1995- Le Bad Boy Club Montréal La folie des grandeurs

Depuis maintenant près de 8 mois, RG procède à une enquête de fonds sur les activités du Bad Boy Club Montréal (BBCM), présidé par monsieur Robert VEZINA et nous publions aujourd’hui, en exclusivité, les résultats de nos recherches. D’abord, le BBCM est un organisme sans but lucratif (OSBL) voué à l’organisation de méga partys afin d’en verser les profits nets aux malades du SIDA. Récemment incorporé, la charte indiquait clairement le mot SIDA comme seul mandat. Quand on gère un OSBL qui ne vit que des commandites, des dons et de la vente de billets pour les danses, on doit exercer une gestion rigoureuse car dans ce cas-ci, le BBCM agit à titre de gestionnaire de l’argent des sidéens. Il doit tenir une comptabilité impeccable, produire un rapport annuel vérifié des états financiers, assurer un contrôle parfait des dépenses et rendre des compte de façon transparente au public qui lui confie des sommes d’argent importantes.

A la suite de notre enquête et grâce à la collaboration de nombreux spécialistes en comptabilité et en droit, il apparaît que le BBCM est loin d’être adéquat dans sa gestion et une question se pose maintenant à la population: Devons-nous continuer à financer un tel organisme?

UN RATIO INACCEPTABLE

Notre attention a été attirée dès le début par le ratio présenté dans les états financiers. Le ratio est ce calcul qui permet d’établir le pourcentage de chaque dollar utilisé pour l’administration interne et ce qui restera pour les sidéens. Le pourcentage obtenu représente donc ce qui est utilisé par l’organisme pour ses dépenses, le reste allant à la cause. Il y a deux modèles actuellement reconnus au Québec: Le ratio gouvernemental qui est de l’ordre de 50% et celui des organismes communautaires en général qui lui, est d’environ 25%. On a donc comparé les ratios de Centraide (22%), ceux de la Fondation Joel Grégory (10%), de Miels-Québec (25%) avec ceux du BBCM (72%) et les conclusions sont alarmantes. Pour chaque dollar reçu pour le SIDA, BBCM dépense 72 cents pour ses propres affaires. Il reste à peine 28 cents pour les malades. Cette performance est jugée par la référence en la matière soit Centraide, comme inacceptable et devrait être dénoncée. Chez BBCM, on expliquera un tel résultat par le fait que produire des « gros shows », ça coûte beaucoup d’argent!

DES DEPENSES FRIVOLES

Oui, on en dépense de l’argent au Bad Boy Club Montréal et même si les sommes investies sont généralement accompagnées de reçus officiels, il faut se questionner sur la pertinence de ces dépenses. Quelques exemples: Pour une seule soirée, à la danse Black and Blue 1994, on aura payé 34,068$ pour l’éclairage et le système de son. Pour le même événement, on aura payé un loyer de 19,551$ (location de la salle pour un soir), des frais de promotion de 27,853$ et on se sera payé des frais d’administration de près de 40,000$. N’oublions pas que l’organisme est entièrement bénévole, il y a lieu de se questionner sur la véritable utilisation des sommes dépensées.

DES ETATS FINANCIERS NON CONFORMES

Pour pouvoir arriver à de telles conclusions, RG s’est servi des états financiers fournis par le BBCM. Afin d’en savoir plus long sur le document, nous avons demandé l’aide d’un expert-comptable, dûment reconnu par la Corporation des Comptables Agréés du Québec et voici les conclusions tirées par le spécialiste: <<…Les états financiers du BBCM sont très incomplets. Si ces pages sont les seules qui viennent du BBCM, il devient clair que la direction veut limiter l’information. Les pages reçues sont des extraits d’états financiers qui laissent voir quelques faiblesses. Si l’expert comptable du BBCM, monsieur Howard WARNER, laisse croire que les états financiers qu’il signe sous son nom sont vérifiés alors qu’il ne le sont pas, il s’expose à des accusations de tenter d’induire le public en erreur. De plus, s’il est comptable agréé il s’expose à subir des restrictions quant à son droit de pratique…>>

