COVID et prostitution 
masculine

Roger-Luc Chayer

La COVID est venue bouleverser l’ensemble de notre société, et les gouvernements ont vite fait pour non seulement contrôler sa propagation, mais pour agir dans tous les aspects de notre quotidien. L’économie se devait d’être stabilisée, le système de santé devait être sauvé et c’est ainsi que par une multitude de programmes gouvernementaux et privés, on a été en mesure d’aider les Canadiens à patienter, le temps que les choses se stabilisent. Le programme qui aura été le plus utilisé par les Canadiens aura été la PCU (Prestation Canadienne d’Urgence) qui donnait, sur simple demande sans formalités exagérées, 2000$ par mois pour une durée de 6 mois aux personnes qui ne pouvaient plus travailler à cause de la COVID. Huit millions de canadiens se sont prévalus de la PCU. Un nombre toutefois important de personnes n’a pu bénéficier de cette aide, car leur profession les obligeait à rester dans l’ombre tant fiscalement que socialement et la prostitution masculine est une de celles-là. Le Magazine Gay Globe a réussi à contacter deux jeunes hommes qui font ce métier pour savoir comment ils se sont débrouillés pour survivre, mais surtout comment ils ont fait pour éviter de contracter la maladie et la transmettre potentiellement à leurs clients. Mario et Dino (prénoms fictifs pour conserver leur anonymat) ont accepté de répondre à nos questions.

Dino a 21 ans. Il est très grand, mince et il se présente comme un jeune athlète en natation qui aime bien la présence et l’affection des hommes plus matures. Son principal outil de travail est un site Web de prostitution, mais il ne dédaigne pas faire quelques incursions sur Gay411 ou Grindr lors des journées plus calmes. Pour lui, la déclaration d’urgence sanitaire a été une catastrophe financière puisqu’il habite seul dans un studio relativement luxueux. « Je fais ce métier depuis environ 3 ans et vu que l’argent rentrait facilement, de façon toujours régulière, je ne me sentais pas l’obligation de faire mes impôts rien que pour recevoir 400$ de TPS par année ou 900$ d’impôt solidarité quand je pouvais faire ce même argent en 4 jours », nous explique le jeune homme de belle présentation. Sauf que voilà, pas d’impôts = pas de PCU! Parce qu’il aurait pu à n’importe quel moment faire ses impôts comme travailleur autonome, récolter les aides sociales comme tout le monde parce que la prostitution est légale au Canada, mais il ne le savait pas. Dino s’est retrouvé à devoir trouver des clients alors que les rencontres étaient interdites et spécialement celles liées à la prostitution. Plutôt que de se retrouver à la rue vu le manque criant de clients, il a décidé de retourner chez ses parents à Rimouski pour aider son père avec sa petite entreprise de nettoyage domestique. Il ne sait pas s’il reprendra du service dans le plus vieux métier du monde…

Mario, lui, a vécu une situation similaire avec le manque criant de clients. 25 ans, corps bien découpé, mais avouant un problème de drogues, il a perdu au fil des années ses contacts familiaux et même le peu d’amis qu’il avait. « Du jour au lendemain, plus personne ne me téléphonait, même sur les sites Web de prostitution, il y avait parfois 1 ou 2 annonces par jour alors qu’avant c’était 50 à 100! », nous raconte le travailleur de rue. N’ayant aucune ressource financière et n’ayant pas droit lui non plus à la PCU, il ne connaissait même pas son numéro d’assurance sociale, il a été forcé de baisser ses critères face à sa clientèle. Il rencontrait dans des parcs des hommes souvent très âgés et malpropres, il arrivait à se faire un 30$ maximum pour un 20 minutes de sexe non sécuritaire et ne savait absolument pas comment se protéger de la COVID, cétait loin d’être sa priorité. Il dormait le plus souvent dans les ruelles du Village et encore aujourd’hui, il n’arrive pas à se faire 200$ par semaine, même pas de quoi payer sa drogue! Le Village est rempli de jeunes prostitués dans la misère la plus totale à cause de la COVID. Si on ne souhaite pas se retrouver avec une criminalité opportuniste, il faudrait songer à une aide de type « aide sociale » pour leur permettre au moins de se trouver un hébergement. Dans les deux cas, la prévention de la COVID n’a pas été importante et il faut aussi se demander combien de victimes ont contracté le virus!