ASSEZ AVEC CETTE «FAKE NEWS»: La disparition des abeilles

Roger-Luc Chayer

Des fausses nouvelles, il en pleut à profusion sur Internet grâce à des outils qui facilitent leur dissémination, mais aussi à cause de personnes qui, parfois de bonne foi ou avec de mauvaises intentions, partagent ce qui les touche ou ce qui peut aider leurs opinions à se propager dans la société.

Une de ces nouvelles tout à fait surprenante, qui circule depuis quelques années, mais qui a été propulsée à nouveau au premier rang par le journaliste français David Louvet-Rossi, rédacteur scientifique au Sciencepost.fr titre: «Les abeilles officiellement reconnues comme espèce en voie de disparition». Voilà de quoi étonner, surprendre à tout le moins et même choquer!

Évidemment, le premier réflexe des environnementalistes et des personnes qui respectent la nature est de partager la nouvelle le plus possible pour alerter leurs amis et surtout, pour susciter dans l’opinion publique un vent de panique à l’idée que la principale espèce d’insectes pollinisateurs pourrait disparaître de la planète, faisant disparaître du coup tous les arbres, les fleurs, les fruits et légumes qui sont le résultat de la pollinisation des abeilles. Le journaliste va jusqu’à citer la sérieuse United States Fish and Wildlife Service, le ministère de la faune des États-Unis, qui aurait «récemment officiellement classé les abeilles comme espèce en voie de disparition, renforçant ainsi la menace qui plane sur tout le cycle de la vie, humanité comprise.» Évidemment, présenté comme ça, on ne peut pas rester sans rien dire et surtout ne pas réagir contre toutes ces méchantes compagnies de produits chimiques, ces odieux cultivateurs et tous les gouvernements qui autorisent et utilisent des produits qui contamineraient la reproduction des abeilles.

Un seul hic, la nouvelle est fausse! Devant l’immensité de cette annonce, j’ai aiguisé mes vieux réflexes de journaliste d’enquête pour aller au fond de la question.

Tout d’abord, il faut vérifier depuis combien de temps cette fausse nouvelle circule. En entrant simplement les termes «bees hoax» (abeilles rumeur) sur Google, on obtient des résultats très intéressants. La page du très sérieux American Council on Science and Health (acsh.org) offre un dossier «L’apocalypse des abeilles n’a

jamais été réelle, voici pourquoi», qui explique avec des faits scientifiques et démontrés, pourquoi cette rumeur persiste à circuler, souvent grâce à de mauvais journalistes qui ne vérifient pas leurs infos avant de les publier. L’organisation, grâce à des recherches et des études statistiques menées depuis 1995, montre, tableaux à l’appui, que non seulement les colonies d’abeilles pollinisatrices ne diminuent pas ou ne seraient pas en voie d’extinction, mais qu’elles augmentent, surtout depuis 2015. En 1995 il y avait aux États-Unis 2,648,000 colonies alors qu’en 2017, il y en avait 2,669,000. Nous sommes loin d’une extinction! Au Canada, pendant la même période, elles sont même passées de 515,000 à 715,000!

Google fait aussi référence de 4,480,000 occurrences de nouvelles portant sur l’extinction des abeilles, une vraie peste qu’il faut contrôler. La plupart des sites scientifiques gouvernementaux ou universitaires répondent d’ailleurs avec de nombreuses recherches factuelles à cette fausse nouvelle. Une de ces fausses nouvelles, les plus persistantes, est celle concernant la mort de 37 millions d’abeilles retrouvées dans un champ de maïs en Ontario. Après avoir été confronté à ses affirmations, le site militant environnemental Organic Health a admis n’avoir aucune source qui pourrait corroborer la publication de son article.

Enfin, je me devais de vérifier sur le site de la Fish and Wildlife Service si une telle déclaration avait été faite et en entrant le mot «bees» sur le moteur de recherches des espèces en danger, il n’est sorti que deux résultats portant sur le statut de deux mammifères. La seule mention du site gouvernemental portant sur les abeilles publie des conseils pour améliorer la pollinisation et la prolifération des abeilles, aucune mention d’extinction.

Conclusion? Les personnes comme les journalistes mal informés qui disséminent de fausses nouvelles basées sur leurs peurs ou leurs opinions personnelles n’aident en rien à la vraie nouvelle qui, elle, doit concurrencer avec les «fake news» de toutes sortes. Récemment, Google, Facebook et Twitter ont mis en place des moyens permettant de limiter le partage de ces fausses nouvelles. Un conseil, quand ça semble trop grave et impensable, c’est que justement, ça l’est! Les abeilles vont très bien en passant…