La firme engagée par le BBCM est la Warner, Williams & Associés. Le comptable WARNER signe le rapport de vérification daté du 28 juin 1995 et nous assure que tout est conforme. RG a découvert que la firme en question n’était même pas inscrite à l’Ordre des Comptables du Québec et que le comptable lui, y était inscrit comme NON PRATICIEN. D’après notre expert, le comptable n’est pas habileté à signer un rapport puisque comme NON PRATICIEN, il n’est pas soumis aux examens de contrôle de l’Ordre et qu’il n’est pas détenteur d’une assurance responsabilité professionnelle. <<…LA FIRME WARNER, WILLIAMS & ASSOCIÉS N’EST PAS ENREGISTRÉE AUPRES DE L’ORDRE DES COMPTABLES AGRÉÉS. LES ÉTATS FINANCIERS QUI NOUS CONCERNENT, LAISSANT CROIRE QU’ILS SONT VERIFIES PAR UN PROFESSIONNEL HABILETE A LE FAIRE, SONT EN CONSEQUENCE FORT DISCUTABLES, ET N’ONT PAS PLUS DE VALEUR QUE N’IMPORTE QUEL RAPPORT PRODUIT PAR UN MEMBRE DE LA DIRECTION…>>

Notre expert poursuit:<<… La présentation générale ne respecte pas les standards de l’Institut Canadien des Comptables Agréés (ICCA).Les auteurs des états financiers confondent entre SUBVENTION, CONTRIBUTION, COMMANDITES et DONS. Le terme Subvention n’est utilisable que pour qualifier des sommes versées par le gouvernement. Tout ce qui vient d’une autre source ne peut être qualifié de SUBVENTIONS et ce, depuis 1971. Le BBCM utilise ce terme erroné pour parler des sommes reçues par les entreprises et les commerces. Le public pourrait être confondu.

UN COMPTABLE NON PRATICIEN

Dans le cas du comptable WARNER, les erreurs sont considérées comme graves par l’Ordre des Comptables. Commençons par son rapport signé sur un papier avec son en-tête mais accompagné des états financiers sur du papier identifié à la firme Warner, Williams & Associés. Cette société n’étant pas inscrite officiellement à l’Ordre, elle ne peut produire un rapport officiel. Lors d’une éventuelle vérification de Revenu Québec, les états financiers ne seraient pas validés. Le public est encore une fois berné.

DES IRREGULARITES SUR LES FACTURES

Lors de l’étude des documents du BBCM, RG a noté la présence d’une quantité importante de factures non officielles. Plusieurs de ces documents étaient rédigés sur du papier à en-têtes d’un organisme inconnu ou simplement sur du papier blanc. A plusieurs reprises, aucune taxes n’étaient réclamées. Il y a pourtant un principe de base important chez les gouvernements quand vient le temps de subventionner un organisme communautaire; Ce qui est donné d’une main doit pouvoir être récupéré de l’autre par le respect des taxes. Si le gouvernement verse 3000$, il s’attend à ce que l’organisme paie ses taxes. Dans le cas du BBCM, un nombre important de factures ne sont pas taxées et le président VEZINA admet qu’il voulait sauver des frais:<<… De toute façon à cette époque, le Bad Boy Club Montréal n’était pas incorporé et je ne savais pas qu’il fallait payer les taxes…>> VEZINA aurait du savoir que l’incorporation ne libère pas l’organisme du paiement des taxes. Toutes les sommes recues avant l’incorporation sont considérées comme un revenu de monsieur VEZINA et actuellement, il n’aurait payé aucun impot et serait considéré par Revenu Québec comme délinquant. Ajoutons qu’au soutien de ce dossier, le Gouvernement fédéral vient de refuser pour la seconde fois le statut d’organisme de charité au BBCM. Question de gestion!

DES LIENS ILLEGAUX AVEC SIDA BENEVOLES MTL-ACCM

Tout au long de cette enquête, on a remarqué de nombreux liens entre le BBCM et l’organisme AIDS COMMUNITY CARE MONTREAL (ACCM) ou SIDA BENEVOLES MONTREAL. Robert VEZINA, président du BBCM est vite à nous informer qu’il n’y a aucun conflit d’intérêt entre les deux organismes et que la population peut dormir en paix. Pourtant, la réalité est flagrante. Le président de l’ACCM-SIDA BENEVOLES MONTREAL, monsieur Lynn PERKINS est depuis de nombreuses années à la direction du BBCM et siège dans les conseils d’administration des deux organismes. Il serait même un membre fondateur des deux organismes d’après une récente entrevue dans Fugues (août 1995). De plus, RG a découvert que le BBCM se servait de chèques à l’en-tête des deux organismes, ACCM/Bad Boy Club Montréal. Le signataire non autorisé de ces chèques était Robert VEZINA. Quand on a deux fondations avec deux conseils d’administration distincts à deux adresses différentes mais avec un seul compte conjoint, ça devient du conflit d’intérêt incestueux. Enfin, notons que l’ACCM a versée au BBCM en 1993 un total de 7500$ en commandites. La charte de l’ACCM est pourtant éloquente à ce sujet, l’organisme existe pour les sidéens et non pour financer les partys du Bad Boy Club Montréal!

