme », explique Stéphane Hua. D’autres études seront nécessaires pour confirmer cette hypothèse.

TRITHÉRAPIE. Ces travaux suggèrent donc qu’une charge virale minimale serait nécessaire pour obtenir des lymphocytes exprimant seulement HLA-DR et redynamiser le système immunitaire. Or chez les personnes traitées par trithérapie et dont la charge virale est devenue très faible, les lymphocytes n’expriment plus aucun de ces marqueurs, ni CD38, ni HLA-DR.

Il faudrait donc changer la trithérapie, mais comme l’indique l’INSERM sur son site web, « imaginer de faire remonter la charge virale de patients chez lesquels la trithérapie est efficace n’est pas envisageable sur le plan éthique. »