Roger-Luc Chayer
Le sujet de l’heure depuis quelques semaines au Québec et celui
qui fait couler le plus d’encre après «l’Affaire SNC-Lavallin» est certainement
la nouvelle politique du Gouvernement du Québec sur la
laïcité dans l’espace public et dans l’État. Bien que la très grande
majorité des québécois, de tous les partis politiques, croyances et
origines sont d’accord avec le fait que l’État du Québec doit être
visiblement laïque, de petits groupes et certaines minorités culturelles
s’organisent pour manifester leur désaccord. Les émotions
sont parfois fortes, certains élus ont même utilisé le terme «nettoyage
ethnique» pour qualifier l’interdiction du port de signes religieux
par les fonctionnaires en particulier. Il ne faut quand même
pas exagérer, ces élus se sont d’ailleurs excusés d’avoir tenu de
tels propos. Mais il se dit tellement de choses qu’il m’apparaissait
important de resituer un peu le débat sur des faits importants.
Le premier ministre du Québec, Monsieur François Legault, dans
un discours à la nation, disait début avril: «J’ai envie de dire «enfin!
»; c’est un débat qui dure depuis plus de 10 ans, il est temps
qu’un gouvernement mette en place des règles claires pour tout
le monde». Dans son discours, M. Legault a dit que l’approche de
son gouvernement respecte « l’histoire, les valeurs » et la volonté
d’« une grande majorité de Québécois ». « Il est temps de fixer des
règles, parce qu’au Québec, c’est comme ça que l’on vit », a conclu
le premier ministre dans sa vidéo.
Essentiellement, le premier ministre a introduit un projet de loi
simple, qui ne vise pas à punir, mais à neutraliser l’État, comme ça
se fait d’ailleurs dans de nombreux autres pays et gouvernements.
On n’a qu’à penser à la France ou à la municipalité de Genève qui
interdit tout simplement le port de signes religieux par ses employés.
Mais il est important aussi de souligner et d’expliquer que le Québec
n’est pas à sa première révolution religieuse. Vous vous souvenez
certainement de la Révolution tranquille qui consistait, à la
fin des années ‘50 et sur plusieurs années, à sortir l’Église catholique
des établissements de l’État comme les écoles, les hôpitaux
et les ministères. Personne n’en est mort à ce que je sache.
La proposition actuelle du Gouvernement du Québec n’est qu’une
prolongation de ce qui a été commencé et souhaité par le peuple
québécois il y a plus d’un demi-siècle. C’est une suite logique, démocratique
et la conclusion d’une mutation de société entreprise il y
a longtemps. Encore là, il n’y a rien de surprenant avec ça puisque
le Québec a toujours été à l’avant-garde en matière d’évolution sociale.
Le droit de vote des femmes, l’union civile, le mariage gai, la
rente de conjoints gais survivants en sont des exemples précieux.
En conclusion, cette nouvelle loi ne vise pas à retirer quelque droit
que ce soit à qui que ce soit, mais à uniformiser des normes de
société quand vient le temps de transiger avec l’État et les pouvoirs
publics. Il est facile de comprendre que pour des personnes qui
ne connaissent pas l’histoire du Québec, cela puisse causer un
trouble d’adaptation à une situation nouvelle, mais honnêtement,
personne ne demande à quiconque de se promener nu sur la rue.
L’État souhaite simplement que la croix au cou, l’étoile de David
en breloque ou que le Hijab soient retirés au travail et seulement
lorsque les représentants de l’État doivent transiger avec le public.
Ce n’est quand même pas un nettoyage ethnique que de demander
quelque chose de si normal. Et puis avec le temps, très court
probablement, les gens vont s’adapter et on passera à autre chose,
à d’autres problèmes tout aussi importants à régler.