UNE RESOLUTION TROMPEUSE

Toujours dans le but de mieux paraître dans l’opinion publique, le BBCM se votait dernièrement une résolution enlevant le droit de vote de monsieur PERKINS (président de l’ACCM!!!) pour « les décisions concernant les contributions de la Fondation BBCM à des groupes d’aide directe aux personnes atteintes du SIDA à Montréal ». On voulait, par cette résolution, donner l’impression que monsieur PERKINS ne pouvait se verser de l’argent d’une fondation à l’autre puisqu’il siège aux deux. Quelques vérifications à l’Inspecteur Général des Institutions Financières du Gouvernement du Québec et la vérité apparaît: L’adresse officielle d’incorporation de l’ACCM n’est pas à Montréal mais bien à Saint-Louis de Gonzague, comté de Beauharnois. La résolution ne s’applique donc pas à monsieur PERKINS ni à l’ACCM et rien n’empêche les détournements si apréhendés. Il faut aussi noter que malgré la résolution, Robert VEZINA du BBCM admet qu’avant, il y avait toujours risque de conflit d’intérêt sans toutefois nous dire si cela s’est produit.

DES DECLARATIONS PUBLIQUES EXAGEREES

Le Bad Boy Club MONTREAL est un spécialiste des relations publiques et ne se gêne pas pour envoyer des communiqués agressifs de plusieurs pages. On y parle continuellement des grandes réussites du BBCM, du succès des danses (même s’ils admettent le fiasco de plusieurs d’entre elles) et de leurs dons aux sidéens. A la lecture d’un de ces communiqué, on prend connaissance de l’affirmation suivante: <<… Les médias américains nous aident beaucoup en nous offrant des pages entières gratuites pour annoncer nos événements…>>. RG est en possession de nombreuses factures de médias américains prouvant le contraire. C’est par milliers de dollars et pratiquement toujours en devises américaines que les médias facturent au BBCM ces « pleines pages ».

DES ECLABOUSSURES EMBETANTES

Quand on prend connaissance de la gestion financière du BBCM et de ses dépenses frivoles, on ne peut s’empêcher de penser aux commanditaires qui se voient éclaboussés par ce scandale. Le Traiteur Pankalla, Boléro, Rave, 456, Masculigne, Merk Frost, Hoffman Laroche, Adria Labs, Burroughs Wellcome, le Ministère du Tourisme du Québec, Bell Canada, Phyllis Lambert, la Track et de nombreux autres voient leurs sommes versées pour aider les sidéens dépensées par un groupe de gais qui se foutent bien de ce qui restera aux malades. Tous les commanditaires qui souhaitent aider la cause du SIDA ont le droit d’exiger des explications sur ces écarts financiers qui nuisent à la crédibilité de leurs entreprises. En s’associant ainsi à une organisation qui gère mal les fonds et qui n’a aucun contrôle sur les idées de grandeur de ses dirigeants, les commanditaires peuvent s’attendre à recevoir la visite des inspecteurs du revenu qui voudront sûrement connaître la filière complète du BBCM.

CONCLUSIONS

Le Bad Boy Club Montréal, de par sa gestion à la limite de la légalité cause un précédent important dans la communauté. Les commanditaires, les donateurs et les partenaires se voient impliqués, bien malgré eux dans une vaste dilapidation des fonds réservés aux sidéens. Robert VEZINA admettait récemment en entrevue qu’il se passait effectivement des choses inacceptables dans son organisme et qu’il allait essayer d’améliorer les performances du BBCM dans les années à venir. De toute évidence, VEZINA est loin de réaliser l’impact de ce scandale sur l’avenir de toutes les associations et les fondations s’occupant des malades du SIDA. Tous les intervenants dans ce dossier souhaitent mettre un terme à une telle dilapidation. Les ministères du revenu des gouvernements canadien et québécois aimeraient bien mettre la main sur les taxes impayées du BBCM. On nous a d’ailleurs confirmé que les subventions seraient suspendues pour une durée indéterminée. L’Ordre des Comptables Agréés du Québec n’attend qu’une seule plainte contre le comptable du BBCM pour ouvrir une enquête. N’importe quel sidéen pourrait actuellement intenter un recours collectif contre le BBCM pour avoir dépensé de façon négligeante des sommes qui leurs étaient destinées. N’oublions pas que les gouvernement peuvent retourner jusqu’à 5 ans en arrière pour examiner les comptes et rapports d’impôt de l’organisme et des donateurs qui risquent de se faire désavouer les déductions demandées pour les sommes versées au BBCM. Le Bad Boy Club Montréal nous affirme que bien que les faits énoncées dans cet article soient véridiques, tout est le fruit de quelques erreurs. En effet, l’erreur est de laisser un tel organisme exister et se nourrir de la misère des sidéens.

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