
Par: Roger-Luc Chayer (Image: IA / Gay Globe)
ALERTE SANTÉ
De nos jours, on parle de plus en plus souvent de la résistance aux médicaments. Cette résistance peut concerner les opioïdes et les narcotiques en général, les antiviraux (notamment ceux utilisés pour le traitement du VIH), ainsi que les antibiotiques, essentiels pour combattre de nombreuses infections, parmi lesquelles les infections transmissibles sexuellement (ITS) figurent en tête. Or, une nouvelle forme de résistance, jusqu’ici insoupçonnée, est en train de se développer : celle aux antifongiques. Et dans ce domaine, les enjeux sont sérieux.
Qu’est-ce qu’une infection fongique ?
Une infection fongique, aussi appelée mycose, est une maladie causée par des champignons microscopiques qui vivent dans notre environnement. Ces champignons sont présents dans l’air, le sol, l’eau et même sur notre peau. La plupart du temps, ils cohabitent avec nous sans causer de problème, mais dans certaines conditions, ils peuvent se développer de manière excessive et provoquer une infection.
Les infections fongiques peuvent toucher différentes parties du corps. Les plus courantes sont les mycoses superficielles, comme le pied d’athlète (entre les orteils), les infections des ongles (onychomycose) ou les infections vaginales à levures comme celles causées par le champignon Candida. Ces infections provoquent souvent des démangeaisons, des rougeurs, une peau irritée ou des fissures.
Dans certains cas, les infections fongiques peuvent devenir plus graves, surtout chez les personnes ayant un système immunitaire affaibli, comme les patients atteints de cancer, du VIH, ou sous traitement immunosuppresseur. Les champignons peuvent alors affecter des organes internes, comme les poumons ou le cerveau, et causer des infections invasives, parfois mortelles, comme celles dues à Aspergillus ou Cryptococcus.
Les infections fongiques se développent souvent dans des environnements chauds et humides, ce qui favorise la croissance des champignons.
Le Candida Albicans
Selon Santé Canada, le Candida albicans est un champignon unicellulaire. La reproduction asexuée se produit par bourgeonnement pour donner des blastoconidies. Des colonies blanches et lisses de 2 à 4 mm apparaissent de 48 à 72 heures après la mise en culture à 37 °C sur un milieu de croissance pour champignons.
C. albicans est un microorganisme commensal qui fait partie de la flore microbienne endogène gastro-intestinale, oropharyngée et génitale féminine. C’est aussi un pathogène opportuniste chez l’humain dans certaines conditions, telles qu’une immunodéficience (chimiothérapie et infection au virus de l’immunodéficience humaine [VIH]), une flore intestinale réduite (traitement antibiotique) ou lorsqu’il a contact avec le sang (blessures et cathéters à demeure). Il existe deux sous-types d’infection à C. albicans : des muqueuses et systémique.
L’infection des muqueuses par C. albicans la plus fréquente est la candidose buccale, communément appelée muguet, caractérisée par la présence de plaques uniques ou multiples, blanchâtres et irrégulières, sur la langue, le palais ou autres surfaces des muqueuses. L’infection des gencives est également une complication courante des interventions chirurgicales orales.
La candidose invasive désigne les infections du sang ou du compartiment intra-abdominal, la péritonite ou l’ostéomyélite avec des estimations de mortalité pour ces infections allant de 10 % à 20 %. Les cas de candidose invasive sont généralement associés à des séjours à l’unité des soins intensifs (USI) et sont typiquement le résultat d’une colonisation accrue ou anormale chez un hôte quelque peu compromis. Les manifestations cliniques de la candidose invasive sont généralement non spécifiques.
Que sont les médicaments antifongiques?
Le Candida albicans est sensible à plusieurs types de traitements antifongiques, dont :
- L’amphotéricine B et la nystatine.
- La flucytosine.
- Les antifongiques azolés (comme le fluconazole et l’itraconazole).
