Amnesty International. Pourquoi les homosexuels quittent le Bangladesh

courrierinternational.com

 

La communauté LGBT reste traumatisée par le meurtre du fondateur du magazine Roopbaan et de son compagnon, en avril 2016, à Dacca. Un an plus tôt, c’est l’auteur bengali d’un livre sur l’homosexualité qui avait été assassiné.

Il ne fait vraiment pas bon être homosexuel au Bangladesh. En mai 2017,le quotidien New Age a fait état d’une trentaine de “jeunes suspects” arrêtés dans un centre associatif de la capitale, Dacca. C’est le bataillon d’action rapide qui est intervenu, un corps d’élite spécialisé dans la lutte contre la criminalité et le terrorisme. Âgés de 18 à 30 ans, les jeunes “étaient en train de consommer des drogues et, après interrogatoire, ils ont avoué être homosexuels”,a déclaré l’officier qui a mené l’opération. Les personnes interpellées n’ont été poursuivies que pour consommation de stupéfiants, “car elles n’étaient pas en train de pratiquer des actes homosexuels” lorsque les forces de l’ordre sont arrivées, précisait New Age, rappelant que l’homosexualité est interdite en vertu d’une loi datant de l’empire des Indes britanniques.

La communauté LGBT est en réalité poussée à fuir le pays, depuis qu’un couple d’hommes a été assassiné à son domicile en avril 2016, à Dacca. Ce drame a été raconté par le menu le 10 octobre 2017, sur le site américain The Daily Beast, par un proche des victimes qui a été témoin de la scène. Les faits ont été revendiqués par des islamistes proches d’Al-Qaida. “Ils étaient six et ont frappé à mort Xulhaz Mannan, fondateur de Roopbaan, le seul magazine LGBT du Bangladesh, et son ami, Mahbub Rabbi Tonoy”, rapporte Ali Asgar, qui est parti vivre aux États-Unis, où il a demandé l’asile. En attendant, il participe à l’animation du portail Artist at Risk Connection (ARC), un outil “qui fédère plus de 500 organisations d’aide aux artistes victimes d’oppression, de persécution, d’arrestation et de violence en raison de leur travail de création”.

“Une capitulation face aux extrémistes islamistes”

Pour Shakhawat Hossain Rajeeb, membre de Boys of Bangladesh, la plus ancienne association gay du pays, la répression actuelle est “une forme de capitulation face aux extrémistes islamistes”Dans une tribune publiée par le site d’information indienScroll, ce militant fait remarquer qu’au lendemain des arrestations de mai 2017 le fameux bataillon d’action rapide s’est empressé de publier sur les réseaux sociaux le portrait des homosexuels présumés, “comme s’il voulait expédier leur procès, déçu de ne pas les avoir surpris en pleine orgie”.

Et de s’interroger : “Comment les forces de l’ordre et les médias professionnels ont-ils pu compromettre de la sorte la sécurité de ces jeunes hommes ?” La réponse est à chercher du côté de “la montée du radicalisme religieux, dans un climat de tyrannie politique croissante” qui a valu à Avijit Roy, auteur d’un livre sur l’homosexualité rédigé en bengali, d’être assassiné en 2015, rappelle Shakhawat Hossain Rajeeb.

L’an dernier, le journal bangladais The Independent a publié un appel lancé par l’ONG américaine Human Rights Watch pour “mettre fin aux arrestations arbitraires de masse”. En juin 2016, les forces de l’ordre avaient en effet interpellé 11 000 personnes, dont de nombreux membres de l’opposition au gouvernement actuel, en utilisant l’alibi des assassinats d’homosexuels et de différents blogueurs laïcs ou athées.

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