Et si le Canada tournait le dos aux États-Unis pour rejoindre l’Union Européenne ?

Drapeau Canada UE

Roger-Luc Chayer (Image: IA / Gay Globe)

Suite à la vague d’annonces du président des États-Unis, Donald Trump, concernant des centaines de décisions et d’ordonnances, dont plusieurs s’appliquent au Canada, voilà que la question de l’adhésion du Canada à l’Union européenne refait surface, surtout au lendemain de l’annonce des tarifs internationaux de 25 % sur l’acier et l’aluminium.

Le Canada fournit environ 20 % de l’acier consommé aux États-Unis, alors que c’est environ 45 % de l’aluminium canadien qui est vendu aux Américains. Les enjeux économiques sont importants, et ce qui inquiète le plus les Canadiens, il faut se l’avouer, est la propension du président à se comporter comme certains dictateurs du passé en affirmant à haute voix que son but ultime est de briser l’économie du Canada pour forcer la plus grande monarchie constitutionnelle au monde et entrer dans la république américaine comme 51e État. Ce qui ne suit aucune logique, puisque si c’était le cas, le Canada, étant traditionnellement démocrate politiquement et socialement, contrôlerait le Congrès et la Maison-Blanche pour des décennies.

Existe-t-il des discussions sur l’adhésion du Canada à l’Union européenne ?

Plusieurs intervenants du monde de la finance, au Canada et en Europe, ouvrent la voie à une telle adhésion. Même si les politiciens et les gouvernements des nations n’évoquent pas ce projet ouvertement, il est clair que le sujet a pu être soulevé en privé lors de rencontres entre le Canada et les représentants des pays membres de l’Union européenne. Il serait d’ailleurs salvateur d’avoir de telles discussions, sachant que le président Trump est très instable et qu’il ne respecte jamais ses ententes.

Est-ce que le critère géographique serait respecté ?

L’un des critères de base pour qu’un pays puisse adhérer à l’Union européenne est la contiguïté des nations. Cela signifie que les pays doivent être contigus, autrement dit, avoir une frontière physique avec l’Europe pour pouvoir envisager de devenir membres de l’Union. Actuellement, tous les pays membres ont une frontière qui touche l’Europe ; même Chypre et Malte partagent des frontières maritimes avec le continent. Comment le Canada, qui se trouve en Amérique, pourrait-il remplir ce critère ?

Fait intéressant, que peu de Canadiens et d’Européens connaissent, le Canada partage aujourd’hui deux frontières avec l’Europe. La première est celle entre Terre-Neuve-et-Labrador (province de l’extrême est du Canada) et les îles Saint-Pierre-et-Miquelon. Après la défaite de la Nouvelle-France contre les britanniques, le traité d’Utrecht de 1713, qui céda Terre-Neuve et l’Acadie aux Britanniques, permit néanmoins à la France de conserver Saint-Pierre-et-Miquelon. Après la défaite française en 1763, le traité de Paris confirma que les îles restaient sous souveraineté française malgré la perte du reste de la Nouvelle-France. Depuis lors, elles sont demeurées françaises et ont progressivement évolué vers leur statut actuel de collectivité d’outre-mer, avec un gouvernement local sous l’autorité de la République française. Aujourd’hui, elles constituent le dernier vestige de la présence française en Amérique du Nord.

La seconde frontière que le Canada partage avec l’Europe se trouve au nord, dans l’Arctique, entre le Canada et le Groenland, sur l’île Hans. L’île Hans est un petit territoire inhabité de 1,3 km² situé dans le détroit de Nares, entre le Canada et le Groenland (Danemark). Pendant des décennies, elle a fait l’objet d’un différend territorial entre les deux pays. Dès les années 1970, les revendications se sont intensifiées, donnant lieu à une « guerre des drapeaux » où chaque nation plantait son drapeau et laissait des bouteilles d’alcool en signe de défi amical. En 2022, un accord a officiellement divisé l’île en deux, établissant une frontière terrestre entre le Canada et l’Europe. Cet accord marque une résolution pacifique d’un litige territorial rare. Le Canada possède donc deux frontières avec l’Europe, et celles-ci ne sont pas récentes !

Est-ce que le Canada pourrait adhérer à l’Union européenne et tourner le dos aux États-Unis ?

