Roger-Luc Chayer
On dit toujours que les gais sont forts quand vient le temps de lancer
des modes ou de rendre «trendy» certaines marques de produits
de consommation. Alors pourquoi ne pas lancer une mode
«santé», mettre à la page de nouveaux comportements visant à se
protéger et à protéger les autres de certaines conditions de santé
très fréquentes chez les hommes gais?
Le temps est venu d’en parler, car avec l’avènement de maladies
transmissibles très agressives, il faut peut-être commencer à réfléchir
à la responsabilisation. Prenons par exemple le cas de la
gonorrhée, une maladie sexuellement transmissible autrefois banale
depuis la découverte des antibiotiques. Or, depuis quelques
années et depuis 2017 au Québec, il existe une variante de la
gono qui résiste à tous les traitements connus.
Selon l’Institut national de santé publique du Québec, sur les 1033
souches testées en 2015 par le Laboratoire de santé publique de
la province, près de 50% présentaient une résistance à au moins
un antibiotique. La résistance à l’azithromycine est aussi passée
de 1,2% en 2010 à 12,4% en 2015. Et, fait nouveau, deux cas
de résistance à la céfixine ont été enregistrés en 2015, ces deux
médicaments étant jusqu’ici les plus efficaces. La gono résistante
et intraitable peut causer de graves problèmes de santé comme
une augmentation du risque de contraction du VIH, la stérilité et
des infections graves des testicules.
La tragédie dans tout ça, c’est que les hommes gais sont encore et
toujours réticents à se protéger à tous les niveaux, même pour le
sexe oral. Quand on demande à des hommes qui ont des relations
avec des partenaires multiples s’ils utilisent le condom, même pour
le sexe oral, 100% répondent qu’ils ne le font pas, de peur de passer
pour paranoïaques ou maniaques devant le partenaire. Même
si la plupart des hommes interrogés disent qu’ils n’auraient aucune
réticence à utiliser des condoms sans lubrifiant en latex ou en polymères
(qui ne goûtent rien) pour le sexe oral, ils ajoutent être
gênés de le demander, mais accepteraient si on leur demandait.
Il faut pourtant se mettre dans la tête qu’il n’existe aucun vaccin
contre la gono, la syphilis ou la chlamydia, pas plus qu’il n’existe
de PrEP contre aucune autre maladie que le VIH! Si le taux d’infections
au sein des hommes gais au Québec est toujours plus élevé
que chez les hétéros, pour toutes les ITS (infections transmises
sexuellement), c’est parce que nous sommes collectivement le
vecteur, le moyen actif de transmission de ces maladies.
Alors pourquoi ne pas lancer une nouvelle mode? Pourquoi ne pas
changer totalement notre façon de penser en offrant aux partenaires
une protection continue, peu importe l’acte sexuel? Si le mec
refuse de porter un condom pendant la relation orale, out! C’est
pas cool de transmettre n’importe quoi… Redonnons au condom
son côté cool et festif! Plutôt que de le considérer comme une barrière
qui nuit au plaisir, considérons-le comme un jouet, un outil qui
peut devenir très agréable en fait. Le condom n’est pas condamné
à être un morceau de latex qui sent fort et qui goûte mauvais. Il
existe des dizaines de sortes de condoms, des variantes de textures,
de saveurs, de couleurs et de grosseur qu’il est important de
découvrir, de même que des lubrifiants qui sont de vrais desserts!
Allez go, «jamais sans ma capote» ou rien! C’est lancé…