Selon: Me Simon Delisle-Beaulieu, Commission des services juridiques du Qc
L’utilisation du dépôt direct pour les prestations gouvernementales
est maintenant une pratique courante qui peut, malheureusement,
avoir des conséquences fâcheuses pour ceux et celles qui ne
portent pas une attention particulière aux dépôts qu’ils reçoivent.
En effet, la nature grandissante des dépôts (prestations parentales,
assurance-emploi, remboursement d’impôt, prestations d’aide de
dernier recours, crédits, etc.) tant au niveau provincial que fédéral,
fait en sorte qu’il peut arriver que des dépôts erronés soient effectués
dans le compte du contribuable, lui permettant ainsi d’avoir
accès à des sommes auxquelles il n’a pas droit. Les conséquences
peuvent être importantes, pour ne pas dire dramatiques, surtout
s’il s’agit de dépôts faits de façon erronée par l’Agence du revenu
du Canada ou une autre entité fédérale.
Un jeune homme dans la vingtaine, père de deux enfants en garde
partagée et prestataire d’aide de dernier recours, dispose d’un
compte courant dans une institution bancaire. Les sommes suivantes
sont déposées dans son compte de façon régulière par
dépôt direct: prestations d’aide de dernier recours, prestations pour
enfants (provinciale et fédérale), crédit d’impôt pour solidarité. Un
jour, une somme d’environ 3000$ est déposée dans son compte
bancaire. La seule information dont il dispose est que cette somme
est déposée par l’Agence du revenu du Canada. Monsieur croit
alors qu’il s’agit d’un remboursement d’impôt ou d’un ajustement
rétroactif des prestations qu’il reçoit du gouvernement fédéral.
Dans les jours qui suivent, il retire la somme en entier afin de payer
des dettes et faire réparer son véhicule. Quelques mois plus tard,
alors qu’il désire payer l’épicerie avec sa carte débit, il est dans l’impossibilité
de le faire, car aucun fonds n’est disponible. Il communique
rapidement avec sa banque, laquelle l’informe que non seulement son compte bancaire est saisi par l’Agence du revenu du
Canada, mais que les sommes qui s’y trouvaient ont été remises
en totalité à l’Agence du revenu du Canada, soit environ 1500$.
Les sommes étaient constituées de sa prestation d’aide de dernier
recours et de ses prestations de soutien aux enfants.
L’ARC avait déposé par erreur la somme de 3000$ dans le compte
bancaire de monsieur. S’agissant d’un paiement erroné, elle avait
le pouvoir de récupérer cette somme puisqu’il s’agit d’un versement
indu constituant une créance de Sa Majesté. Elle n’a pas
à se justifier et elle n’a pas à aviser le débiteur fiscal avant d’entreprendre
ses recours. Aucune autorisation n’est nécessaire et,
contrairement au bref de saisie en mains-tierces que nous avons
l’habitude de voir, la Loi de l’impôt sur le revenu ne prévoit pas que
le débiteur doit recevoir un avis préalable.
En effet, l’article 224 de la Loi de l’impôt sur le revenu permet à
l’ARC d’exiger d’une institution financière, par écrit, que les fonds
qu’elle détient soient en totalité ou en partie versés au Receveur
général. Cette procédure, appelée communément demande formelle
de paiement, ne requiert aucun recours devant un tribunal
et l’ARC n’a pas l’obligation de donner un avis préalable au contribuable
avant de pratiquer sa saisie des comptes bancaires. De
plus, ce type de saisie en mains tierces n’empêche pas la saisie
des biens déclarés insaisissables par la législation provinciale.
Donc, malgré que les prestations d’aide de dernier recours soient
insaisissables, la saisie de ces sommes par voie de demande formelle
de paiement (saisie du compte bancaire) et leur remise au
Receveur général du Canada ne peut faire l’objet d’une opposition
en vertu des lois du Québec.