La réponse est oui, et voici pourquoi:

Pour intégrer l’Union européenne (UE), un pays candidat doit remplir plusieurs critères définis principalement par les critères de Copenhague, établis en 1993, ainsi que par certaines exigences spécifiques du traité de l’Union européenne. Ces critères se regroupent en trois grandes catégories :

1. Critères politiques

Le pays candidat doit :

  • Avoir des institutions stables garantissant la démocratie, l’État de droit, les droits de l’homme et le respect des minorités.
  • Garantir un système politique pluraliste et des élections libres et équitables.
  • Respecter et protéger les libertés fondamentales (liberté d’expression, d’association, etc.).

2. Critères économiques

Le pays doit :

  • Avoir une économie de marché viable, capable de faire face à la concurrence et aux forces du marché au sein de l’UE.
  • Assurer une stabilité économique et financière suffisante pour éviter des perturbations majeures après l’adhésion.

3. Critères juridiques (acquis communautaire)

Le pays doit :

  • Accepter et être capable d’appliquer l’acquis communautaire, c’est-à-dire l’ensemble des lois, règles et normes de l’UE.
  • Adopter les politiques communes de l’UE, y compris celles liées à la concurrence, à l’agriculture, à la protection de l’environnement et à la justice.
  • Harmoniser sa législation nationale avec celle de l’UE.

4. Autres conditions spécifiques

  • L’UE doit être en mesure d’intégrer le pays sans compromettre son fonctionnement.
  • Le pays candidat doit démontrer une capacité à assumer les obligations liées à l’adhésion.

Processus d’adhésion

  1. Demande officielle → Un pays doit soumettre une demande formelle d’adhésion au Conseil européen.
  2. Statut de candidat → Si la demande est acceptée, le pays devient officiellement candidat.
  3. Négociations d’adhésion → Un processus long et détaillé où le pays doit aligner ses lois et institutions avec celles de l’UE.
  4. Ratification → Une fois toutes les conditions remplies, l’adhésion est validée par les États membres de l’UE et le Parlement européen.

Ce processus peut durer plusieurs années, voire des décennies, comme on l’a vu avec la Turquie ou les Balkans occidentaux, mais selon l’ensemble des critères mentionnés, le Canada pourrait parfaitement être un membre à part entière de l’Union européenne et en serait un contributeur important à l’économie.

Quels seraient les avantages pour les Canadiens d’adhérer à l’Union européenne ?

Les avantages pour l’Europe seraient d’avoir accès à des matières premières qui lui font grandement défaut (acier, aluminium, bois, terre rares, métaux, etc.), à des prix compétitifs et sans les tarifs actuels imposés par les États-Unis. Les citoyens de l’Union européenne pourraient venir habiter, étudier et travailler au Canada, comme ils le font dans tous les pays membres de l’Union, sans formalités compliquées, un peu comme celles que l’on connaît entre les provinces canadiennes.

L’adhésion à l’Union européenne offrirait au Canada plusieurs avantages significatifs. Tout d’abord, le pays pourrait accéder à un marché de plus de 450 millions de consommateurs, renforçant ainsi ses exportations et diversifiant ses partenariats commerciaux. Cela offrirait aussi une protection contre les tarifs imposés par d’autres grandes puissances économiques, comme les États-Unis, et favoriserait les investissements européens au Canada. En outre, les Canadiens bénéficieraient de la libre circulation des personnes, facilitant les échanges professionnels et académiques. Cette adhésion renforcerait également le rôle du Canada sur la scène internationale, en tant que membre influent d’une union politique et économique majeure.

Se passer des États-Unis permettrait aussi au Canada de retrouver la dignité piétinée par Donald Trump, dans un cadre qui lui correspond bien davantage. N’oublions pas que les citoyens de l’Union européenne, grâce à la libre circulation entre les États membres, peuvent voyager dans le sud de l’Europe — en Espagne, en Italie ou en Grèce — sans la moindre formalité et peuvent résider plus de six mois, contrairement à la Floride. Enfin, les Canadiens pourraient prendre leur retraite au chaud dans le sud de l’Europe, tout à fait légitimement.

Somme toute, il n’y aurait que des avantages pour le Canada et l’Union européenne à s’unir, et il est très possible d’imaginer une crise économique majeure aux États-Unis si le Canada lui livrait un tel coup. Le plus tôt sera le mieux !

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