- Les échinocandines.
- Les traitements combinés.
Les candidoses qui touchent la peau et les muqueuses peuvent être traitées avec des antifongiques azolés comme le fluconazole ou l’itraconazole. Parfois, le voriconazole et les échinocandines sont aussi utilisés, mais les azolés sont généralement privilégiés.
Pour les cas graves, comme une candidose invasive systémique (lorsque l’infection se propage dans tout le corps), le traitement recommandé en première ligne est une échinocandine. Le fluconazole peut être utilisé comme alternative, mais il est généralement moins efficace.
Comment s’exprime la résistance aux antifongiques?
L’utilisation répétée du fluconazole, en particulier à des fins prophylactiques chez les patients immunodéprimés, a été liée au développement d’une résistance de Candida albicans à ce médicament. Une résistance aux échinocandines a également été signalée.
La résistance multiple aux antifongiques chez les espèces du genre Candida, et plus spécifiquement chez C. albicans, est en augmentation. Cette situation est aggravée par le nombre limité d’options thérapeutiques disponibles pour traiter ces infections.
On observe actuellement, à l’échelle mondiale, une nouvelle forme de résistance qui gagne en ampleur en raison de l’accès facile et peu coûteux aux médicaments antifongiques. Candida albicans peut survivre sur des surfaces inanimées pendant une période allant de 24 heures à 120 jours, et jusqu’à 45 minutes sur les paumes des mains. Ce champignon a été isolé sur divers objets tels que la literie, les lits d’enfants et les bassines utilisées en pouponnière. Il a également été observé que C. albicans pouvait survivre et même se développer dans de l’eau distillée conservée à température ambiante.
Ce champignon résiste à un séchage de 5 heures dans l’obscurité et de 1 heure en pleine lumière. Dans des conditions expérimentales, sa viabilité cellulaire reste de 10 % après 150 jours dans l’eau de mer, 180 jours dans l’eau de pluie et 210 jours dans l’eau du robinet.
Comment éviter de développer une résistance aux antifongiques ?
La résistance aux antifongiques est un problème de santé croissant qui peut rendre les infections fongiques plus difficiles à traiter. Pour prévenir son apparition, plusieurs mesures simples et efficaces peuvent être adoptées.
Tout d’abord, il est essentiel d’utiliser les antifongiques uniquement lorsqu’ils sont nécessaires et prescrits par un professionnel de la santé. L’automédication ou l’utilisation prolongée de ces médicaments sans supervision peut favoriser la résistance. Par exemple, un traitement mal adapté ou interrompu trop tôt permet aux champignons de survivre et de développer des mécanismes de défense.
Maintenir une bonne hygiène personnelle et environnementale est une autre façon de réduire le risque d’infection. Assurez-vous de garder votre peau sèche et propre, en particulier dans les zones où les champignons ont tendance à se développer, comme les plis cutanés. Portez des vêtements respirants et évitez les matières synthétiques qui emprisonnent l’humidité.
Dans les environnements de soins de santé, les professionnels doivent suivre des protocoles stricts de désinfection pour limiter la propagation des champignons résistants. La désinfection régulière des surfaces et du matériel médical est cruciale pour éviter la contamination croisée.
Enfin, il est important d’éviter une utilisation excessive des antifongiques dans des contextes non médicaux, comme l’agriculture, où ils sont parfois employés pour protéger les cultures. Ces usages peuvent contribuer au développement de souches résistantes qui peuvent ensuite infecter les humains.
Environ 70 à 80% de la population humaine serait porteuse de Candida dans des conditions normales, sans que cela n’entraîne de symptômes. Cela dit, la proportion des personnes qui souffrent d’infections causées par Candida (comme le muguet ou les infections vaginales à levures) varie et dépend de facteurs comme l’âge, l’état de santé, le système immunitaire, et d’autres conditions sous-jacentes.