APRÈS LES NAZIS, L’ITALIE!!!

Par: Ariel F. Dumont / Le Quotidien du Médecin

Lucy est peut-être la seule survivante des « triangles roses », le symbole cousu sur les uniformes à rayures des homosexuels enfermés dans les camps de la mort par la fureur nazie. Mais après avoir survécu aux tortures et aux privations, Lucy, ou plutôt Luciano Salani, est aujourd’hui victime de la bureaucratie italienne.

Âgée de 94 ans, ce transsexuel qui vit à Bologne, a besoin d’une assistance quotidienne en raison de son grand âge et de sa santé délicate même « si elle est globalement plutôt en bonne santé », confie Porpora Marcasciano, présidente du Mit, le Mouvement des transsexuels italiens. Mais le cas de Lucy pose un problème à l’administration italienne car si Luciano Salani a changé de sexe après la Libération, en revanche, rien n’a été fait sur sa carte d’identité. «Officiellement, Lucy est toujours un homme, elle ne peut pas être placée avec les hommes car elle ne pourrait pas utiliser les mêmes sanitaires et la situation est identique en ce qui concerne les structures réservées aux femmes. C’est paradoxal, à son âge, ce détail ne devrait avoir aucune importance, l’administration italienne est parfois très complexe…», déplore le Dr Marco Macrì.

Luciano Salani est né dans le Piémont en 1924. Ses parents et ses frères refusent son homosexualité et la vie de famille devient compliquée. Lorsque l’Italie entre en guerre, le jeune homme est recruté pour défendre la patrie et les valeurs fascistes du régime mussolinien. Il déserte, est rattrapé et enfermé dans un camp de concentration dont il réussit à s’échapper. Dénoncé comme déserteur et homosexuel, Luciano Salani est à nouveau repris et déporté. Cette fois-ci à Dachau. Il survivra aux privations, aux tortures, aux sélections. Après la Libération, le jeune homme part pour Londres, change de sexe et revient en Italie pour s’installer à Bologne.

Les années passent et Lucy, qui n’a plus de famille, doit affronter la vieillesse et les maux de l’âge, seule et isolée. « En Italie, il n’y a pas de structures spécialisées pour les transsexuels, pas de maison de santé comme pour toutes les personnes âgées. Tout se joue sur la base de l’état civil des personnes et comme officiellement, Lucy n’appartient à aucun des deux genres, ni masculin ni féminin, sa situation est bloquée », explique Cathy La Torre, avocate du Mit. Pour la sécurité sociale italienne, Lucy est aujourd’hui cantonnée dans les limbes. Alors que faire pour modifier sa situation et lui offrir un suivi quotidien ? « Il faudrait ouvrir des structures spécialisées, c’est d’ailleurs ce que nous essayons de faire, nous avons trouvé des fonds mais personne ne veut nous louer de locaux », déplore Cathy La Torre.

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